Dans mon essai du 13 décembre 2006, j’offrais une réponse à la question fréquemment posée à propos de l’opportunité d’accorder des droits aux plantes. J’ai reçu de nombreux courriels de la part de lecteurs me disant que cet essai leur avait été utile dans leurs discussions à propos des droits des animaux et du véganisme, et qu’ils apprécieraient que je leur suggère d’autres réponses aux questions que les défenseurs des droits des animaux se font souvent demander.
Dans cet essai, j’aborde trois questions et réponses qui, je l’espère, vous seront utiles dans le cadre de votre activisme. La semaine prochaine, j’en aborderai trois autres.
1. Question : Les animaux domestiques, comme les vaches et les porcs, ou encore les rats de laboratoire, n’existeraient pas si nous ne les avions pas nous-mêmes créés pour nos propres fins. Est-ce que cela ne signifie pas que nous soyons libres de les traiter comme une de nos ressources?
Réponse : Non. Le fait que nous soyons, dans un certain sens, responsables de l’existence de ces êtres ne nous donne pas le droit de les traiter comme une ressource. Si c’était le cas, alors nous pourrions également traiter nos enfants comme des ressources. Après tout, ils n’existeraient pas sans notre action − de notre décision de les concevoir à notre décision de ne pas avorter la grossesse. Et bien que nous jouissions d’une certaine liberté dans notre manière de traiter nos enfants, il y a des limites. Nous ne pouvons les traiter comme nous traitons les animaux. Nous ne pouvons les asservir, les soumettre à la prostitution ou vendre leurs organes. Nous ne pouvons pas les tuer. En fait, dans toutes les cultures, mettre une enfant au monde est, au contraire, perçu comme un acte créant l’obligation morale, pour les parents, de prendre soin de cet enfant et de ne pas l’exploiter.
Et comme je l’explique dans ma présentation Animaux comme propriétés, disponible sur mon site web, l’institution de la propriété d’animaux n’est pas davantage défendable que l’institution de la propriété d’êtres humains.
2. Question : Les droits ont été inventés par des humains. Comment pourraient-ils être octroyés à des animaux?
Réponse : Tout comme le fait que le statut moral des humains ou des nonhumains ne soit pas déterminé par les personnes qui ont fait en sorte que ces humains ou ces nonhumains en soient venus à exister, l’application d’un concept moral n’est pas déterminée par ceux qui ont créé ce concept. Si la protection offerte par nos jugements moraux ne pouvait concerner que ceux qui ont développé les concepts moraux, alors une grande part de l’humanité serait toujours exclue de la communauté morale.
Le concept de droit tel que nous l’entendons aujourd’hui a, en fait, été inventé pour protéger les intérêts des riches propriétaires fonciers mâles et blancs; en effet, la plupart des concepts ont été créés par des hommes privilégiés pour le bénéfice d’autres hommes privilégiés. Avec le passage du temps, nous en sommes venus à reconnaître que le principe de l’égale considération exige que les cas similaires soient traités de manière similaire et à étendre les droits (et autres bénéfices moraux) aux autres humains. En particulier, le principe de l’égale considération requiert que nous jugions odieuse l’appropriation d’humains par d’autres. Si nous souhaitons appliquer le principe de l’égale considération aux animaux, alors nous devons étendre aux animaux le droit de ne pas être traités comme une ressource. J’explique cela plus en détails sur mon site web, dans ma présentation Théorie des droits des animaux.
Il n’est pas pertinent de nous demander si les animaux ont créé les droits ou même s’ils peuvent comprendre le concept de droit. Nous n’exigeons pas des humains qu’ils aient été les créateurs potentiels des droits ou qu’ils comprennent le concept de droit pour pouvoir bénéficier de droits. Par exemple, un être humain sévèrement handicapé mentalement peut ne pas avoir la capacité de comprendre ce qu’est un droit, mais cela ne signifie pas que nous ne devrions pas au moins lui accorder la protection du droit fondamental de ne pas être traité comme une ressource à la disposition d’autres individus.
3. Question : Si vous êtes en faveur de l’abolition de l’utilisation des animaux comme des ressources pour les êtres humains, est-ce que vous ne vous souciez pas plus des animaux que de ces humains malades qui pourraient possiblement être guéris par la recherche sur des animaux?
Réponse : Non. Cette question est logiquement et moralement identique à celle de savoir si les personnes qui étaient en faveur de l’abolition de l’esclavage humain se souciaient moins du bien-être des Sudistes, qui risquaient de faire face à la faillite économique si l’esclavage devait être aboli, que de celui des esclaves. La question n’est pas de savoir de qui l’on se soucie le plus ou qui l’on valorise le plus; la question est de déterminer s’il est moralement justifiable de traiter des êtres sensibles − humains ou nonhumains − comme des commodités ou exclusivement comme des moyens, pour d’autres, d’atteindre leurs propres fins.
Par exemple, nous ne pensons généralement pas être autorisés à utiliser un être humain non consentant comme sujet d’expériences biomédicales même si, en utilisant des humains plutôt que des animaux lors de nos expérimentations, nous pourrions obtenir des données beaucoup plus fiables à propos des maladies humaines. L’application à un contexte humain de données issues de l’expérimentation animale − en prenant pour acquis que les données animales aient quelque pertinence − nécessite souvent de difficiles et toujours imprécises extrapolations. Nous pourrions éviter toutes ces difficultés en utilisant des humains, puisque nous éliminerions le besoin d’extrapoler. Mais nous refusons cette pratique parce que, même si plusieurs questions éthiques sont controversées, la plupart d’entre nous sommes d’accord pour écarter d’entrée de jeu la possibilité d’utiliser des humains non consentants comme sujets d’expérimentation scientifique. Or, personne ne suggère que nous nous soucions davantage de ceux que nous ne voulons pas soumettre de force à l’expérimentation que des autres, qui bénéficieraient de cette utilisation.
Source : Gary L. Francione, Introduction to Animal Rights: Your Child or the Dog?, (Philadelphie : Temple University Press, 2000).
Gary L. Francione
© 2007 Gary L. Francione