Un mot sur « Je ne peux pas » versus « Je choisis »

De nombreux végans disent : « Ce n’est pas que je ne peux pas consommer de produits d’origine animale ; j’ai simplement choisi de ne pas en manger ». Ils s’inquiètent du fait qu’il soit négatif de dire qu’il y a quelque chose qu’ils « ne peuvent pas » faire.

Bien que je le comprenne, cela n’a vraiment pas grand sens.

Oui, bien sûr, je pourrais choisir de manger, porter ou utiliser des produits d’origine animale. Mais en tant que végan, je choisis de ne pas le faire. Mais c’est parce que je pense qu’il y a des principes moraux et des règles qui contraignent mon comportement et m’obligent à ne pas le faire. Par exemple, comme je suis un réaliste moral, je considère le principe selon lequel « il est moralement injuste de tuer un autre être sentient en l’absence de conflit ou de contrainte réels » comme exprimant une proposition véridique. Par conséquent, je ne peux vraiment pas choisir d’utiliser des produits d’origine animale si je reconnais la validité de ces principes moraux (et les règles que j’en tire) et les considère comme fournissant la raison de mes actions.

Je pense que la racine du problème est que certains végans refusent de reconnaître qu’il existe des vérités morales exigeant que nous agissions de telle ou telle manière. A leurs yeux, le véganisme représente seulement certaine expression non contraignante de « compassion » ou d’autre chose. Or, tel que je le vois, nous sommes moralement tenus d’être végans. Ce n’est pas une question de choix dans le sens de dire qu’il n’y a pas de bonne réponse et que choisir d’être « compassionnel » relève simplement d’un choix individuel. Il y a une bonne réponse. L’exploitation animale est moralement injuste. Par conséquent, je ne peux pas choisir d’exploiter les animaux dès lors que je veux adhérer à ces principes moraux.

Donc, quand je dis que je choisis de ne pas manger, porter ou utiliser les animaux, cela signifie que mon choix est contraint par les principes moraux qui condamnent nécessairement l’exploitation animale. Je choisis de ne pas commettre de tels actes parce que ces principes moraux m’y obligent. Le fait d’exploiter n’est, en revanche, pas un choix qui dériverait d’autres choses auxquelles je crois. Si je me soucie d’éthique, alors je ne peux pas choisir d’exploiter les non-humains.

Faire la chose juste parce que l’on choisit d’agir conformément à un principe moral exigeant cette chose juste est certes compatible avec le fait de dire : « Je choisis de faire X » ou « Je ne peux pas choisir de ne pas faire X ». Mon avis est que chaque locution est bien. Cependant, cela me trouble dans la mesure où ces distinctions reflètent un rejet du réalisme moral, lequel rejet est endémique dans le « mouvement ». Chaque fois que l’on me pose la question, je réponds toujours que je choisis de ne pas exploiter les animaux nonhumains pour des raisons morales qui me mettent dans l’impossibilité d’agir différemment. Je promeus toujours l’idée que c’est une question de vérité morale. Autrement, c’est juste vu comme une simple opinion ou un jugement esthétique, ce qui n’est, en ce qui me concerne, pas le cas.

En résumé, il me semble que « je ne peux pas dire je ne peux pas » est une façon de vendre le véganisme comme une sorte de mode de vie « compassionnel » optionnel plutôt que comme base morale. Mais si les animaux ont une valeur morale, alors le véganisme est la seule réponse rationnelle afin de respecter cette valeur morale. Il constitue une obligation morale et non un choix optionnel de mode de vie.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
© 2013 Gary L. Francione