Archives mensuelles : mai 2007

Ma réponse à Johanna

La semaine dernière, j’ai reçu un courriel d’une personne que j’identifierai, avec sa permission, par son prénom Johanna. Johanna écrivait, notamment :

Vous soutenez que nous devons investir tout notre temps et toute notre énergie à tenter de persuader les gens de devenir végans. Je pense qu’il s’agit là d’une idée merveilleuse, mais qu’en est-il de tous ceux qui ne se préoccupent pas des animaux et qui ne deviendront jamais végans? Qu’en est-il de ceux qui deviendront peut-être végans éventuellement, mais qui ne sont pas prêts à le faire immédiatement?
N’est-il pas raisonnable d’appuyer les réformes welfaristes pour rejoindre ces personnes? N’est-il pas mieux d’encourager ces gens à manger des aliments qui sont produits d’une manière plus humaine, même si les différences entre ces aliments et ceux qui sont produits d’une manière plus conventionnelle ne sont pas très grandes?

Les préoccupations de Johanna représentent bien celles de tous les gens qui font la promotion des réformes welfaristes et des produits issus de la viande ou des animaux « heureux ». Je vous propose de lire ma réponse à Johanna en espérant qu’elle puisse être utile à certains d’entre vous qui réfléchissez à ces questions.

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« Oh mon Dieu, ces végans… »

Dans le débat qui ne cesse d’opposer ceux qui font la promotion de l’approche abolitionniste et ceux qui font la promotion de l’approche welfariste, certains welfaristes prétendent qu’ils appuient le véganisme et, donc, que la différence n’est en réalité que petite entre les deux approches, à propos de la consommation de viande et de produits animaux.

S’il est vrai que les welfaristes appuient le véganisme, il est important de comprendre que la position abolitionniste à l’égard du véganisme diffère grandement de la position welfariste sur le sujet.

Les abolitionnistes considèrent le véganisme comme le fondement moral non-négociable du mouvement voulant que nous abolissions l’utilisation de tous les animaux, aussi « humain » notre traitement des animaux puisse-t-il être. Les tenants de la position abolitionniste attribuent aux nonhumains une valeur inhérente et jugent que nous ne devrions jamais les tuer ou les manger même s’ils ont été élevés et tués de manière « humainement ». Les abolitionnistes considèrent le véganisme comme une fin en soi – comme l’expression du principe de l’abolition dans nos vies individuelles.

Les végans abolitionnistes n’organisent pas des campagnes visant à améliorer le bien-être, ce qui rend supposément l’exploitation animale plus « humaine ». Il est, bien sûr, « mieux » d’infliger moins de dommage que plus de dommage. Or, nous ne disposons d’aucune justification morale pour infliger quelque dommage que ce soit aux nonhumains. Il est « mieux » de ne pas battre la personne que l’on viole, mais cela ne rend pas le viol sans voie de fait moralement acceptable, ou ne fait pas de la campagne visant à encourager le viol « humain » (commis avec compassion) quelque chose que nous devrions soutenir.

Les abolitionnistes considèrent le véganisme comme la forme la plus importante de changement graduel et ils allouent leur temps et leurs ressources à l’éducation des autres à propos du véganisme et de la nécessité de cesser d’utiliser les animaux, de manière générale, plutôt que d’essayer de persuader les gens de consommer des œufs provenant de « poules élevées en liberté » ou la viande produite à partir d’animaux ayant été confinés dans des endroits un peu plus grands.

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Vivisection, partie 2 : la justification morale de la vivisection

Dans Vivisection, partie 1 : la « nécessité de la vivisection », j’ai discuté des problèmes liés aux expérimentations biomédicales et de la prétention selon laquelle l’utilisation de nonhumains pour ces recherches est, en fait, « nécessaire » pour obtenir des données essentielles à la solution de problèmes de santé humaine. Dans cet essai, j’ai voulu explorer brièvement l’argument voulant que, même si l’utilisation des animaux était nécessaire − au sens où nous avons besoin d’utiliser des nonhumains pour obtenir ces données vitales −, nous ne pouvons justifier l’utilisation de nonhumains pour cette fin.

Humains et nonhumains ont tous intérêt à ne pas être utilisés lors d’expérimentations biomédicales. Nous accordons aux êtres humains le droit de ne pas être soumis, comme sujets non-consentants, à de telles expériences même si nous avons toutes les raisons de croire qu’il serait beaucoup plus efficace d’utiliser des humains puisque cela permettrait d’éviter les difficultés dont j’ai discuté dans mon essai précédent, liées à l’extrapolation des résultats obtenus sur des nonhumains aux humains et les autres problèmes qui rendent la recherche sur les animaux problématique et peu fiable, d’un point de vue scientifique.

Lorsque nous disons que les humains ont « droit » de ne pas être utilisés pour de telles fins, cela signifie que l’intérêt des humains à ne pas être utilisés comme des sujets non-consentants lors des expérimentations sera protégé même si cette utilisation promettait d’entraîner d’importants bénéfices pour le reste d’entre nous. La question, alors, est pourquoi est-ce que nous croyons qu’il est moralement acceptable d’utiliser des nonhumains pour des expérimentations, mais qu’il ne l’est pas d’utiliser des humains?

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Quelques questions des Vegan Freaks

Je considère le Forum Vegan Freak comme un des endroits les plus intelligents et vivants que l’on peut trouver sur le web, où l’on discute des questions liées au véganisme. Un des participants y a rapporté quatre questions qui lui avaient été posées par quelqu’un qui défendait l’utilisation des animaux, et d’autres participants ont affirmé s’être fait poser le même genre de questions. Ces questions sont typiques et j’aimerais vous offrir quelques courtes réponses qui, je l’espère, vous seront utiles dans votre activisme.

1. Les dindes n’ont pas les capacités cognitives nécessaires pour avoir des intérêts autres que celui de se reproduire et de répondre à leurs besoins de survie les plus élémentaires, n’est-ce pas?

Un des principes fondamentaux de la position visant à défendre le bien-être animal est que les nonhumains nous ressemblent dans le sens qu’ils peuvent souffrir comme nous et, donc, que nous avons donc une sorte d’obligation morale et légale vague (et insignifiante) nous obligeant à les traiter « humainement ». Mais parce que, au-delà de cette commune sensibilité, les animaux ne sont pas comme nous et n’ont pas un esprit comme le nôtre, ils demeurent « inférieurs » et nous pouvons donc les utiliser comme nous le voulons.

Nous ne savons pas ce qui se passe dans la tête des autres humains, nonobstant ce qui se passe dans celle des nonhumains. Je parie que les dindes ont de très nombreux intérêts et qu’elles sont des créatures très complexes au plan cognitif. Elles ne partagent sans doute pas beaucoup d’intérêts avec les humains, mais les dindes ont probablement des intérêts que les humains n’ont pas.

Pour les fins de l’argument, faisons comme si les intérêts des dindes étaient aussi limités que ce que la question suggère. Qu’est-ce que cette supposition nous apprend à propos du fait qu’il est, ou non, moralement acceptable de tuer des dindes et de les manger, ou encore de les exploiter d’une autre manière?

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Les quatre problèmes du mouvement en faveur du bien-être animal : en résumé

Un certain nombre de lecteurs m’ont demandé d’écrire quelque chose qu’ils pourraient télécharger et utiliser en guise de courte réponse à offrir aux défenseurs des animaux qui font la promotion de l’approche en faveur du bien-être animal (welfariste) et qui ne comprennent pas pourquoi cette approche est incohérente avec la position droits/abolitionniste.

J’espère que ce qui suit sera utile.

Il y a au moins quatre problèmes soulevés par l’approche welfariste de l’éthique animale.

Premièrement, les mesures visant à améliorer le bien-être animal offrent une bien faible protection (advenant qu’elle en offre une) des intérêts des animaux. Par exemple, la campagne menée par People for the Ethical Treatment of Animals (PETA) afin d’obtenir de McDonald’s et d’autres chaînes de restauration rapide qu’ils adoptent les méthodes de manipulation et de mise à mort de Temple Grandin. Mais l’abattoir qui se plie aux lignes directrices mises de l’avant par Grandin et l’abattoir qui s’y refuse sont tous deux des endroits odieux. Il serait erroné de penser qu’il en est autrement.

Un certain nombre de groupes de défense des animaux mènent des campagnes afin de promouvoir des alternatives aux cageots de gestation des truies. Pourtant, lorsqu’on examine ces dispendieuses démarches plus attentivement, on s’aperçoit qu’elles ne promettent finalement pas grand-chose, puisqu’elles prévoient de très nombreuses échappatoires qui permettent à ceux qui exploitent les animaux de faire ce qu’ils veulent, de toute manière. J’ai écrit un essai paru dans mon blog sous le titre Un « triomphe » du mouvement pour le bien-être animal?, à propos de la campagne contre les cageots de gestation menée en Floride, qui illustre les limites de ce type de réformes.

La même chose peut être dite à propos de la plupart des « améliorations » au niveau du bien-être animal. Elles font en sorte que nous nous sentions mieux, mais font très peu pour les animaux.

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