Archives annuelles : 2007

Féminisme postmoderne et bien-être animal : en parfaite harmonie

Récemment, un débat a été présenté sur les excellents et toujours stimulants Vegan Freak Forums, opposant ceux qui sont généralement appelés les « féministes postmodernes » et les « féministes radicaux ». Les féministes postmodernes reconnaissent que le choix des femmes de se chosifier elles-mêmes, au plan sexuel, peut représenter un geste d’affirmation et ne doit pas être systématiquement interprété de manière négative. Ces féministes sont souvent pro-pornographie ou, à tout le moins, ils ne sont pas anti-pornographie. Les féministes radicaux sont plus enclins à rejeter la chosification des femmes qui, selon eux, est nécessairement problématique. Ils sont généralement anti-pornographie et s’opposent tout particulièrement à la pornographie dans laquelle les femmes sont dépeintes comme des victimes de violence ou de traitement abusifs. Ils considèrent les stéréotypes liés au genre comme des dangers autant pour les femmes que pour les hommes et cherchent à éliminer ces stéréotypes. Les féministes postmodernes soutiennent souvent que les stéréotypes « féminins » peuvent aider les femmes à s’affirmer.

Ce débat présente certains parallèles intéressants et importants avec le débat opposant l’abolition de l’exploitation animale et l’amélioration du bien-être des animaux. En fait, le féminisme postmoderne et le welfarisme relèvent de la même théorie, appliquée dans différents contextes.

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Une « lueur dans la pénombre »?

Dans une annonce médiatique (25 octobre 2007) présentée par la Animal Rights International (ARI), son président Peter Singer déclarait que la ARI avait fait paraitre une publicité sur les panneaux d’affichage placés sur les autobus de New York pendant un mois. Ces publicités montraient, semble-t-il, comment les œufs provenant d’élevage de poules en batterie étaient produits. Dans cette annonce, Singer expliquait à quel point ces cages d’élevage en batterie sont terribles. Signer affirmait « les cages en batterie sont graduellement abandonnées en Europe – pourquoi tardons-nous à en faire autant? » Singer remarquait toutefois ce qui lui semblait être une lueur dans cette scène obscure :

Les œufs-sans-cage, qui ne représentent qu’à peu près 5% des ventes, constituent le segment du marché qui évolue le plus rapidement. En prenant conscience de l’énorme quantité de souffrance infligée aux poules maintenues en cages, les consommateurs choisissent souvent de dépenser quelques sous de plus pour obtenir des œufs produits humainement. La ARI espère qu’en rappelant aux New Yorkais que leur petit-déjeuner s’obtient aux dépends des poules, plusieurs seront d’accord pour payer un peu plus afin de les libérer de leur cage.

L’annonce de ARI/Singer est problématique pour au moins trois raisons.

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Cas classiques de « schizophrénie morale »

Un des thèmes centraux de mon travail de la dernière décennie ou presque a été l’exploration de notre confusion cognitive – notre « schizophrénie morale » – à propos des animaux nonhumains. Récemment, j’ai commenté l’événement où la comédienne Ellen Degeneres sanglotait pendant son émission de télévision à propos du chien qu’elle avait adopté puis donné alors que, au même moment, elle faisait la promotion de ses menus du midi construits autour de produits animaux sur son site web. Le joueur de basketball Michael Vick a été blâmé pour son implication dans des combats de coqs par un public qui pense qu’il n’y a rien de mal à manger des nonhumains qui ont été tout autant torturés que les chiens de Vick.

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Aventures (ir)rationnelles

Pendant plusieurs milliers d’années, nous autres, humains, avons justifié notre oppression et notre exploitation des nonhumains en clamant que nous avons une sorte de caractéristique spéciale qui nous rend supérieurs et nous autorise à exploiter les nonhumains. Cette caractéristique « spéciale » est que nous sommes supposément rationnels et qu’ils ne le sont supposément pas. Lorsque nous nous rappelons que ce sont les humains qui construisent des armes nucléaires et qui détruisent l’environnement qui est pourtant nécessaire à la survie, incluant la nôtre – la prétention de rationalité sonne plutôt creux. Mais de temps à autres, des exemples particuliers illustrant à quel point notre espèce est étrange me frappent. J’aimerais partager avec vous une de mes récentes expériences.

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Ellen Degeneres et Iggy la « chose »

Le 16 octobre, à l’occasion de son émission de variétés, la comédienne Ellen Degeneres annonçait à son audience – et au monde entier – qu’elle avait adopté un chien en semptemblre. Elle ajoutait que, parce que Iggy ne s’entendait pas bien avec ses chats, elle l’a donné à sa coiffeuse dont les deux filles voulaient un chien. Or, cela transgressait, semble-t-il, le contrat d’adoption passé avec le groupe de protection des animaux Mutts and Moms, grâce auquel madame Degeneres avait adopté Iggy, en ce que le contrat exigeait, dans l’éventualité où elle ne voudrait plus du chien, qu’elle le lui ramène. Le groupe de protection a repris Iggy de chez la coiffeuse. Madame Degeneres s’est effondrée et sanglotait en suppliant Mutts and Moms de rendre le chien aux enfants de sa coiffeuse.

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Égalité et similarité entre humains et nonhumains

Paola Cavalieri, coéditrice avec Peter Singer de The Great Ape Project: Equality Beyond Humanity, a écrit un essai à propos du fait que Johnny, un chimpanzé dans la quarantaine, a été récemment tué au zoo de Whipsnade dans Bedfordshire, au nord de Londres. Selon Cavalieri, Johnny a été tué parce qu’il avait été décrit par un gardien du zoo comme « un petit voyou ». Dans le Times, on rapporte que Johnny et un autre chimpanzé, Koko, se sont échappés et que, alors que Koko « s’est rendu à un gardien dans un champ des environs », Johnny a résisté à la capture, ce qui lui a mérité d’être tué pour des raisons de « sécurité publique ».

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Quelques réflexions à propos de l’éducation au véganisme

Je vais essayer de m’attaquer, de manière préliminaire, à un sujet qui génère passablement de controverse et à propos duquel je reçois pas mal de courriels. Le sujet, grossièrement décrit, porte sur la question de savoir comment les végans devraient se comporter à l’égard des omnivores, considérant que les végans éthiques perçoivent l’utilisation des animaux comme quelque chose qui implique une sérieuse violation de leur droit de ne pas être traités comme des ressources à la disposition des êtres humains. Est-ce que les végans ont l’obligation d’entrer en confrontation avec les omnivores et de se comporter avec eux de la manière dont nous nous comportons avec ceux qui commettent de sérieux crimes contre des êtres humains?

Dans un sens, vous pouvez deviner ma réponse à cette question, puisque je soutiens que la première obligation des défenseurs d’animaux est d’offrir une éducation végane non violente et créative.

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Continuerez-vous à douter de la pertinence de l’analogie?

Depuis de nombreuses années, je soutiens qu’il est impossible d’établir une distinction morale entre le spécisme et les autres formes de discrimination, comme le racisme, le sexisme et l’hétérosexisme. Je suis toujours à l’affût d’exemples pouvant illustrer l’analogie et l’un d’eux est apparu sur mon bureau cette semaine.

Selon un article intitulé Playing Chicken, Jason Atkins, un ex-marine et enquêteur dans le domaine des fraudes à l’assurance, a mis sur pied un site web qui transmet en ligne les combats de coqs, qui sont maintenant illégaux aux États-Unis, depuis un ring de Puerto Rico. Si vous visitez le site, vous verrez une bande-annonce montrant des scènes de combats de coqs et des femmes insuffisamment vêtues présenter l’événement. Et Atkins opère un autre site où il « retransmet des combats à poings nus, des matches de jujitsu brésilen sans règle surnommés « Rio Heroes » et ce que Atkins dit être un sport fait sur mesure pour l’Amérique, les « Girls and Guns » dans lesquels des femmes, portant un bikini accessoirisé par un étui à fusil à doubles courroies et par des bottes de combat à talons hauts, s’affrontent dans une compétition de tir à armes à feux en utilisant des mitrailleuses qui pourraient aisément convenir à un peloton de combattants américains en Iraq − tout y est, du M-249 SAW à la carabine sniper Barrett de calibre .50. » Quelques fois, au moment où vous vous dites que ça ne peut pas être pire, ça le devient.

Gary L. Francione
© 2007 Gary L. Francione

« Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter. »

Ces mots, écrits par le philosophe George Santayana, semblent résonner d’une manière particulièrement pertinente ces jours-ci, alors que, devant nos yeux, le monde s’effondre sous la violence.

Mais Santayana avait aussi quelque chose d’important à dire au mouvement de défense des animaux.

La plupart des grosses organisations néo-welfaristes, autant aux États-Unis qu’en Grande-Bretagne, prétendent endosesr le véganisme, mais refusent d’en faire le principe de base du mouvement parce qu’elles craignent que le véganisme paraisse trop « radical » pour le grand public. Alors, ces organisations font la promotion de la viande « heureuse » et des produits d’origine animale portant le sceau Certified Humane Raised and Handled ou affichant l’étiquette Freedom Food ou ayant été produits dans le respect des Farm Animal Compassionate Standards de Whole Foods, se trouvant maintenant des deux côtés de l’Atlantic. Et Peter Singer nous rappelle qu’être un végan rigoureux est « fanatique » et que nous sommes, en fait, obligés de ne pas être végans lorsque cela risque de choquer les autres.

Ceux d’entre nous qui maintenons que le véganisme devrait être le fondement moral clair et sans équivoque du mouvement se font fermement rétorquer par les néo-welfaristes que la société n’est pas prête à entendre le message végan. Selon eux, nous devrions donc, plutôt, focaliser sur les oeufs de « poules en liberté » et sur la viande provenant d’animaux « humainement » élevés.

Et comment est-ce que le message de Santayana s’applique dans un tel contexte?

En 1944, Donald Watson fondait The Vegan Society au Royaume-Uni. Il inventait le mot « vegan » pour décrire quelqu’un qui ne consomme aucun produit animal. Dans le tout premier numéro de « The Vegan News » − il y a de cela 63 ans − Watson écrivait :

Une critique courante est que le temps n’est pas encore mûr pour notre réforme. Est-ce que le temps pourra un jour être mûr pour quelque réforme que ce soit sans avoir été mûri par la détermination humaine?

Watson rappelait que les opposants à l’esclavage n’avaient pas attendu que le temps soit « mûr » et que les partisants de l’eau potable et des mesures sanitaires avaient rencontré une vive opposition et n’avaient pas pu attendre l’arrivé de l’« impossible moment » où le temps aurait été « mûr ».

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Quelques réflexions supplémentaires à propos de Michael Vick

Le 2 août, j’ai publié un essai-blog intitulé Une remarque à propos de Michael Vick. Le comportement de Vick est évidemment condamnable. J’ai écrit un blog parce que j’étais fatigué d’entendre Vick être critiqué par des bien-pensants qui mangent de la viande, assistent à des rodéos, chassent ou participent de différentes façons à l’exploitation des animaux, façons qui, contrairement aux combats de chiens, sont considérées comme des activités légitimes par la plupart des gens mais qui, autant qu’eux, causent de la souffrance aux animaux impliqués.

Sincèrement, je ne m’attendais pas à susciter autant de réactions. Après tout, je soutiens le même argument depuis plusieurs années dans mes écrits − nous souffrons d’une sorte de « schizophrénie morale » par rapport aux animaux. D’une part, nous traitons certains nonhumains, comme nos chiens et nos chats, comme des membres de la famille et nous sommes horrifiés par les histoires de torture qui concernent ces animaux. D’autre part, nous ignorons entièrement − en fait, nous encourageons − d’autres formes d’utilisations d’animaux qui impliquent que nous torturions des animaux que nous ne considérons pas comme « spéciaux ». Voilà le sujet principal de mon livre Introduction to Animal Rights : Your Child or the Dog?.

Eh bien, j’ai eu tort à propos des réactions qu’allait susciter mon essai-blog.

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