Certains antireligieux tels que Richard Dawkins, Sam Harris et feu Christopher Hitchens, que l’on désigne souvent sous le nom de « Nouveaux Athées », sont les derniers en date à nous dire que nous devons faire appel à la rationalité et la science pour savoir que penser relativement aux questions morales importantes. Ces Nouveaux Athées rejettent généralement l’idée qu’il puisse exister des vérités morales indépendantes, ou que certaines actions puissent être intrinsèquement mauvaises ; ils refusent la notion de lois morales absolues. Ils soutiennent que la moralité influencée par des considérations spirituelles ou religieuses doit être rejetée.
Je tiens à passer en revue certains aspects de cette position, laquelle, à bien des égards, n’est réellement pas neuve chez les Nouveaux Athées. Je veux également parler de la manière dont elle affecte notre raisonnement sur l’éthique animale : au cours des dernières années, j’ai noté en effet une augmentation du nombre de défenseurs qui croient que les droits des animaux ne peuvent se fonder solidement que sur la rationalité et la science, et rejettent l’idée qu’il puisse exister des vérités morales indépendantes ou que certaines actions puissent être intrinsèquement mauvaises.
Tout d’abord, laissez-moi faire deux remarques. Premièrement, ce sujet nécessite davantage qu’un simple billet. Je livre donc ici mes pensées préliminaires et en dirai beaucoup plus dans l’étude que je suis en train de réaliser sur le réalisme moral et les droits des animaux.
Deuxièmement, j’insiste sur le fait que si nous rejetons l’idée que seule la rationalité scientifique est en mesure de fournir ce que nous avons besoin de savoir sur la moralité, nous ne sommes pas réduits pour autant à embrasser des croyances « surnaturelles » ou à nous rabattre sur une sorte de relativisme moral ou de subjectivisme. L’on peut souscrire aux vues du réalisme moral ou reconnaître le principe de non-violence comme vérité morale, par exemple, sans souscrire à l’idée d’une déité créatrice ou de la survivance de la personnalité après la mort. De fait, une partie du problème vient de ce que le débat est souvent orienté de façon à ce que, dès lors que vous rejetez le relativisme, le subjectivisme ou quelque autre point de vue similaire, il vous faille choisir entre le surnaturel ou la rationalité scientifique. C’est un faux choix.
Prière de choisir : utilitaristes ou jihadistes
Le théoricien de la littérature Terry Eagleton note dans sa critique de The God Delusion de Dawkins : « Si l’on excepte une indulgence – ténue et formulée du bout des lèvres – à l’égard des croyants ‘sophistiqués’, Dawkins tend à considérer la religion et le fondamentalisme religieux comme une seule et même chose. »
En outre, Dawkins incline à penser que l’idée d’une moralité fondée sur des règles est liée au religieux, et étant donné qu’il tend à assimiler la religion à la religion fondamentaliste, il esquisse des comparaisons entre la moralité fondée sur des règles et le fondamentalisme religieux.
Par exemple, dans The God Delusion, après avoir rendu un hommage de pure forme à Kant et déclaré que bien que « la déontologie n[e soit] pas tout à fait la même chose que l’absolutisme moral », il affirme que « pour l’essentiel, dans un livre sur la religion, il n’est pas nécessaire de s’étendre sur cette distinction. » Il ajoute que quoique « l’absolutisme n[e soit] pas entièrement dérivé de la religion, il est toutefois bien difficile de défendre les principes moraux absolutistes par des raisons autres que religieuses. »
Je suis d’accord pour dire que nous avons besoin du réalisme moral pour donner un fondement solide aux normes morales absolues que je considère comme vraies : à savoir qu’il est mal, par exemple, d’abuser les êtres vulnérables, de commettre un viol, de participer à l’exploitation animale ou d’attenter à la pudeur des enfants. Mais il n’est pas nécessaire de faire dériver le fondement de ces normes de la religion.
Dawkins note que, par opposition aux déontologistes, « les conséquentialistes, plus pragmatiques, pensent que la moralité d’un acte devrait être jugée sur ses conséquences », et met en contraste l’ « absolutiste » avec le « conséquentialiste ou l’utilitariste », lequel fait preuve d’une plus grande flexibilité quant aux questions morales. Il semble donc que Dawkins tente de définir les théories conséquentialistes, telles que l’utilitarisme, comme étant moins probablement liées à l’absolutisme d’une religion fondamentaliste que les théories des droits. Ce discours vous semble familier ? N’avez-vous jamais entendu des supporters du bien-être animal (qui sont toujours des conséquentialistes d’une espèce ou d’une autre) qualifier les partisans des droits des animaux de « fondamentalistes » ?
Quoi qu’il en soit, dans la mesure où ce débat est perçu comme une joute entre les Nouveaux Athées d’une part, et d’autre part les fondamentalistes religieux qui prônent l’assassinat des médecins avorteurs, participent à des attentats-suicides, prient pour la venue de l’apocalypse, encastrent des avions dans des tours, plébiscitent toutes sortes de discriminations, de haines, et soutiennent en général toute violence imaginable au nom de leurs dieux, les Nouveaux Athées gagnent facilement la partie sans passer par l’examen minutieux ni la discussion qu’un tel sujet requiert.
Mais le débat entre les uns et les autres réclame davantage que le fait de décider si nous aimons plus les utilitaristes que les jihadistes. L’aspect le plus intéressant du débat, c’est cette idée que n’importe quel discours sur une vérité morale objective ou sur des normes morales absolues divorçant d’avec la rationalité scientifique pose problème et doit être rejeté si l’on ne veut pas être un « ennemi de la raison ». En ce sens, le débat revient à opposer les Nouveaux Athées à tous ceux qui affirment que nous avons besoin d’une vérité morale objective, indépendante de toute posture, de normes morales absolues allant au-delà de ce que la science est capable de nous dire. Certes, les extrémistes religieux appartiennent au second groupe. Mais même s’ils n’entraient pas en scène, la controverse subsisterait.
Je veux me pencher sur ces membres du second groupe qui adoptent une certaine version du réalisme moral, ou l’idée que les professions de foi morales proclament des affirmations censées être vraies ou fausses, et qu’au moins certaines de ces affirmations sont vraies. Par exemple, un réaliste moral considère l’affirmation : « L’esclavage est mal » équivalente à cette autre affirmation : « La chaise est marron ». La première affirmation, comme la seconde, prétend rapporter un fait, bien que moral, et les deux affirmations sont vraies si les choses sont telles qu’on les dit (l’esclavage est mal ; la chaise est marron). Le réalisme moral ne consiste pas à dire que les vérités morales sont construites, ou rendues vraies, par le fait de ce que les gens estiment moralement ; mais plutôt que les vérités morales existent indépendamment de toute perspective, y compris les perspectives idéales. Je veux également inclure dans ce second groupe, outre les réalistes moraux, ceux dont les opinions se rattachent aux traditions spirituelles non occidentales (et souvent non théistes) promouvant la non-violence, ou ceux encore qui souscrivent aux religions théistes traditionnelles mais rejettent leurs interprétations violentes ou haineuses au profit de celles plébiscitant l’amour universel et la non-violence.
Un exemple de ce genre de débat que j’ai à l’esprit (mais je n’en discuterai pas ici en détail) est celui qui oppose Christopher Hitchens et Chris Hedges, ou Sam Harris et Hedges. Hedges rejette le fondamentalisme religieux qui sert de cible majeure aux Nouveaux Athées. Mais il soutient que la rationalité scientifique n’est pas la réponse en ce que les deux groupes sont également intolérants : « Ceux qui ne voient pas comme eux voient, ne parlent pas comme eux parlent et n’agissent pas comme eux agissent, sont seulement dignes de la conversion ou de l’éradication. »
Le débat entre Hedges et les Nouveaux Athées est, à un certain degré, influencé par le fait que Hedges, ancien correspondant à l’étranger et journaliste titulaire du Pulitzer, a réalisé des reportages sur les conflits au Moyen Orient, dans les Balkans, en Afrique, en Amérique Centrale, et qu’il a été témoin, durant longtemps, de toutes sortes d’atrocités. Il est donc naturellement enclin à centrer le débat sur la manière dont les Nouveaux Athées semblent soutenir des entreprises comme la guerre en Irak (à l’instar de Hitchens), ou l’affirmation de Harris selon laquelle nous sommes « en guerre contre l’islam ».
Bien que je sois généralement d’accord avec les positions de Hedges quant aux Nouveaux Athées, je désire aborder la question sous un angle plus général. Je soutiens dans la partie suivante que l’idée même que nous devrions agir rationnellement est une idée normative qui, comme les axiomes mathématiques, ne peut être « prouvée » et doit être acceptée comme vraie.
Mais même si la rationalité est en soi vue comme désirable d’un point de vue normatif, ou même comme une sorte d’impératif formel, nous ne pouvons apporter de réponses aux questions morales sans faire appel aux convictions morales qui ne peuvent être « prouvées » dans le cadre de la science ou de la rationalité, et dont la vérité — si elles sont vraies — dépend de quelque chose qui est indépendant des désirs contingents, des points de vue, des perspectives ou des passions. J’en arrive alors à un problème connexe : que la science est une activité sociale que l’on ne peut séparer des considérations politiques et morales.
Rationalité et vérité morale
La rationalité porte sur l’adéquation des moyens aux fins. Lorsque nous disons d’une personne qu’elle est irrationnelle, nous entendons généralement par là qu’elle choisit, pour atteindre une fin particulière, des moyens inappropriés.
La rationalité porte encore sur la cohérence des croyances. Si j’admets la proposition suivante : « Si X est vrai, il s’ensuit que Y est aussi vrai », et que j’admets également « X », alors je dois aussi admettre « Y ».
Mais l’affirmation : « Nous devons être rationnels », qui exige à la fois des notions normatives mais aussi les mêmes croyances indémontrables que d’aucuns rejettent avec mépris, a une signification double.
Commençons d’abord par l’affirmation : « Nous devons être rationnels », sans nous préoccuper de ce que la rationalité exige de nous pour faire ou croire.
Pourquoi ? Pourquoi « devons »-nous être rationnels ? Pourquoi « devoir » admettre « Y » si nous admettons « Si X est vrai, il s’ensuit que Y est aussi vrai » et « X » ?
Comment pouvons-nous « prouver » ces affirmations en « devoir-être » ?
La réponse courte, c’est que nous ne pouvons pas les prouver. A l’instar des axiomes mathématiques, elles ne peuvent l’être et doivent être acceptées comme vraies. C’est-à-dire que l’affirmation : « Nous devons être rationnels », est une position normative pas plus certaine que ne l’est l’affirmation : « Nous devons être bons et nous aimer les uns les autres. »
Maintenant, on peut répliquer que, bien que nous ne puissions prouver la vérité de l’affirmation : « Nous devons être rationnels », elle doit néanmoins être vraie puisque, sans la rationalité, nous ne pourrions faire d’affirmations ni seulement argumenter. Mais tel n’est tout simplement pas le cas. Même si nous ne reconnaissions pas la vérité objective de la rationalité, nous pourrions encore faire des affirmations et produire des arguments qui pourraient être valides ou non valides. Seulement, nous ne pourrions soutenir qu’une personne qui n’acceptait pas la conclusion d’un argument valide était irrationnelle. Ainsi, cette réponse laisse-t-elle encore un « devoir-être » à expliquer au niveau le plus fondamental.
Deuxièmement, même si nous ignorons les considérations précédentes et que nous acceptons le fait que nous devons choisir les moyens les plus favorables à nos fins, ou que nous devons avoir des croyances cohérentes avec nos autres croyances, qu’est-ce que la rationalité a à dire au sujet des fins que nous choisissons et des convictions que nous avons ?
Réponse : rien. Rien du tout.
La rationalité est, au mieux, une condition formelle, et ne peut servir à identifier les fins que nous devons choisir ou les convictions que nous devons avoir. Par exemple, se comporter d’une manière qui conduit à la fin du monde est irrationnel si vous ne considérez pas l’extinction de la vie comme une fin désirable. Mais pour ceux qui pensent que l’extinction est désirable parce qu’ils considèrent les humains comme un fléau, qu’ils ne se préoccupent pas des générations futures ou tiennent à des entreprises qui saccagent la planète, une conduite environnementalement destructrice peut être parfaitement rationnelle. La rationalité ne peut trancher la question de savoir si l’humanité est un fléau et qu’elle doit donc s’éteindre, ou si nous avons l’obligation de nous assurer de la santé de la planète pour les générations futures parce que les humains ont une valeur morale.
De même, si je crois que « tous les humains ont une égale valeur inhérente » et que j’admets que les membres du groupe X sont humains, alors la rationalité d’une telle conviction exige que je conclue que les membres du groupe X ont une valeur morale inhérente égale à celle des autres humains.
Mais, en dépit de l’opinion de Kant selon laquelle la raison exige la reconnaissance de l’égale valeur inhérente des humains, je puis rejeter l’égalitarisme au motif que j’estime que les humains excellant dans l’art musical ont une plus grande valeur intrinsèque que les autres en ce qu’ils enrichissent nos vies d’une manière unique. Je puis poser que ces humains « spéciaux » n’agissent pas mal s’ils traitent les autres de manière totalement instrumentale. Bien que Kant produise des arguments imparables sur l’égalité (dont je déclare dans mon propre travail qu’elle doit être étendue aux animaux nonhumains), il n’y a tout simplement nulle façon de prouver, à partir de la seule rationalité, que Kant a raison. La théorie de Kant (avec ou sans mes modifications) exige que nous ayons certaines convictions morales concernant l’appartenance à la communauté morale, et aucune rationalité « objective » ne peut nous contraindre à les avoir.
Le choix des fins à tenir pour estimables, ou des convictions morales à adopter, implique quelque chose allant au-delà de la rationalité. Et nul n’est en mesure de l’éviter. Les Nouveaux Athées Hitchens, Harris et Hedges sont tous des individus rationnels en ce qu’ils admettent que leurs convictions doivent être cohérentes les unes avec les autres. Mais ils ont des convictions morales très différentes.
Il est intéressant de noter que certains des plus éminents Nouveaux Athées croient, à l’instar d’Ayn Rand, que la pensée rationnelle, athée, nous mène dans une voie correspondant à des valeurs de droite. Comme mentionné précédemment, Hitchens était un ardent défenseur de la guerre en Irak et avait plusieurs idées de droite. Quant à Sam Harris, il nous dit que nous sommes « en guerre contre l’islam » et déclare : « Certaines règles [dictées par cette religion] sont si dangereuses qu’on pourrait même considérer comme éthique le fait de tuer ceux qui y croient. » Harris prétend en effet démontrer que nous pouvons prouver « scientifiquement » que l’islam est, moralement, une mauvaise religion.
Que l’on soit ou non d’accord avec cette vision des choses (et je ne le suis certainement pas), il est plutôt stupide de nier qu’elle reflète une croyance en certaines notions morales dont la vérité ne peut être prouvée de façon « objective » ou indiscutable. Hedges n’est pas d’accord avec cette vision du monde et ce n’est pas parce qu’il est irrationnel. Il admet simplement un ensemble différent de principes moraux. Le débat entre les Nouveaux Athées, qui ont toutes sortes de croyances en diverses notions normatives, et de gens comme Hedges, ne peut être tranché par un quelconque appel à la rationalité ; il ne peut l’être qu’en décidant de qui vous partagez la vision de la moralité.
Noam Chomsky décrit Harris et Hitchens comme des « fanatiques religieux » croyant en la « religion d’Etat » en ce qu’ils affirment que nous devons défendre la violence et les atrocités commises par l’Etat sous prétexte que cela doit être fait afin d’assurer le progrès de l’humanité et aboutir à d’autres merveilleuses conséquences.
Cette idée que le monde s’oriente dans une direction positive se retrouve également chez Dawkins, qui défend une espèce de parfait charabia appelé le « Zeitgeist [esprit du temps] moral », qu’il définit comme « un large consensus libéral de principes éthiques » évoluant sur notre impulsion, qui n’est pas motivé par la religion et se développe en dépit d’elle. En mettant de côté le fait que certaines des valeurs qu’il décrit positivement ont été essentiellement initiées par les interprétations non-violentes de traditions religieuses et spirituelles, certains des arguments qu’il avance pour démontrer que les choses changent en mieux sont remarquables. Par exemple, il nous dit qu’Hitler « n’aurait pas été remarqué du temps de Caligula ou de Gengis Khan ». Il reconnaît qu’il y a eu des pertes civiles en Iraq, mais que « ces chiffres sont largement inférieurs à ceux de la Seconde Guerre mondiale. » En mettant de côté le fait que Dawkins juge moralement les guerres par le nombre de morts qu’elles occasionnent (devrions-nous dès lors envahir des pays sans armées ? Cela réduirait à coup sûr le nombre des victimes), le « Zeitgeist moral », selon lui, fonctionne parce que moins de gens ont péri dans la guerre « préventive » menée contre un adversaire non menaçant (Saddam Hussein) que lors de la guerre contre Hitler, qui représentait lui-même un grand pas en avant par rapport à Caligula.
Franchement, je trouve que les opinions de Dawkins, ici, sont d’un réactionnaire à couper le souffle.
Curieusement, Sam Harris affirme être un réaliste moral. Mais exactement de la même façon que mon affirmation selon laquelle je suis Président des Etats-Unis ne fait pas de moi le Président, l’affirmation de Harris selon laquelle il est un réaliste moral ne le rend pas tel pour autant. Le réalisme moral, selon Russ Shafer-Landau dans son livre Moral Realism: A Defence (Oxford, 2003), pose qu’ « il existe des vérités morales qui sont vraies indépendamment de toute perspective privilégiée, en ce sens que les normes morales fixant les faits moraux ne sont pas rendues vraies en vertu de leur ratification dans une quelconque perspective réelle ou hypothétique. » Il ne m’apparaît pas que Harris soit, en ce sens, un réaliste.
Bien que Harris ne soit pas clair, il semble affirmer qu’en raison de ce que nous sommes, nous ne pouvons qu’attacher de la valeur au bien-être, que nous considérons comme objectivement précieux, et que nous nous regardons comme moralement tenus de générer du bien-être autant que possible. Ceci ferait de Harris un constructiviste en ce sens que ce qu’il dit, d’après cette interprétation, est que le bien-être est devenu une valeur morale « vraie » par suite de notre perspective particulière.
Ou bien Harris affirme peut-être que, par un effet de sens du langage, les affirmations sur la moralité sont réellement des affirmations descriptives sur le bien-être, et que la science peut nous dire si ces affirmations sont vraies ou fausses. C’est-à-dire que, exactement de la même manière que nous disons que nous ne pouvons faire de la science sans attacher de la valeur à une certaine sorte de preuves, de cohérence, etc., parce que, par définition, c’est cela faire de la science, nous ne pouvons agir moralement sans attacher de la valeur au bien-être parce que, par définition, c’est cela agir moralement. Par conséquent, lorsque nous disons : « John doit faire l’action A », ce que nous voulons dire c’est : « Si John fait A, le bien-être surviendra probablement. » La science peut nous dire si et dans quelle mesure A générera du bien-être. Mais cela implique une simple déflation sémantique (Harris prétend que les affirmations morales sont « identiques » aux affirmations factuelles sur le bien-être) et permet à Harris d’éviter (d’après lui) le problème du être/devoir-être. Il n’y a aucun appel à une quelconque norme normative ultime considérée comme objectivement vraie. Ce n’est pas là une position propre au réalisme moral.
Si on lit Harris comme disant que ce bien-être est estimable dans l’optique « indépendante de toute posture » envisagée par Shafer-Landau, et que nous sommes tenus de le maximiser, alors il n’est plus qu’un autre penseur conséquentialiste et n’ajoute rien de nouveau à la théorie éthique sinon, peut-être, en introduisant l’idée que nous pouvons « scientifiquement » prouver ses déclarations ethnocentristes et xénophobes, comme le fait que l’islam serait, moralement, une mauvaise religion.
Comment transformer l’« être » revendiqué par la science en un « devoir-être »
Les Nouveaux Athées, ou certains d’entre eux, nous disent que la notion de vérité morale objective ou indépendante de toute posture, ou les croyances spirituelles et religieuses, ne peuvent nous apprendre ce qui « est ». D’après eux, seule la science serait en mesure de nous dire ce que sont les faits « réels ». La science fournirait la Vérité objective. Tout le reste serait moindre que la Vérité.
Une fois encore, cette manière de voir ignore le fait que les métathéories établissant ce qui est considéré comme « scientifique », à l’instar des axiomes mathématiques ou de la position selon laquelle la rationalité est un impératif formel, doivent être acceptées comme vraies et ne peuvent être prouvées. Bien que ceux qui souscrivent au Nouvel Athéisme puissent admettre ceci en tant que proposition abstraite, ils échouent à comprendre ce que cela implique pour leur propre entreprise.
Thomas Kuhn, dans The Structure of Scientific Revolutions, probablement le livre de philosophie des sciences le plus influent du XXe siècle, a popularisé l’usage du « paradigme » pour décrire les réalisations scientifiques ayant cours dans une certaine période de temps afin de déterminer ce qui doit être observé, quelles sortes de questions doivent être posées, comment les études doivent être structurées, et les résultats des études interprétés. Kuhn soutenait de façon persuasive qu’on ne pouvait prouver les paradigmes comme étant vrais ou faux, et qu’il était naïf de considérer la science comme incarnant la « Vérité ». Différents paradigmes représentent différentes visions du monde, différents points de vue.
Paul Feyerabend, dans des travaux tels que Against Method, a poussé cette idée encore plus loin, argumentant contre l’idée rationaliste selon laquelle il existe des lois identifiables de méthode scientifique déterminant quelle science est la « bonne » science. Feyerabend a avancé l’idée que la science implique davantage de choses que ce mythe que les scientifiques veulent accroire, et que des éléments non scientifiques sont souvent mêlés à leurs succès, y compris l’inspiration née de sources mythiques ou religieuses. Il a clairement expliqué que la frontière entre la science d’une part, et la religion, les mythes, la magie, etc., d’autre part, ressort autant du mythe que tout ce que les scientifiques déclarent rejeter comme mythique.
Mais même si l’on réfute ce que Kuhn, Feyerabend (et beaucoup d’autres) ont dit à propos des hypothèses que la science est obligée de formuler et qui ne peuvent être prouvées, ou du fait qu’il n’existe pas de frontière claire entre science et religion, on ne peut sérieusement croire que la science telle qu’elle est pratiquée est, d’une manière ou d’une autre, séparable des institutions politiques et sociales. Comme Richard Levins et Richard Lewontin l’ont souligné dans leur essai révolutionnaire The Dialectical Biologist, la science évolue à l’intérieur d’un contexte social et reflète intrinsèquement une perspective politique.
Pour comprendre ce dernier point, prenons un exemple tiré de l’essai de 1976 de Richard Dawkins, The Selfish Gene. Dawkins fait-il une affirmation « scientifique » à propos de « ce que sont » les gènes, ou se focalise-t-il à la place sur l’égoïsme et l’altruisme humains, recourant à ces comportements afin de fournir une description soi-disant « scientifique » du processus d’évolution d’un point de vue général, qu’il utilise alors pour expliquer l’égoïsme et l’altruisme humains ? Je pense, avec la philosophe Mary Midgley et d’autres, que la position que Dawkins propose est une hypothèse s’appuyant davantage sur l’individualisme réductionniste des Lumières que sur les idées de Darwin, lesquelles, ainsi que le soutient Midgley, impliquaient l’interaction et la coopération, et que le gène égoïste n’est pas un fait de nature. Il est fascinant de noter que le livre de Dawkins est devenu populaire précisément à l’époque où les idées de Reagan et Thatcher concernant le caractère souhaitable de l’égoïsme, de l’indépendance et de l’individualisme devenaient elles-mêmes populaires.
Pour Sam Harris, que nous soyons « en guerre contre l’islam » est explicitement un « fait ». Ce « fait » représente-t-il une affirmation en « être » objectivement vraie, ou reflète-t-il simplement l’adhésion de Harris à certaines idées politiques qui déterminent la manière dont il interprète ce qui se passe dans le monde et les « faits » qu’il établit ? Harris affirme que la moralité des talibans est, « d’un point de vue scientifique », mauvaise.
La science nous dit que nous devons croire ce que les faits semblent montrer. Cela est en soi une affirmation normative. Mais supposons que nous devions croire ce que montrent les faits. Qu’est-ce qui compte comme fait ? La réponse est qu’une certaine sorte de fait, conforme aux hypothèses du paradigme scientifique, compte, mais que tous les autres faits sont exclus et ignorés. Il peut exister des espèces d’empirisme complètement différentes (la théorie que tout savoir provient des sens par opposition au fait d’être inné). Il est incorrect de dire que le réalisme moral ou l’ensemble des traditions spirituelles se passent de preuves, ou qu’il n’y a pas de preuves pour les étayer. Il y a un souci des faits et il y a preuve ; simplement, ce n’est pas reconnu comme savoir « scientifique », car la science rejette dès le départ cette sorte de preuve. Beaucoup de choses peuvent être mesurées ; la science n’en mesure que certaines et définit même la manière dont les mesures doivent être prises. Tout le reste est ignoré.
Et, comme le soutenait William James, il nous est légitime d’avoir des croyances spirituelles ou religieuses même si nous n’en possédons pas la preuve.
Les Nouveaux Athées proposent un éventail de choix pauvre et incomplet : une fausse dichotomie entre le fondamentalisme religieux et ce qu’est, en réalité, le scientisme, ou « une foi exagérée dans l’efficacité des méthodes de la science naturelle appliquées à tous les champs d’investigation (comme la philosophie, les sciences sociales et les humanités). » Mais en admettant que la science puisse nous apporter des affirmations en « être » indiscutables, nous ne pouvons obtenir aucune affirmation en « devoir-être » issue de ces affirmations en « être ». Ainsi que le fait remarquer Chris Hedges : « La croyance que les disciplines rationnelles et quantifiables telles que la science peuvent être utilisées pour parfaire la société humaine n’est pas moins absurde que la croyance en la magie, les anges et l’intervention divine. »
La conviction que la science apporte les « vraies » réponses aux questions morales importantes a montré de façon répétée qu’elle pouvait avoir les plus inquiétants résultats. La science nous a dit que les femmes souffriraient physiquement si elles recevaient trop d’éducation ; de fait, la science a été utilisée à maintes reprises pour justifier la discrimination sexuelle. Elle nous a dit que les gens de couleur étaient physiquement et cognitivement différents des Blancs, ce qui a servi de fondement « factuel » à la justification de l’esclavage. On peut donner d’innombrables exemples de la manière dont la science a été utilisée afin de justifier de nombreuses violences ainsi qu’un large éventail de discriminations.
Un critique rétorquera que la science a été tout aussi bien utilisée pour soutenir des fins morales désirables. Par exemple, les scientifiques ont finalement abandonné les affirmations « scientifiques » sur l’infériorité physique supposée des femmes. Mais justement. Ce n’est pas la science qui pilote la moralité ; c’est la moralité (ou l’immoralité) qui pilote la science. Pour prendre une analogie (très) approximative issue de la théorie quantique : notre conscience morale détermine la réalité que nous voyons.
Athéisme et droits des animaux
De nombreux défenseurs des animaux se déclarent athées. Ils sont dans l’erreur en pensant qu’il existe quelque rationalité « objective » ou combinaison de faits scientifiques et rationnels qui, bien que rejetant les prémisses morales, peuvent garantir la conclusion morale que nous devons cesser d’exploiter les animaux.
La philosophie abolitionniste que j’ai développée s’appuie certainement sur l’argumentation rationnelle, mais repose au bout du compte sur les fondements du réalisme moral. Par exemple, lorsque je déclare qu’ « il est mal d’infliger des souffrances à un être sentient sans justification suffisante », j’entends par là un principe contenant une idée morale. A partir de ce principe, avec la prémisse logique que le concept d’idée morale est dénué de sens dès lors que le plaisir, le divertissement ou le confort sont considérés comme des « justifications suffisantes » de la part de la ou des personne(s) imposant lesdites souffrances, j’en arrive rationnellement à la conclusion que nous ne pouvons justifier la plupart des usages que nous faisons des animaux, quelque « humains » ces usages puissent être. (J’ai d’autres arguments contre l’utilisation des animaux quelle qu’elle soit, qui ne sont pas invalidés par l’argument de la « nécessité »).
Ainsi ma théorie (ou tout au moins cette partie) repose certes sur la logique et la rationalité, ainsi que sur certaines idées concernant la sentience animale qui ne ressortissent pas au domaine de la moralité. Mais vous ne pouvez parvenir à aucune conclusion normative si vous n’êtes pas d’accord avec l’idée morale qu’il est mal d’infliger des souffrances à un autre être sentient sans justification suffisante. Si vous me demandez de « prouver » la vérité de cette idée morale en recourant à une structure prescrite par la science ou d’une manière que toute personne rationnelle serait contrainte d’admettre, j’en suis incapable. Cela ne veut pas dire que le fait qu’« il soit mal d’infliger des souffrances aux animaux sans justification suffisante » n’est pas une idée morale, ni qu’aucune preuve ne la soutient. Il se trouve simplement que ma philosophie est également basée sur des intuitions morales, qui impliquent des convictions basées sur l’expérience mais qui ne peuvent être « prouvées » par les sortes de preuves utilisées dans le paradigme scientifique qui prévaut. Cependant, je soutiendrais que la vérité de l’intuition morale selon laquelle « il est mal d’infliger des souffrances aux animaux sans justification suffisante » va de soi, même si sa vérité ne repose pas sur l’observation.
Un autre argument que je formule est que si nous reconnaissons aux animaux une quelconque valeur morale, nous devons leur accorder le droit de ne pas être traités comme des propriétés. J’affirme plus loin que leur accorder cet unique droit exige l’abolition de toutes les utilisations que nous faisons d’eux, quand bien même ces utilisations seraient « humaines ». Comme dans le cas de l’argument précédent, je m’appuie sur une intuition morale : à savoir que les animaux comptent moralement, même s’il existe des différences cognitives entre eux et nous. Si vous partagez cette intuition — si vous admettez l’idée que les animaux comptent moralement —, alors la rationalité exige que vous reconnaissiez que les animaux ont le droit fondamental, pré-légal, de ne pas être des propriétés. Mais la rationalité n’exige pas que vous reconnaissiez qu’ils ne sont pas simplement des choses.
D’ailleurs, Peter Singer ainsi que d’autres personnes défendant le welfarisme reconnaissent que les animaux ont des intérêts moralement importants mais soutiennent, contrairement à moi, que nous pouvons, d’un point de vue moral, maintenir l’institution de la propriété animale car, selon eux, les animaux ne sont pas conscients d’eux-mêmes réflexivement de la manière dont les humains le sont, et ne possèdent donc pas l’intérêt à la poursuite de la vie. Par conséquent, toujours selon eux, nous pouvons utiliser et tuer les animaux à des fins humaines aussi longtemps que nous les traitons d’une manière qui accorde une considération morale suffisante aux intérêts qui leur sont propres, particulièrement celui de ne pas souffrir.
En cela réside une autre question importante qui ne peut être résolue simplement par un appel à la rationalité ou aux faits scientifiques. Singer et moi sommes d’accord pour dire que la sentience est tout ce qui est requis pour que les animaux aient moralement de l’importance, mais nous sommes en désaccord en ce qu’il ne considère pas que la sentience suffit à générer l’intérêt à la poursuite de la vie qui, selon lui, est nécessaire à l’obtention prima facie d’une protection morale contre le fait d’être utilisé comme ressource. Je considère la sentience comme suffisante pour donner son essor à l’intérêt à la poursuite de la vie, et je soutiens que cet intérêt doit être sanctuarisé non seulement en tant qu’argument prima facie, mais encore en tant que droit moral, et que nous ne pouvons justifier quelque utilisation des animaux que ce soit.
En mettant de côté le fait que j’admette, contrairement à Singer, l’existence de droits moraux (autre problème qui ne peut être résolu par un appel à la rationalité scientifique), il est un sens en lequel mon désaccord avec Singer à cet égard ressemble, au moins en partie, à une question factuelle qui ne peut être résolue par quelque découverte « scientifique » sur la conscience de soi des animaux. Je m’explique. Singer prétend que la plupart des animaux n’ont pas l’intérêt à la poursuite de la vie parce qu’ils n’ont pas conscience d’eux-mêmes ; je rejette cette position. Bien qu’il y ait une composante factuelle à cela concernant la nature de la conscience animale, il y a, de façon plus importante, un aspect non factuel que la science ne peut résoudre quant à ce qui compte, pour des fins morales, comme conscience de soi. Singer soutient que la seule sorte de conscience de soi qui importe est la conscience de soi réflexive, et que la plupart des non-humains ne sont pas conscients d’eux-mêmes de cette manière ; j’admets que la plupart des animaux ne sont probablement pas conscients d’eux-mêmes réflexivement, mais je maintiens qu’un tel argument est non pertinent en ce que la seule conscience de soi qui importe pour détenir l’intérêt à la poursuite de la vie est celle qui accompagne la conscience perceptuelle, qui ne requiert rien de plus que la sentience.
Ainsi, Singer et moi pouvons être d’accord sur les faits relatifs à la conscience animale. Mais nous parvenons à des conclusions différentes en raison de nos différences de points de vue quant à ce qui doit être considéré comme la sorte de conscience de soi qui doit être retenue pour détenir l’intérêt à la poursuite de la vie. Quoi qu’il en soit, la rationalité et la science ne peuvent résoudre ce genre de désaccords.
Rationalité et révolution du cœur
Je dis souvent que mettre fin à l’exploitation animale réclame une « révolution du cœur ». Ce que j’entends par là, c’est que nous devons rejeter toutes les idéologies de domination et de pouvoir, qu’elles soient religieuses ou profanes, qui nous autorisent à transformer les autres êtres sentients — humains ou nonhumains — en « autres », nous permettant ainsi d’ignorer leur valeur morale et de les traiter en objets. Nous devons embrasser la non-violence comme principe normatif fondamental — un principe que nous considérons refléter une vérité morale — et comme le principe moral fondateur dont dérivent toutes les positions morales. La notion de « parenté » (kinship) du philosophe Gary Steiner se rattache directement à ces idées.
Je crois que beaucoup de traditions spirituelles et religieuses, correctement comprises, considèrent la non-violence comme une valeur fondamentale. Je rejette toutes celles qui ne le font pas. Cependant, je ne les rejette pas en ce qu’elles seraient « irrationnelles » : les idéologies du pouvoir et de la domination peuvent être parfaitement rationnelles si votre boussole morale vous incline vers elles. Je rejette les idéologies du pouvoir et de la domination, qu’elles soient religieuses ou profanes, parce qu’elles sont, selon moi, moralement dans l’erreur.
Une révolution du cœur exige que nous nous recréions conformément aux plus hautes aspirations communes de toutes les traditions reconnaissant l’importance de la non-violence, et que nous rejetions toute structure pourvoyeuse de violence, de discriminations, de préjugés et de haine.
Une partie de l’attraction qu’exercent les Nouveaux Athées tient à ce que tout le monde, y compris celles et ceux qui ont pu embrasser une fois dans leur vie une religion traditionnelle, est malade et fatigué de la violence – de la haine, des préjugés, des discriminations, des guerres, du matérialisme, etc. — promue par certaines religions institutionnelles. Rejeter cette haine et cette violence est une bonne chose. De nombreux défenseurs des animaux constatent avec justesse que des traditions comme le christianisme, le judaïsme et l’islam, ont été interprétées de manière à justifier le spécisme et l’exploitation animale. Ceci a conduit un grand nombre de ces personnes à se déclarer hostiles aux croyances spirituelles ou à l’idée d’une vérité morale objective. Mais peut-être devrions-nous réfléchir au fait que le vrai coupable n’est pas les croyances spirituelles ou religieuses en elles-mêmes, mais la violence que certaines de ces traditions ont été accusées, à tort ou à raison, de promouvoir, par le biais des interprétations.
Dans la mesure où l’on considère que la violence de quelque type que ce soit est approuvée par « Dieu » ou par la religion, se débarrasser de Dieu ou de la religion n’a pas nécessairement pour résultat la paix, l’amour et la justice. Les institutions séculières promeuvent la violence aussi bien.
Le Nouvel Athée Christopher Hitchens déclare : « Je suis absolument convaincu que la principale source de haine dans le monde est la religion, et la religion organisée. » Je ne suis pas d’accord. C’est la haine qui est le problème ; aucune institution, qu’elle soit religieuse ou séculière, ne cause la haine. Elle fournit simplement un mécanisme pour l’exprimer.
Je reconnais que le concept de révolution du cœur repose sur une idée morale dont la « vérité » ne peut être prouvée de la façon dont la science définit la vérité et compte tenu de ce qu’elle considère comme évidence acceptable. Ce concept réclame de croire en la vérité morale de la non-violence. Et la rationalité scientifique ne peut nous amener à cette vérité, non plus qu’à aucune vérité morale.
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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. C’est facile, c’est meilleur pour votre santé et l’environnement (en admettant que vous attachiez de la valeur à l’une et à l’autre, mais la rationalité n’exige pas que vous le fassiez). Mais par-dessus tout c’est, sur le plan éthique, la bonne chose à faire (mais c’est là une conclusion morale qui repose sur un argument incluant des prémisses morales qui ne peuvent dériver de faits scientifiques ou d’une quelconque notion de rationalité non normative).
Le monde est végane ! Si vous le voulez.
Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione