Archives de l’auteur : Gary L. Francione

Notre choix

A ceux qui soutiennent le mouvement du bien-être animal :

Ce n’est pas, comme beaucoup d’entre vous le prétendent, faire le choix d’aider les animaux « ici et maintenant » au lieu de les laisser souffrir en attendant que les végans soient plus nombreux.

Il s’agit de savoir si nous allons :

A. Investir nos ressources dans des campagnes coûteuses qui dureront des années et qui, si elles n’échouent pas totalement :

* auront pour résultat des modifications qui entreront en vigueur des années plus tard, et qui, de toute façon, ne seront en général jamais appliquées ;
* même si elles sont mises en œuvre et respectées, auront pour résultat, au mieux, un changement  minimal s’apparentant au rembourrage de la planche à eau du supplicié ;
* ne feront rien pour changer la perception du statut moral des animaux, et renforceront au contraire leur statut de produits ou de choses n’existant que pour l’usage des êtres humains ;
* auront l’effet contreproductif de rendre les gens plus à l’aise par rapport au fait de consommer les animaux ;
* feront des défenseurs des animaux des partenaires des exploiteurs institutionnels, lesquels leur demandent de les soutenir.

ou

B. S’impliquer dans une défense créative et non-violente qui fait la promotion du véganisme comme principe moral fondamental, réduira la demande et opérera un déplacement du paradigme dans notre manière de penser les animaux.

Chaque seconde et chaque centime investis dans A sont autant de secondes et de centimes perdus pour B.

A et B sont deux manières différentes de penser l’éthique animale, et mutuellement exclusives.

Ni A ni B ne sont immédiats ; ni A ni B n’aident les animaux « maintenant », et les deux impliquent des efforts graduels. La question est de savoir ce que vous choisissez de faire.

*****

Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

L’idéologie de l’exploitation animale n’a rien d’ « invisible »

Certaines personnes prétendent que l’idéologie de l’exploitation animale est « invisible », autrement dit qu’elle serait quelque chose par quoi nous serions conditionnés, ou dans quoi nous serions forcés d’être impliqués en raison d’une idéologie cachée, « invisible », ou d’un processus psychologique nécessitant d’être dévoilé.

Des variantes de cette théorie circulent depuis maintenant des années. La plus récente porte un nom : le « carnisme ».

J’affirme que les tenants de cette théorie sont dans l’erreur, et sérieusement de surcroît.

L’idéologie qui soutient l’exploitation animale est celle du bien-être animal.

Et cette idéologie n’est ni invisible, ni cachée d’aucune façon : au contraire, la théorie du bien-être constitue une part explicite de notre culture. Nous la connaissons, nous y réfléchissons, nous en discutons. La plupart des gens — qu’ils fassent partie du grand public ou des « défenseurs des animaux » — l’acceptent.

En outre, la théorie de l’ « invisibilité » n’est, en réalité, rien d’autre qu’une tentative de rendre invisible le vrai problème. Autrement dit, prétendre que l’idéologie du bien-être animal est « invisible », c’est nous encourager à ne pas procéder à une remise en cause sévère de cette théorie, pour embrasser le fantasme voulant que nous exploitions les animaux par suite de quelque conditionnement « invisible ».

Cela peut seulement avoir pour effet de maintenir l’idéologie welfariste fermement en place. En effet, un but explicite de la théorie de l’ « invisibilité » est précisément d’étouffer la dissidence et le débat sur le welfarisme. En tant que telle, la théorie de l’ « invisibilité » n’est elle-même rien d’autre qu’une version de l’idéologie welfariste.

En outre, la théorie de l’ « invisibilité » prétend nous décharger de toute responsabilité morale quant à notre conduite, affirmant que si nous participons à l’exploitation animale, c’est parce que nous sommes les « victimes » de l’idéologie « invisible ». Ainsi, si vous consommez des produits d’origine animale, ce n’est pas parce que vous prenez de mauvaises décisions morales et rendez les animaux victimes ; c’est parce que vous êtes victime d’un conditionnement « invisible ».

Imaginez si, dans les années 1950, on avait suggéré qu’une idéologie « invisible » ou un quelconque processus psychologique était à l’œuvre derrière ces croix en feu que l’on posait dans les maisons ou les églises fréquentées par les gens de couleur. Une telle hypothèse aurait été clairement erronée. Le problème était en effet des plus identifiables : il avait (et a) pour nom racisme. Toute tentative d’affirmer que le Ku Klux Klan aurait été « victime » d’une idéologie « invisible », à part le fait d’être absurde et choquante, n’aurait été qu’une tentative destinée à nous éviter de procéder à un sévère examen du racisme.

Il y avait, bien sûr, beaucoup de gens dans les années 1950 qui n’avaient pas conscience de, ou ne voulaient pas reconnaître, leur propre racisme. Mais ce n’était pas parce qu’une quelconque force invisible les en empêchait. Ce qui les en empêchait, c’étaient l’ignorance, l’égoïsme, et la croyance consciente que les gens de couleur étaient inférieurs.

La même analyse vaut pour ceux qui prônent le thème de l’invisibilité afin d’expliquer pourquoi nous collaborons à l’exploitation animale. Nous agissons ainsi parce que nous acceptons une idéologie très visible : celle du bien-être animal. Or nous devons rejeter cette idéologie, ainsi que la stratégie politique du réformisme et l’exploitation « heureuse » qu’elle met en œuvre.

Depuis une dizaine d’années, j’utilise l’expression de « schizophrénie morale » pour décrire la manière confuse dont nous réfléchissons à l’éthique animale. Mais dire que notre raisonnement sur les animaux est confus, ce n’est pas dire que l’exploitation animale est conditionnée par une force « invisible ». Nous traitons certains animaux comme des membres de la famille et d’autres comme de la nourriture, mais c’est parce que nous acceptons consciemment l’idéologie selon laquelle les animaux sont des biens et que nous pouvons accorder à certains de ces biens davantage de valeur qu’à d’autres.

Afin de cerner le problème, nous devons revenir brièvement aux origines historiques de la position du bien-être animal qui caractérise le paradigme prédominant dans l’éthique animale.

Un (très) bref survol historique

Avant le XIXe siècle, la pensée occidentale plaçait les animaux complètement en dehors de la communauté morale. Parce qu’ils étaient soi-disant non rationnels, dénués de conscience de soi et incapables d’utiliser le langage, etc., ils étaient considérés comme n’ayant aucune valeur morale. Ils n’étaient que des choses.

La situation changea au XIXe siècle avec l’apparition et le développement du mouvement pour le bien-être animal. La position du bien-être animal maintient que les animaux ne comptent pas moralement, que nous pouvons donc les utiliser pour nos propres fins car, bien qu’ils aient un intérêt à ne pas souffrir, ils n’ont pas un intérêt à vivre. A en croire les welfaristes, les animaux n’ont pas de conscience de soi, ni d’intérêt dans la poursuite de leur existence. Tant que nous les traitons bien et que nous les tuons d’une manière relativement indolore, ils ne se soucieraient pas du fait que nous les utilisions, seulement de la manière dont nous le faisons. Par conséquent, nous pouvons les utiliser à nos propres fins, mais nous avons l’obligation morale de les traiter « humainement ».

Vous voyez ? Les leçons d’histoire sont indolores.

Le bien-être animal : complètement visible et partie intégrante de notre pensée consciente

La position du bien-être animal développée au XIXe siècle constitue le paradigme dominant — la sagesse conventionnelle — qui a cours aujourd’hui. Elle constitue la façon de voir de la plupart des gens. Ces derniers pensent qu’il est bien d’utiliser les animaux, que les tuer « sans douleur » ne leur cause pas de tort. Ils estiment que nous devons les traiter « humainement ».

Réfléchissez à cela : connaissez-vous quelqu’un (en dehors des autres végans abolitionnistes) qui soit en désaccord avec l’idée qu’il est moralement acceptable d’utiliser les animaux, mais que nous avons l’obligation morale de les traiter « humainement » ? Probablement pas. Tout le monde dit accepter la position du bien-être animal.

Et il n’y a guère de différence entre cette dernière et la position communément (et à tort) appelée « mouvement des droits des animaux ». Songez que Peter Singer, le soi-disant « père » dudit mouvement, affirme qu’à l’exception des animaux supérieurs tels que les grands singes nonhumains, les animaux vivent dans un « éternel présent » et n’ont pas intérêt à vivre. Tant que nous leur fournissons une existence raisonnablement agréable et une mort relativement indolore, nous pouvons nous décharger de nos obligations morales envers eux. Par exemple, Singer déclare :

Pour éviter d’infliger de la souffrance aux animaux — sans mentionner le coût environnemental de la production animale intensive —, nous devons réduire drastiquement notre consommation de produits animaux. Mais cela signifie-t-il forcément un monde végan ? Ce serait une solution, mais pas nécessairement la seule. Si c’est le fait d’infliger de la souffrance qui nous préoccupe, plutôt que le fait de tuer, alors je peux aussi imaginer un monde dans lequel les gens consommeraient en majorité des aliments végétaux, mais occasionnellement s’offriraient le luxe de manger des œufs de poules élevées en plein air, ou peut-être même de la viande provenant d’animaux ayant vécu dans de bonnes conditions adaptées à leur espèce, avant d’être tués humainement à la ferme. (The Vegan, automne 2006)

Singer affirme :

Si quelqu’un fait l’effort de ne consommer que des animaux qui ont eu une vie bonne, cela peut être une position éthique défendable. Ce n’est pas ma position, mais je ne critiquerais pas une telle personne.

La différence entre Singer et la position welfariste conventionnelle, c’est qu’il estime que nous devons aller plus loin afin de fournir un traitement « humain » aux animaux, et que nous devons éliminer la plupart des aspects de l’agriculture intensive. Mais il n’a pas d’opposition de principe au fait de tuer et manger les animaux ou les produits d’origine animale, et il soutient les campagnes réformistes de bien-être qui apportent en réalité peu, sinon pas, d’améliorations au bien-être des animaux.

La position de Singer est celle de la plupart des grands groupes de « protection animale » aux Etats-Unis et en Europe. Autrement dit, ces groupes se focalisent sur le traitement, et non sur l’utilisation des animaux proprement dite.

Dans la mesure où ils parlent du véganisme, ils le présentent seulement comme un « outil » pour réduire la souffrance, et non comme le principe moral de base. Ils parlent de la souffrance, mais pas de la mort des animaux. Ils parlent de leur traitement, mais pas de leur utilisation. A leurs yeux, la vie animale n’a pas de valeur morale en soi.

HSUS et les autres grandes organisations étasuniennes ou européennes sont très claires : l’exploitation « heureuse » est moralement désirable.

Le PDG de HSUS, Wayne Pacelle, explique clairement que la viande « heureuse » est moralement une bonne chose :

Je ne pense pas que l’on doive adopter un régime végétarien pour faire la différence. Je pense que les petits choix que nous faisons — comme opter pour des agriculteurs élevant les animaux convenablement et avec humanité, ou réduire notre consommation —, que toutes ces choses comptent. Vous n’avez pas besoin d’être parfait pour avoir un impact. Ce que je ne veux pas, c’est que les gens se sentent paralysés, qu’ils croient devoir adopter un certain régime orthodoxe afin d’être partie prenante du changement. Absolument pas. Les petites décisions que tous nous pouvons prendre peuvent avoir d’énormes conséquences.

Selon Pacelle, vous pouvez avoir un impact en mangeant de la viande et des produits d’origine animale « produits par un agriculteur élevant les animaux d’une manière convenable et humaine. »

Ainsi, Pacelle ne se contente pas de suggérer que les produits obtenus « de manière convenable et humaine » sont valables, mais que les consommer est, moralement, la bonne chose à faire. C’est pourquoi HSUS juge bon de célébrer la décision de trois compagnies productrices de viande de supprimer progressivement, sur des années, les stalles de gestation économiquement non rentables, et de demander aux défenseurs des animaux de faire l’éloge public de ces compagnies, et de promouvoir ainsi la consommation « compassionnelle » de viande et de produits d’origine animale.

HSUS et d’autres grandes organisations aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni parrainent ainsi divers programmes de labels « humains »  explicitement destinés à rendre les consommateurs plus à l’aise par rapport au fait de continuer de consommer des produits d’origine animale.

Aussi, qu’y a-t-il exactement d’ « invisible » dans tout cela ? Réponse : rienAbsolument rien. Au contraire, c’est évident.

Les personnes qui affirment que l’utilisation des animaux est injustifiable sont qualifiées d’ « extrémistes » et réprimandées ; on les prie de ne plus « semer la zizanie » et de taire toute critique à l’encontre du mouvement pour l’exploitation « heureuse ». Les partisans de ce dernier affirme qu’il n’y qu’un seul mouvement : le leur.

Mais la sagesse conventionnelle — depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui — repose sur l’hypothèse selon laquelle la seule façon d’être conscient de soi est de l’être de la manière dont les humains le sont. Or, puisque les animaux, ainsi qu’on le prétend, n’ont pas conscience d’eux-mêmes de cette façon, alors ils n’ont pas un intérêt à la poursuite de leur existence. Nous ne leur portons donc pas préjudice si nous les tuons, tant que nous le faisons d’une manière relativement indolore.

Cette position, comme je l’affirme, est moralement indéfendable pour de nombreuses raisons, la plus pertinente étant qu’elle est fondamentalement spéciste en ce qu’elle privilégie arbitrairement une catégorie particulière de conscience de soi. Un être (humain ou nonhumain) peut avoir un intérêt dans la poursuite de son existence sans avoir la conscience de soi réflexive que nous associons d’habitude aux humains « normaux ».

Je rejette la position conventionnelle également parce que la façon dont nous traitons les animaux que nous utilisons pour la nourriture ne sera, en pratique, jamais « humaine » au sens où un tel adjectif doit être entendu. Comme je l’ai expliqué dans mon essai de 1995,Animals, Property, and the Law, puisque les animaux sont, légalement, des biens meubles, les normes de leur bien-être seront toujours minimales, et nous protégerons généralement leurs intérêts seulement lorsque nous aurons un bénéfice économique à le faire. Le résultat est que les réformes de bien-être mises en œuvre sont celles qui augmentent le rendement de production. Le résultat n’est pas de ne plus faire des animaux des biens, mais de les enfermer encore davantage dans ce paradigme.

Dans tous les cas, rien de cela n’est invisible. L’idéologie du bien-être constitue notre sagesse conventionnelle quant à l’utilisation des animaux, et elle est soutenue par le mouvement moderne de « protection animale ». Le problème existe ; nous en sommes tous conscients ; nous en discutons publiquement. Pas un jour ne se passe sans qu’une nouvelle histoire de produits d’origine animale « heureux » ne paraisse dans un journal célèbre ou à la télévision.

L’ironie de la théorie de l’ « invisibilité »

En réalité, dire que nous devons traiter l’idéologie de l’exploitation animale d’ « invisible » revient à dire que nous devons ignorer le paradigme dominant du bien-être animal ; que nous devons ignorer l’idéologie spéciste qui nous maintient à l’aise quant au fait d’exploiter les animaux.

Ce n’est pas une surprise de constater que ceux qui promeuvent la théorie de l’ « invisibilité » sont les mêmes qui présentent les réformes de bien-être comme « efficaces », ou qui nous expliquent que nous ne devons pas nous inquiéter d’une quelconque différence entre les positions abolitionniste et welfariste. Selon eux, nous devons seulement « travailler ensemble ». Mais leurs appels creux à l’ « unité » et à la cohésion ne sont rien d’autre qu’une approbation des réformes de bien-être et un soutien à l’exploitation « heureuse ». Ils attaquent et souvent caricaturent l’éthique abolitionniste, et, lorsqu’on les défie de s’expliquer, ils se plaignent d’être,eux, les victimes.

Les partisans de l’ « invisibilité » répètent que nous ne devons pas rechercher le discours public sur l’utilisation des animaux, car un tel discours serait idéologique et que les gens ne seraient pas prêts à l’entendre. C’est l’argument welfariste standard selon lequel « le véganisme est trop extrême ». Or, ceci n’est rien d’autre qu’une tentative patente d’écarter du discours public la seule chose dont, précisément, nous devons parler si nous voulons un jour émerger du non-sens que constitue l’exploitation « heureuse » et avoir une discussion éthique sérieuse sur la moralité de l’exploitation animale. Les partisans de l’ « invisibilité » prétendent que nous devons, à défaut, sinon par une implication et un soutien actifs, céder la place aux welfaristes et nous concentrer sur les campagnes en faveur du traitement « heureux » des animaux.

Les partisans de l’ « invisibilité » continuent de promouvoir l’idée que nous ne pouvons dire que l’exploitation animale est moralement condamnable en quelque sens « objectif » que ce soit. D’après eux, cette question relève seulement de l’opinion individuelle. Mais s’il n’y a pas de réalisme moral et que toutes les questions morales sont juste des questions d’opinion, alors nous pouvons dire que rien — le racisme, le sexisme, les agressions sexuelles d’enfants, les génocides, etc. — n’est, objectivement, condamnable sur le plan moral. Par ailleurs, si nous disons que l’exploitation humaine est, objectivement, condamnable sur le plan moral, mais que l’exploitation animale est seulement une question d’opinion, alors nous sommes spécistes, tout simplement.

La théorie de l’ « invisibilité » est destinée à s’assurer que nul ne discutera — ni même reconnaîtra — aucun des problèmes posés par l’idéologie du bien-être animal. La théorie de l’ « invisibilité » est une tentative patente de nous garder d’un examen sévère de la prémisse welfariste fondamentale posant que c’est la question du traitement, et non celle de l’utilisation des animaux, qui est pertinente, et que l’utilisation « heureuse » n’est pas moralement inacceptable. Cela maintient le paradigme du bien-être fermement en place.

La théorie de l’ « invisibilité » cherche à nous décharger de nos responsabilités. Selon une telle théorie, ce n’est pas notre acceptation de l’idéologie spéciste du bien-être animal, ni nos choix spécistes de consommer des produits d’origine animale qui sont responsables : c’est  l’idéologie « invisible » qui fait de nous des « victimes » et nous entraîne à participer au mal fait aux animaux. Donc si vous n’êtes pas végan, ce n’est pas un problème. Vous n’êtes qu’une victime. Si vous promouvez l’exploitation « heureuse » et que l’on vous critique, vous êtes une victime.

Tout ceci est un désastre pour les animaux nonhumains.

Le problème, ce n’est pas l’ « invisibilité ».

Le problème, c’est la position du bien-être animal.

Le problème, c’est un « mouvement » qui présente l’exploitation « heureuse » comme la solution au problème de l’exploitation animale.

Le problème, c’est notre échec à nous focaliser sur la question de l’utilisation, car depuis 200 ans nous avons clairement et très délibérément embrassé l’idée spéciste que les animaux ne se soucient pas du fait que nous les utilisions, mais seulement de la manièredont nous le faisons.

Le problème, c’est que le « père du mouvement des droits des animaux » promeuve de manière éhontée l’idéologie welfariste et parle du « luxe » de consommer des produits d’origine animale « humains », d’accord avec un « mouvement » qui présente le véganisme comme un simple outil pour réduire la souffrance, outil qui ne différerait en rien des cages « améliorées », de la viande « compassionnelle » ou du lait « heureux ».

Les problèmes ne sont nullement invisibles. Au contraire, ils sont on ne peut plus visibles, à l’instar de la solution : un rejet explicite de l’utilisation des animaux, et la reconnaissance du véganisme comme principe moral de base clair et sans équivoque.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

Les droits des animaux : marginalisés par le « mouvement animaliste »

Plusieurs auteurs ont affirmé que nous devions soutenir d’autres initiatives que l’approche abolitionniste en ce que celle-ci était politiquement marginalisée et infructueuse.

Par exemple, dans leur livre Zoopolis: A Political Theory of Animal Rights, les philosophes Sue Donaldson et Will Kymlicka font remarquer :

Une des tâches centrales du mouvement consiste à comprendre pourquoi l’ART [la théorie des droits des animaux] reste si politiquement marginale. Pourquoi le grand public est-il de plus en plus ouvert aux réformes welfaristes et écologiques, comme la Proposition 2 ou la législation sur les espèces en voie de disparition, tout en restant irréductiblement réfractaire aux droits des animaux ? Ayant admis que les animaux sont des êtres vivants dont la souffrance importe sur le plan moral, pourquoi est-il si difficile de franchir l’étape suivante et de reconnaître qu’ils ont le droit fondamental de ne pas être exploités à des fins humaines ?

Donaldson et Kymlicka affirment être très solidaires de la perspective abolitionniste. Mais ils posent la question : pourquoi est-elle restée si marginale ?

J’en dirai beaucoup plus sur ce livre dans une réponse que je suis en train de faire aux professeurs Kymlicka et Donaldson, comme à d’autres auteurs qui ont récemment écrit sur la théorie abolitionniste. Mais je trouve étrange qu’ils pensent qu’il y a ici un mystère.

Le « mouvement animaliste » est dominé par de grands groupes qui promeuvent les réformes de bien-être et sortent de leur rôle en marginalisant la perspective abolitionniste.

Il est peu probable que le public, celui qui est concerné par l’éthique animale, « franchisse l’étape suivante » quand Peter Singer, le soi-disant « père du mouvement pour les droits des animaux », décrète :

Si quelqu’un fait l’effort de ne consommer que des animaux qui ont eu une vie bonne, cela peut être une position éthique défendable. Ce n’est pas ma position, mais je ne critiquerais pas une telle personne.

Selon Singer, du moment que nous procurons aux animaux une vie raisonnablement plaisante et une mort relativement douce, nous pouvons nous décharger de nos obligations morales envers eux. Il déclare par exemple :

Pour éviter d’infliger de la souffrance aux animaux — sans mentionner le coût environnemental de la production animale intensive —, nous devons réduire drastiquement notre consommation de produits animaux. Mais cela signifie-t-il forcément un monde végan ? Ce serait une solution, mais pas nécessairement la seule. Si c’est le fait d’infliger de la souffrance qui nous préoccupe, plutôt que le fait de tuer, alors je peux aussi imaginer un monde dans lequel les gens consommeraient en majorité des aliments végétaux, mais occasionnellement s’offriraient le luxe de manger des œufs de poules élevées en plein air, ou peut-être même de la viande provenant d’animaux ayant vécu dans de bonnes conditions adaptées à leur espèce, avant d’être tués humainement à la ferme. » (The Vegan, automne 2006)

Singer est donc en train de dire au public que le seul bien-être des animaux est une réponse moralement défendable aux questions fondamentales d’éthique animale. Pourquoi devrait-on aller plus loin ? Pourquoi serait-on obligé d’aller plus loin ?

Pourquoi devrait-on devenir végan quand le PDG de la Humane Society of the United States, Wayne Pacelle (lui-même végan), explique très clairement que la viande « heureuse » est moralement une bonne chose ? Pacelle déclare en effet :

Je ne pense pas que l’on doive adopter un régime végétarien pour faire la différence. Je pense que les petits choix que nous faisons — comme opter pour des agriculteurs élevant les animaux convenablement et avec humanité, ou réduire notre consommation —, que toutes ces choses comptent. Vous n’avez pas besoin d’être parfait pour avoir un impact. Ce que je ne veux pas, c’est que les gens se sentent paralysés, qu’ils croient devoir adopter un certain régime orthodoxe afin d’être partie prenante du changement. Absolument pas. Les petites décisions que nous pouvons tous prendre peuvent avoir d’énormes conséquences.

D’après Pacelle, vous pouvez donc avoir un impact en mangeant de la viande et des produits d’origine animale provenant d’ « agriculteurs élevant les animaux convenablement et avec humanité ».

Ainsi, non seulement HSUS ne se contente-t-elle pas de dire que les produits d’origine animale obtenus « convenablement et avec humanité » sont acceptables, mais qu’en consommer est cohérent avec le fait de se soucier moralement des animaux et de les considérer comme des membres de la communauté morale.

HSUS promeut activement la consommation de viande et d’autres produits d’origine animale.

Donaldson et Kymlicka font remarquer que même PETA, considérée comme une organisation portant un message radical, promeut les réformes de bien-être.

Encore une fois, si les gens qui sont perçus par le public comme des défenseurs des animaux affirment que les réformes de bien-être sont tout ce qui est moralement requis, pourquoi le public penserait-il autrement ?

Comme je l’ai déclaré dans The Animal Rights Debate: Abolition or Regulation?, le livre que j’ai coécrit avec le professeur Rober Garner :

Le mouvement animaliste moderne n’a jamais fait la promotion d’un message abolitionniste/végan clair et sans équivoque. Au contraire. Presque tous les grands groupes aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs, plébiscitent l’approche welfariste, et dans la mesure même où ils parlent de l’approche abolitionniste/végane, ils la présentent comme une sorte d’objectif lointain et utopique. Ils qualifient souvent de façon péjorative le véganisme d’ « absolutiste », de « fondamentaliste » ou de « puriste », et, à la suite de Singer, affirment que le statut d’ « omnivore consciencieux » est moralement défendable.

Comprenez bien que je ne suis pas en train de dire que si tous les groupes animalistes changeaient d’optique et se lançaient dans une campagne abolitionniste/végane claire et sans équivoque, nous serions en mesure d’abolir l’exploitation animale du jour au lendemain, ou même dans un proche avenir. Mais nous aurions au moins amorcé le nécessaire changement de paradigme en axant la discussion sur les vrais problèmes. Le modèle welfariste a échoué et continuera d’échouer parce qu’il pose de mauvaises questions. Et je suis en profond désaccord avec ceux qui prétendent que le droit des animaux à ne pas souffrir, sans discussion préalable sur la moralité de leur utilisation en soi, mène à autre chose qu’à davantage de réglementations welfaristes du même acabit.

Ainsi, pour répondre à la question posée par les professeurs Donaldson et Kymlicka, le problème n’est pas que la perspective abolitionniste est marginale ; le problème est qu’elle a été activement marginalisée par un mouvement animaliste qui se réduit à d’énormes organismes de bienfaisance dominant le marché des idées et disant au public que les réformes de bien-être sont la seule chose nécessaire.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

Une pièce à conviction de plus pour votre dossier « Les humains sont étranges »


(photo: Yahoo! News)

Voici Tracy Arnold et son histoire.

Mme. Arnold, dans la sauce qu’elle préparait, a trouvé ce qu’elle dit être un ongle de pied humain. Elle n’a pas su si cet ongle provenait de la boîte de sauce tomate ou du boeuf émincé qu’elle a ajouté à la sauce. Elle a d’abord pensé qu’il s’agissait d’un morceau de cartilage d’une vache morte.

Puis elle a vu qu’il s’agissait d’un ongle humain.

Ca l’a dégoutée.

Le fait qu’elle était en train de manger de la chair en décomposition ne l’a pas dégoûtée.

Le fait qu’elle ait pensé qu’il y avait un morceau de cartilage d’une vache morte dans sa sauce ne l’a pas dégoûtée.

Mais elle a été dégoûtée par un ongle humain, qui lui aussi est fait de cartilage.

Réfléchissez là-dessus.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

Mangez une saucisse. Faites-le pour les animaux.

Fantasme n° 1 : la Humane Society of the United States (HSUS) ne fait pas la promotion de la consommation « compassionnelle » de viande.

Voici ce qu’écrit HSUS en légende à ce post Facebook : « Encore plus de bonnes nouvelles pour les cochons ! Cliquez sur « J’aime » pour apporter votre soutien à ces compagnies qui font ce qui est juste. 🙂 »

Autrement dit, soutenez les compagnies qui vendent de la viande et des produits d’origine animale, et font « ce qui est juste ». Réfléchissez à ce message.
Wayne Pacelle, le PDG de HSUS, nous dit d’ailleurs très clairement que la viande « heureuse » est moralement une bonne chose.

Je ne pense pas que l’on doive adopter un régime végétarien pour faire la différence. Je pense que les petits choix que nous faisons — comme opter pour les agriculteurs élevant les animaux convenablement et avec humanité, ou réduire notre consommation —, que toutes ces choses comptent. Vous n’avez pas besoin d’être parfait pour avoir un impact. Ce que je ne veux pas, c’est que les gens se sentent paralysés, qu’ils croient devoir adopter un certain régime orthodoxe afin d’être partie prenante du changement. Absolument pas. Les petites décisions que nous pouvons tous prendre peuvent avoir d’énormes conséquences.

D’après Pacelle, vous pouvez donc avoir un impact en mangeant de la viande et des produits d’origine animale provenant d’ « agriculteurs élevant les animaux convenablement et avec humanité ».

Ainsi, non seulement ne se contente-t-il pas de dire que les produits d’origine animale obtenus « convenablement et avec humanité » sont acceptables, mais qu’en consommer est cohérent avec le fait de se soucier moralement des animaux et de les considérer comme des membres de la communauté morale.

Fantasme n° 2 : ce type de campagnes n’embrouillent pas les gens.

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Formidable nouvelle ! Je ne mange pas de viande, mais même si j’en mangeais, je n’achèterais pas de porc venant de producteurs utilisant des stalles de gestation. Ball Park Franks, Hillshire Farm et Jimmy Dean ont encore du chemin à faire. Il est temps qu’ils arrêtent de torturer les animaux jusqu’à la mort. »

(A en croire cette personne, les cochons ne sont pas torturés dès lors qu’ils ne sont pas en stalle de gestation. Les stalles de gestation, ce serait la mauvaise partie d’une vie de cochon. Tout le reste serait formidable. A propos, la photo suggère que les cochons évoluent désormais en liberté. La nouvelle concerne pourtant l’utilisation des stalles de gestation, pas l’élimination du confinement.)

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « MERCI DOUX JESUS !!! »

(J’ai tendance à penser que Jésus se sentirait ici insulté.)

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Ouiiiiiiiiiii ! Victoire !!! Merci, merci pour les animaux ! »

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Partagé dans le Maryland, et merci à vous les compagnies pour faire ce qui est juste. Bravo à Ball Park, Hillshire Farms et Jimmy Dean, et obligeons-les tous à se joindre à vous. Le monde sera un endroit meilleur pour nous tous et pour les cochons. Nous sommes si heureux de voir ça. Bravo à Jane Velez Mitchell pour son combat et pour nous faire prendre conscience de tout ça. Nous vous aimons Jane. »

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « J’Aime ces sociétés… SVP, rejoignez la bande !!!! »

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « On dirait qu’ils [les cochons sur la photo] se paient du bon temps. »

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Après avoir vu un cochon sauver une chèvre prise au piège d’un trou boueux, j’éprouve un nouveau respect pour ces animaux. Tous les animaux qui pensent doivent être respectés, surtout si vous vous apprêtez à les manger ! »

(Alors comme ça vous devez « respecter les cochons, surtout si vous vous apprêtez à les manger ». Réfléchissez à cela une seconde.)

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Formidable, il était temps qu’ils abandonnent cette merde. Merci aux gens comme nous de leur avoir fait savoir que nous boycotterons les compagnies cruelles avec les animaux. Que nous mangions de la viande ou pas, nous ne serons pas partie prenante de ça ! »

(Relax tout le monde. Ces trois compagnies, désormais, ne font plus preuve de cruauté. Formidable , hein ? Annulons le boycott. Prenons une saucisse à la place.)

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Je suis ravi d’entendre ces nouvelles. Les cochons doivent pouvoir mener une vie naturelle tout comme l’ensemble des animaux, au lieu d’être confinés dans ces stalles de gestation qui leur sont une torture. »

(Oui, n’est-ce pas, les animaux domestiqués qui seront mutilés, maltraités de diverses façons et qui finiront dans la puanteur et l’horreur d’un abattoir, vivent une vie « naturelle ». Quelle victoire !).

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Aimez les cochons ! Plus de souffrance ! »

(Mais oui. Ces cochons ont une vie formidable. Ils ne souffrent plus du tout !)

Commentaire sur la page Facebook de HSUS (en réponse à des critiques) : « Il y a toujours des gens pour ne voir que le mauvais côté des choses. Au moins maintenant les cochons peuvent apprécier un peu leur vie. »

(C’est ça, arrêtons de « semer la zizanie ». Suivons le mouvement HSUS. Le désaccord n’est pas permis.)

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « C’est tellement important de respecter les animaux que nous mangeons, et non les maltraiter… »

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Ball Park, Hillshire Farm et Jimmy Dean, que Dieu vous bénisse, vous et vos affaires, pour ne plus servir de porc en provenance d’élevages industriels qui traitent le bétail avec tant d’inhumanité !! Merci d’avoir la force intérieure de vous lever pour ce qui est juste et moral. Soyez tous bénis… »

(En mettant de côté les éloges stupides adressés à ces compagnies, cette personne croit manifestement qu’elles ont mis fin au processus intensif dans son intégralité, ce qui n’est pas le cas. Elles vont simplement mettre fin à cette pratique économiquement non rentable que sont les stalles de gestation, à un moment donné du futur.)

Fantasme n° 3 : ce type de campagne n’encourage pas les gens à continuer de consommer les animaux.

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Je ne raffole pas du porc, mais si c’était le cas, j’achèterais ces marques. »

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « MERCI Ball Park, Hillshire Farms et Jimmy Dean pour votre compassion qui vous a permis d’éliminer les stalles de gestation ! Je vais redevenir client ! »

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Je ne mange pas de viande, mais je dirai à ma famille et à mes amis quelles sociétés font ce qui est « juste ». Merci à toutes les compagnies qui évoluent vers plus de compassion. »

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Merci Hillshire Farms ! Maintenant je peux recommencer à acheter chez vous ! »

Commentaire sur la page Facebook de HSUS : « Maintenant je sais quelles marques acheter !! »

Fantasme n° 4 : les réformes de bien-être animal sont géniales parce qu’elles réduisent la souffrance animale ICI ET MAINTENANT.

De HSUS : « La Hillshire Brands Company a annoncé aujourd’hui être activement engagée dans des alternatives au logement traditionnel en caisses de gestation, et compte mettre ces solutions en place vers la fin de 2022, » a déclaré Hillshire dans son rapport. La compagnie a poursuivi en précisant que son « intention est de choisir tout son porc chez des fournisseurs qui utiliseront le type de logement fournissant aux animaux mouvement et confort convenables. »

Etc., etc., etc.

J’ai trouvé ces commentaires en moins de deux minutes. A l’époque où j’ai écrit ceci, il y avait pratiquement 3100 « j’aime », 400 « partages » et plus de 150 commentaires, dont beaucoup sont favorables.

Si on voit là-dedans autre chose qu’une immense trahison des intérêts des animaux, permettez-moi d’être en désaccord.

On m’a accusé de « semer la zizanie » plus de fois que j’ai mangé du broccoli (et j’aime le broccoli) pour avoir critiqué ce genre de mascarade. Si c’est « semer la zizanie » que de tracer une frontière entre ça et ce que je pense, alors je suis heureux de tracer cette frontière, de me tenir loin de ce type de campagnes et de ceux qui promeuvent cette obscénité.

*****

Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

Post-scriptum ajouté le 22 septembre :

Voici un article écrit par un cadre de HSUS et un agriculteur « heureux » louant tous deux la viande « heureuse ».

Extraits :

Cet été, H. J. Heinz Co. a annoncé qu’il travaillait avec ses fournisseurs pour faire en sorte que les mères ne soient plus maintenues à l’étroit dans des stalles pendant qu’elles accouchent portée après portée de porcelets. C’est un nouveau chapitre bienvenu dans une histoire depuis longtemps dévoilée.

Lorsque nous parlons à nos enfants des animaux d’élevage, nous recourons souvent à des images antiques et familières : des poules picorant dans les champs à la recherche d’insectes ou de graines, ou encore des cochons sommeillant sur des litières de paille. Ces scènes constituent une partie de notre héritage agricole, et il fut un temps où elles constituaient effectivement une description fidèle de la manière dont vivaient les animaux. Malheureusement, ces images et la réalité de leur existence au sein des élevages industriels sont radicalement différentes.
….

Tandis qu’un puissant lobby d’agrobusiness se bat pour maintenir le statu quo industrialisé, un nombre croissant de consommateurs, de fermiers, de détaillants et de législateurs prennent position contre la maltraitance routinière des animaux d’élevage et les pratiques agricoles qui leur refusent jusqu’à la plus fondamentale capacité de mouvement. Nos images d’Epinal sur les fermes sont à des lieues de la situation réelle du bétail américain, mais nous commençons à évoluer dans la bonne direction. »

Ainsi, la « bonne direction», selon HSUS, c’est l’élevage « heureux ».

Les auteurs de cet article :

Josh Balk, directeur de la politique du groupe pour la protection des animaux d’élevage à la Humane Society of the United States, et les époux Philip et Dee Horst-Landis, qui gèrent la Sweet Stem Farm à Lititz en Pennsylvanie, dans le comté de Lancaster, où ils élèvent des cochons, des bœufs et des moutons.

Notez que ce sur quoi nos auteurs tombent d’accord est que nous devons évoluer vers les « images d’Epinal sur les fermes. »

Si vous pensez qu’il subsiste le moindre doute sur le fait qu’HSUS promeut l’exploitation « heureuse » comme moralement souhaitable, ou si vous estimez que l’article des Balk/Horst-Landis est, de quelque façon, cohérent avec la promotion d’un message végan clair, vous êtes en plein déni.

Ma discussion avec le philosophe libertarien Tibor Machan

Le 12 janvier 2012, j’ai débattu avec l’éminent philosophe libertarien Tibor Machan. Machan détient la Chaire R. C. Hoiles d’Ethique du Travail et de Libre Entreprise à l’Argyros School of Business & Economics de l’Université Chapman à Orange, en Californie. Il est chercheur au sein de la Hoover Institution à l’Université Stanford, et professeur adjoint au Cato Institute.

Machan est un éminent opposant aux droits des animaux.

Le sujet : « Les animaux ont-ils des droits ? »

La discussion a été enregistrée en vidéo et de nombreuses personnes ont demandé à la voir. La vidéo était originellement disponible sur le site de la Rutgers Library, mais nous l’avons déplacée et vous pouvez maintenant la regarder ici :

Le Professeur Francione débat avec le Professeur Tibor Machan : « Les animaux ont-ils des droits ? »
12 janvier 2012

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

Une réponse à James McWilliams — et elle n’est pas discutable

La Columbia University Press a posté sur Slate.com un article au sujet de l’appel lancé par le Professeur James McWilliams à tous les défenseurs des animaux afin qu’ils soutiennent les efforts réformistes en matière de bien-être animal de la Humane Society of the United States (HSUS).

Le lendemain, la Press publiait ma réponse au Professeur McWilliams.

Après que j’ai lu l’article du Professeur McWilliams, j’ai pensé qu’il pourrait être intéressant de débattre avec lui de ces questions dans un podcast, comme je l’avais fait précédemment avec le Professeur Robert Garner. Garner enseigne les sciences politiques à l’Université de Leicester et a également coécrit avec moi The Animal Rights Debate: Abolition or Regulation?. A l’instar de McWilliams, Garner défend l’approche welfariste. Les partisans des deux camps (abolitionniste et welfariste) ont dit combien il leur paraissait utile qu’un tel débat ait lieu.

Bien que le Professeur Williams ait accepté mon invitation en octobre, il a fait marche arrière après que la Columbia University Press a publié ma réponse.

Comme je le comprends, la Columbia University Press a également invité McWilliams à organiser un débat écrit avec moi sur ces questions, semblable à celui que j’avais réalisé avec le Professeur Marder sur l’éthique végétale. Il m’a été répondu qu’il avait également décliné cette invitation.

Je suis désolé de voir que le Professeur McWilliams, ayant mis lui-même ces questions sur la table via son article paru dans Slate, est apparemment peu disposé à s’engager dans une confrontation directe, qu’elle soit orale ou écrite.

Le Professeur McWilliams considère qu’un débat sur ces sujets revient à un « combat de boxe verbal ». Cela banalise la réalité, qui est que des questions fondamentales sont ici en jeu, parmi lesquelles l’idée, profondément ancrée dans l’idéologie welfariste, que les animaux n’ont pas un intérêt dans la poursuite de leur existence, ou tout au moins que leur vie a moins de valeur morale que la nôtre dès lors qu’il s’agit de justifier leur traitement comme produits économiques.

En outre, il y a la question de savoir si les réformes welfaristes apportent réellement des améliorations importantes au bien-être des animaux, ou si elles ne font qu’encourager la consommation de produits d’origine animale « heureux » — consommation considérée, pour reprendre les termes de Peter Singer, comme « position éthique défendable ». Voyons, personne ne pourrait nier pourtant que le fait que les grosses organisations animalistes sponsorisent des labels viande/produits d’origine animale « heureux » est explicitement destiné à faire que les consommateurs aient l’impression d’agir d’une manière « socialement responsable » (pour parler comme HSUS) quand ils mangent lesdits produits « heureux ».

Il y a également la question de savoir si de telles réformes sont acceptées ou promulguées, ou si elles ne font en fait qu’augmenter le rendement de production, échouant ainsi à nous rapprocher de l’abolition de l’exploitation des animaux, empêtrant au contraire ceux-ci encore un peu plus dans le paradigme de la propriété.

J’espère que le Professeur McWilliams finira par se rendre compte que débattre de ces importantes questions — oralement ou par écrit — est une bonne idée.

Mon invitation reste ouverte.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

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Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

« Animaux d’élevage » versus « animaux de ferme »

On me demande souvent pourquoi j’emploie l’expression « animaux d’élevage » plutôt que celle d’ « animaux de ferme ».

Il me semble que la première est préférable en ce qu’elle fait ressortir que ce sont des non-humains qui sont exploités pour être élevés, sans refléter l’idée qu’ils représenteraient un type particulier d’animaux. Il n’y a pas d’ « animaux de ferme ». Il y a seulement des animaux que nous exploitons en les élevant.

C’est la même chose lorsqu’on dit qu’on ne doit pas utiliser d’« animaux de laboratoire », parce qu’il n’existe pas de tels animaux. Il y a seulement des animaux que nous exploitons dans les laboratoires.

J’ai conscience du problème. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un problème monumental, et je ne pense pas non plus qu’il cause une quelconque différence d’ordre pratique. Mais j’en ai conscience.

Quoi qu’il en soit, ce que je trouve confondant, c’est qu’un grand nombre (pas tous !) de défenseurs utilisant cette expression — ceux qui l’ont popularisée notamment — dissertent sur la viande et les produits d’origine animale « heureux ». Ils discutent de la manière dont nous devons lutter contre les « pires abus » (un concept dénué de sens puisque le processus dans son ensemble est un abus) de l’élevage industriel, et nous orienter à la place vers l’idyllique élevage « familial » — lequel, en passant, fait l’économie de l’éthique et n’est rien d’autre qu’un fantasme.

J’ai entendu l’un de ces « défenseurs » dire que nous ne devions plus avoir d’« animaux d’élevage » dans des élevages industriels, mais des « animaux de ferme » dans des élevages « familiaux ».

Dans la mesure où l’expression « d’élevage » fait référence aux animaux engagés dans le processus agricole industriel et qu’on nous dit que si ces animaux étaient exploités (soi-disant) de manière plus « humaine » dans des élevages « familiaux », ils deviendraient des « animaux de ferme », eh bien cela pose problème précisément parce que cela suggère que dans un contexte « humain », ils constitueraient un type d’animaux.

Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que les appeler animaux « d’élevage » ou « de ferme » change grand-chose.

Promouvoir le véganisme comme base morale explicite et cesser de plébisciter l’exploitation « heureuse » ferait, en revanche, une énorme différence.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

Nicholas Kristof : grimacez, s’il vous plaît. Grimacez.

Une fois de plus, le chroniqueur du New York Times Nicholas D. Kristof nous donne un aperçu de la manière dont l’esprit libéral postmoderne s’accommode de la violence et de l’immoralité de l’agriculture animalière.

Kristof sait manifestement qu’il y a là-dedans quelque chose de mal. Sinon, il n’écrirait pas les lignes qu’il écrit sur nos obligations morales envers les animaux.

Il semble même que le New York Times soit obsédé par le sujet. Entre des chroniqueurs comme Kristof et Mark Bittman, qui ne cessent de tenter de nous convaincre que l’exploitation animale « heureuse » est la réponse à la question fondamentale : comment pouvons-nous justifier moralement l’utilisation des animaux ?, et les multiples travaux de ceux qui nous disent que les plantes possédant une « intentionnalité inconsciente », il n’y a pas de différence morale entre un steak et une salade, le New York Times veut vraiment – vraiment – nous rassurer sur le fait qu’il est parfaitement correct de continuer à faire quelque chose que nous savons tous être mal.

La dernière contribution de Kristof à la vaste littérature du style « Soyez tranquilles, mangez heureux », est un article intitulé : Where Cows Are Happy and Food Is Healthy.

Dans cet article, Kristof nous parle de Bob Bansen, un « copain de lycée ». Bob est un producteur de lait « qui a baptisé chacune de ses 230 vaches, chacun de ses 200 veaux et génisses, et qui les aime comme des enfants. » Kristof nous explique :

D’aussi loin que je le connaisse, Bob a donné un nom à chacune de ses « filles », comme il les appelle. Parcourez les champs avec lui, et il vous les présentera.

Bob « a compris comment faire tourner efficacement un élevage et le doter en même temps d’une âme. » Vous pouvez avoir un cœur et tirer profit de l’exploitation de vos « enfants ». Les vaches « heureuses » sont même plus productives :

Beaucoup de vaches en Amérique passent leur vie enfermées dans de vastes hangars, mangeant du grain et du foin pendant que leur lait est pompé. Mais il est de plus en plus évident que les vaches n’ont pas un bon rendement quand elles sont enfermées. Aussi de nombreux producteurs de lait reviennent à présent à une approche traditionnelle de l’élevage en les faisant paître dans les champs.

« Les champs font merveille sur la santé des vaches », s’exclame Bob. « C’est une telle évidence qu’elles sont plus heureuses ici. Elles vivent tellement plus longtemps quand elles sont loin du béton que la tendance est aux pâturages. »

S’agit-il d’un sentimentalisme déplacé de la part des agriculteurs que de vouloir leurs vaches heureuses ? Un homme d’affaires ne doit-il pas s’inquiéter seulement de la performance ?

Bob fronce les sourcils. « Pour la productivité, il est important d’avoir des vaches heureuses », dit-il. « Si une vache est au mieux de sa forme et de sa satisfaction, elle est rentable. Je ne gère pas mon élevage tant d’un point de vue budgétaire que du point de vue des vaches, parce que je sais que, si je prends soin d’elles, la performance suivra. »

Mais, Nicholas, les vaches meurent-elles de vieillesse ?

Non, apparemment pas :

Lorsque les vaches vieillissent et que leur production de lait diminue, les agriculteurs les abattent. Bob a toujours trouvé ce moment de l’élevage particulièrement dur, donc, de plus en plus, il utilise les vaches plus vieilles pour allaiter les bouvillons. De cette façon, les vaches du troisième âge rapportent assez pour couvrir les dépenses qu’elles occasionnent, et leur jour d’expiation peut être différé — indéfiniment, dans le cas de ses vaches favorites.

J’ai taquiné Bob en lui proposant d’ouvrir une maison de retraite pour bovins, et il a souri sans complexe.

« Je me sens bien par rapport à ça », a-t-il simplement répondu. « Mes vaches me soutiennent autant que je les soutiens, et il est donc facile de s’attacher à elles. Je veux travailler dur pour elles parce qu’elles ont pris grand soin de moi. »

Kristof conclut :

Nous n’avons pas besoin de faire la grimace quand nous réfléchissons à la provenance de notre nourriture.

La prochaine fois que vous boirez du lait Organic Valley, il est possible qu’il vienne de l’une des vaches de Bob. Si c’est le cas, vous pouvez pariez que c’est une vache heureuse. Et que ça a un nom.

Relax tout le monde ! S’il vous plaît. Ne faites pas la grimace. Restez assurés que vous pouvez exploiter avec « compassion ». Oui, ces doux animaux rencontreront leur « jour d’expiation » lorsqu’ils seront abattus ! Mais ils étaient « heureux ». Buvez ce lait. C’est bon pour vous et pour les « enfants » de Bob.

Je me demande si Kristof a la moindre idée de la manière dont les heureuses « filles » de Bob se sentent lorsque leur « jour d’expiation » arrive.

Mais la profonde schizophrénie morale de Kristof est résumée dans une phrase : « Et que ça a un nom. » « Ça » a un nom. « Ça ». Malgré l’inquiétude confuse de Kristof, le résultat des courses, c’est que les animaux sont des choses.

Et c’est, en un mot, tout le problème. Pour Kristof et les autres welfaristes (et ceci inclut exactement chacune des grandes organisations de « protection animale » de ce pays), les animaux sont des choses. Ils ne sont pas des personnes nonhumaines. Ils ne sont pas des membres de la communauté morale. Il est convenable de les exploiter aussi longtemps que nous les torturerons moins qu’ils ne le seraient dans une situation alternative ; aussi longtemps que nous les enverrons à l’abattoir avec un nom.

Et avant que je reçoive les habituels courriels de welfaristes contenant les sempiternelles questions du genre : « Mais l’élevage de Bob n’est-il pas préférable aux élevages laitiers conventionnels ? », laissez-moi être clair : il est pire d’imposer 10 unités de souffrance que 5 unités. Mais qu’il s’agisse de l’un ou l’autre cas, nous devons justifier les deux. Or nous ne pouvons en justifier aucun puisque la seule raison que nous avançons pour ce faire est le plaisir que nous éprouvons à consommer du lait.

Si le principe énonçant que la souffrance non nécessaire est mal — principe que tout le monde, y compris les Kristof de ce monde, prétend admettre — signifie quelque chose, c’est bien que le plaisir ne peut constituer une justification suffisante pour infliger douleur et souffrance aux animaux. Une justification suffisante serait de l’ordre du besoin ; de la nécessité. Rien de tel ici. Seulement la tragédie de ceux qui choisissent de faire quelque chose qu’ils savent injustifiable sur le plan moral et se lancent dans des dissertations éminemment frivoles qu’ils font passer pour de la pensée progressiste. Rien de plus.

J’entends souvent les défenseurs des animaux se plaindre des gens qui déclarent : « Ne me dites pas d’où provient ce que je mange. » Bien que je comprenne la frustration que l’on éprouve à l’écoute de semblables propos, j’amène ces gens n’importe quand chez les Kristof, Safran-Foer, Bittman et l’ensemble de la communauté de la « protection animale », qui mettent en avant le non-sens de la « consommation compassionnelle » et nous disent que nous pouvons savoir d’où provient notre nourriture, et qu’en dépit de ce que cela implique, c’est une pratique acceptable et que nous ne devons pas « faire la grimace ».

Et si vous doutez du fait que l’approche militante par l’exploitation « heureuse » est contreproductive précisément parce qu’elle renforce explicitement l’idée que nous n’avons pas à « faire la grimace » quand nous mangeons tel morceau de viande ou buvons tel verre de lait, alors je déclare que vous ne raisonnez pas clairement. L’article de Kristof est une parfaite illustration du problème.

Grimacez. S’il vous plaît, au nom de tout ce qu’il y a de bon sur la terre ; au nom de la non-violence ; au nom de la justice élémentaire ; au nom des « filles » de Bob qu’on expédiera vers leur « jour d’expiation », s’il vous plaît, s’il vous plaît, grimacez.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

Une invitation au Professeur McWilliams

James McWilliams, professeur d’histoire associé à l’Université d’Etat du Texas et auteur de Just Food: Where Locavores Get It Wrong and How We Can Truly Eat Responsibly, a publié un article provocateur sur Slate.com intitulé Vegan Feud. Le sous-titre : « Les militants des droits des animaux accompliraient bien davantage s’ils cessaient d’attaquer la Humane Society. »

McWilliams déclare :

Aucun auteur n’a plaidé la cause abolitionniste avec plus d’éloquence que le philosophe de Rutgers Gary Francione. Dans ses livres Animals as Persons et Rain Without Thunder, Francione, qui est également avocat, démontre avec force que la seule position éthiquement cohérente des humains vis-à-vis des animaux est l’élimination pure et simple de la propriété animale. Cette posture l’amène à attaquer HSUS à tout bout de champ. Quand, l’année dernière, HSUS a accepté de collaborer avec les United Egg Producers afin de légiférer sur l’agrandissement des cages des poulets, Francione a réagi en ces termes :

C’est parfaitement ridicule. Les cages « enrichies » impliquent la torture des poules. Point final. Cette torture peut être un tout petit peu moins terrible, de la même façon que les planches matelassées peuvent rendre le supplice de la baignoire un tout petit peu moins terrible. Mais soyons clairs : les poules seront toujours torturées. Et elles finiront toujours à l’abattoir.

La logique de Francione est imparable, mais il est peu probable que son message extrême résonne largement au sein d’une population comptant seulement 1,4 % de végans. Selon la psychologue sociale et végane de longue date Melanie Joy, l’approche abolitionniste attirerait beaucoup plus de partisans si elle reconnaissait, à l’instar d’HSUS, que le passage au véganisme demande un profond mouvement de conscience qui se produit seulement lorsque les gens sont personnellement prêts à le faire.

Comme l’indique le sous-titre de l’article, McWilliams estime que les abolitionnistes ne devraient pas critiquer HSUS.

Ce n’est pas la première fois que je suis en désaccord avec McWilliams (sauf lorsqu’il déclare que ma logique est « imparable » !).

J’ai donc posté, sur Slate.com, le commentaire suivant :

Cher James,
Comme vous pouvez vous y attendre, je ne suis pas d’accord avec votre article, que ce soit au niveau théorique ou pratique. J’ai quelques observations à formuler et une invitation à vous faire.

En guise de préambule, laissez-moi être clair quant au fait que je n’ai aucune implication que ce soit dans l’événement qui a eu lieu lors de l’Animal Rights National Conference et que vous rapportez dans votre article — aucune implication autre que certaines de mes propres idées générées au cours des vingt dernières années et que certains « abolitionnistes » ont généreusement empruntées et régurgitées, souvent de manière incorrecte. Je dis cela non seulement parce que votre article peut être mal interprété, mais encore parce que vous devez faire attention à ne pas assimiler la position abolitionniste au comportement adopté par certaines personnes lors de l’événement susmentionné.

Mes remarques : le courant animaliste de type welfariste admet explicitement que la vie animale n’a aucune valeur morale en soi, et que nous ne causons pas de tort aux animaux si nous les tuons sans douleur. C’était le raisonnement de Bentham ; c’est aussi celui de Singer ; c’est enfin celui de la plupart des grosses organisations animalistes. C’est même précisément ce raisonnement qui permet à PETA de tuer des animaux en bonne santé qu’elle détient dans ses aménagements à Norfolk et de défendre cette idée qu’il est acceptable, de la part des autres refuges, de faire de même. Une telle position, selon moi, pose problème pour plusieurs raisons morales.

En outre, vous admettez sans l’ombre d’une critique que les réformes welfaristes apportent des améliorations importantes au bien-être des animaux. Je ne suis pas d’accord. Au mieux, ces réformes sont analogues au fait de rembourrer les planches à eau de Guantanamo Bay. Notez bien que j’ai dit « au mieux ». La plupart du temps, elles font encore moins que cela.

D’un point de vue économique, la plupart des réformes de bien-être ne font en fait qu’augmenter les rendements de production. Vous citez par exemple la campagne d’HSUS contre les stalles de gestation. Jetez donc un œil sur la documentation d’HSUS. Après avoir passé en revue l’état de la recherche agricole, il est dit : « La productivité des truies est meilleure dans les élevages en groupe que dans les stalles individuelles, par suite de la réduction des taux de blessures et de maladies, du premier œstrus qui survient plus tôt, du retour à l’œstrus plus rapide après accouchement, de la diminution du nombre de porcelets mort-nés, et des temps de mise-bas plus courts. Les systèmes de groupes employant des distributeurs électroniques d’aliments (« ESF ») sont particulièrement rentables. » En outre, « le passage des stalles de gestation aux élevages en groupe avec ESF réduit très légèrement les coûts de production et augmente la productivité. »

Par conséquent, pourquoi les industriels se battent-ils ? La vérité, c’est que ce n’est là qu’une scène du grand théâtre des relations symbiotiques existant entre eux et les grandes organisations animalistes. Ces dernières identifient des pratiques économiquement vulnérables ; les industriels résistent ; toute une farce s’ensuit, à l’issue de laquelle les industriels finissent par consentir à opérer des changements dépourvus de sens pour les animaux mais leur rapportant des bénéfices financiers ; les organisations animalistes, à partir de là, crient victoire et lancent des collectes de fonds ; les industriels, loués par les organisations, se mettent à rassurer le public en lui disant qu’ils se « soucient » réellement des animaux. Le public, convaincu, peut alors se sentir « plein de compassion » et continuer de consommer les animaux, en toute tranquillité d’esprit cette fois.
Vous évoquez le point de vue de Joy selon lequel devenir végan « demande un profond mouvement de conscience qui se produit seulement lorsque les gens sont personnellement prêts à le faire. » Quelqu’un a-t-il un jour prétendu le contraire ? Le problème n’est pas de savoir s’il s’agit d’une question de choix moral. Bien sûr que ça l’est. Le problème est de savoir si nous allons argumenter de façon à ce que les gens fassent ce choix moral, ou si nous allons les rassurer en leur disant qu’ils peuvent se décharger de leurs obligations morales envers les animaux en mangeant des produits d’origine animale « heureux » et en consommant de manière « compassionnelle », avec tout ce que cela implique, à la fois sur un plan théorique et pratique.

D’une manière générale, j’ai trouvé déroutant que vous pensiez que nous soyons en mesure de rendre les gens plus réceptifs au message végan en décidant, avec Joy, Cooney et d’autres, que le public n’est simplement pas prêt à entendre des arguments sérieux à propos d’éthique animale. Je ne suis pas d’accord. Je pense que la plupart des gens peuvent très bien comprendre ce genre d’arguments. Le problème est que les groupes animalistes welfaristes ne veulent simplement pas qu’une telle discussion ait lieu. Depuis des années à présent, elles ont fait tout ce qui était possible pour l’étouffer. Vous semblez même croire que ce problème est récent. Il ne l’est pas. Le fait est qu’il fait l’objet d’un débat passionné depuis le début des années 1990. Je reconnais que certains défenseurs ont intérêt à faire croire qu’il s’agit de quelque chose de nouveau. Mais ce n’est pas le cas.

Mon invitation : puisque nous sommes tous les deux universitaires et que nous nous intéressons aux grandes questions, j’estime que nous devons débattre de ces sujets. J’ai créé, en relation avec le site www. abolitionistapproach.com, un podcast, et je vous invite en toute amabilité à me rejoindre pour en discuter.

Cordialement,

Gary

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University

J’espère que le Professeur McWilliams sera heureux de participer à ce débat. De plus amples informations suivront.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione