Archives de l’auteur : Gary L. Francione

Robert Jensen et l’égalité des espèces

Selon le Professeur Robert Jensen, autre penseur progressiste :

« Personne ne croit véritablement à l’équation : ‘Un rat est un cochon est un chien est un garçon’, qui établit l’égalité de toutes les vies (ou tout au moins de toutes les vies mammifères). Pour s’en convaincre : s’il y avait un rat, un cochon, un chien et un enfant humain sur une route, qu’un camion approche et que vous ne pouviez en sauver qu’un seul, lequel choisiriez-vous ? »

Passons le test de Jensen. Même si nous répondons que nous sauverions l’enfant humain, en quoi cela nous renseigne-t-il sur la moralité qu’il y a à manger les animaux et les produits d’origine animale, à utiliser les animaux dans des cirques, des zoos ou des rodéos, ou à porter sur soi les animaux ?

Réponse : en rien.

Pour le concevoir clairement, supposons qu’il y ait, devant le camion, deux humains — une personne extrêmement âgée et un bébé. Même si nous sauvons le bébé, cela signifie-t-il pour autant qu’il est moralement acceptable de manger les personnes âgées, d’en faire des chaussures, de les exploiter dans des cirques, des zoos ou des rodéos, ou de les utiliser comme donneurs d’organes forcés pour sauver les personnes jeunes, et plus généralement de les traiter exclusivement comme des ressources ?

Non, bien sûr que non.

Supposons que les deux humains en face du camion soient deux bébés humains : l’enfant de Jensen et l’enfant d’un autre. Jensen sauverait évidemment son enfant. Cela signifie-t-il pour autant que l’autre enfant a moins de valeur morale et qu’il peut être traité exclusivement comme ressource ?

Non, bien sûr que non.

En outre, lorsque nous décidons quoi manger ce soir, nous ne sommes en aucun cas dans une situation analogue à la situation du style ou/ou postulée par Jensen. Si, comme le reconnaît Jensen, nous n’avons pas besoin de consommer de produits d’origine animale, alors nous ne sommes pas soumis à une compulsion dictée par la nécessité vitale qui nous ôterait tout choix. Si nous mangeons de la viande, des produits laitiers ou des œufs quand nous pouvons choisir de manger des légumes, des fruits, des céréales, des légumineuses et des noix, alors nous participons à la souffrance et à la mort des animaux simplement pour satisfaire notre plaisir gustatif. Si les animaux comptent moralement, leur infliger souffrance et mort pour une raison aussi éminemment frivole que le plaisir gustatif est injustifiable.

Jensen ignore tout simplement la question même que nous devons nous poser, à savoir : pouvons-nous justifier le spécisme ? Si, en 1830, vous aviez demandé à un Blanc qui il sauverait de la mort — un autre Blanc ou un Noir —, sa réponse n’aurait fait aucun doute. En fait, il n’aurait même pas compris la question, qu’il aurait jugée démente. Par conséquent, nos intuitions morales sont assurément le moins fiable des guides, le problème étant que celles-ci sont affectées et contaminées par des préjugés invasifs que nous ne semblons pas être en mesure d’expliquer ou de justifier rationnellement.

Quand je dis que tous les êtres sentients sont égaux, ce que j’entends par là est que si un être est sentient, alors cela exige de nous que nous donnions une raison morale irréfutable afin de justifier ou d’excuser le fait que nous infligions, à cet être, souffrance et mort. Je maintiens que mon point de vue ici est non seulement indiscutable, mais que la plupart des gens, en réalité, le partagent.

Ce que nous devons bien voir est que le plaisir, le divertissement ou le confort ne sauraient par définition constituer ces « raisons morales irréfutables » qui permettraient de justifier ou d’excuser le fait de manger, porter ou exploiter les animaux. Cela nous mène nécessairement à la conclusion que, dès le départ, l’exploitation animale est, à 99,99 %, injustifiable sur le plan moral.

Robert Jensen est généralement progressiste. En tant que tel, il se doit de repenser radicalement sa vision de l’éthique animale. J’espère qu’il réfléchira au fait que si nous donnions tous les grains et céréales avec lesquels nous nourrissons le « bétail » directement aux êtres humains, alors nous réduirions drastiquement la faim dans le monde. Pour produire 500 g de viande, plusieurs livres de protéines végétales sont nécessaires ; il faut beaucoup plus de litres d’eau pour produire 500 g de viande que 500 g de pommes de terre. Franchement, si Jensen pensait que les animaux n’ont aucune valeur morale et s’il accordait seulement cette valeur morale aux humains, même alors, il devrait, au nom de ses propres principes, embrasser un régime végan.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2013 Gary L. Francione

C’est vraiment très simple

Si vous n’êtes pas végan, alors vous participez directement à l’exploitation animale.

C’est aussi simple que ça.

Si les animaux sont des personnes morales, alors il n’y a qu’un seul comportement rationnel à adopter : devenir végan.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
© 2013 Gary L. Francione

Ma participation à « The Conversation »

Il existe un projet intéressant nommé The Conversation: In Search of the New Normal. Ce projet est en partie décrit ainsi :

The Conversation explore les visions de notre futur et la question du bien. Si vous mélangiez un projet de documentaire audio, un dîner et des sciences humaines numériques dans un burrito médiatique géant, c’est ce que vous obtiendriez :

D’avril à décembre 2012, Aengus Anderson a voyagé en Amérique et enregistré de longues conversations libres avec un échantillon représentatif de penseurs et d’initiateurs, des transhumanistes aux néoprimitifs, des agriculteurs urbains aux musiciens. Les conversations obtenues étaient très hétéroclites mais unifiées par quelques thèmes : critiques du présent, espoirs pour le futur et discussions sur ce que chaque penseur considère comme « le bien ». Les résultats peuvent ne pas donner de réponses existentielles, mais vous entendrez des discussions approfondies et souvent provocatrices émergeant d’une cacophonie d’idées.

Dans chaque épisode, vous pourrez (presque toujours) entendre des conversations authentiques plutôt que des monologues passe-partout. En même temps, le projet lui-même est une conversation unique divisée en épisodes. C’est parce que, contrairement à la plupart des séries d’interviews, Aengus parle aux penseurs des idées des uns et des autres. Ce qui donne à The Conversation une qualité autoréférentielle qui s’enrichit à mesure que progresse la série.

J’ai été l’une des personnes qu’Aengus Anderson a interviewée. Nous avons parlé des droits des animaux, de la non-violence, de la moralité en général, etc.

L’interview est accessible ici.

Une fois l’interview terminée, Anderson et son collègue Neil Prendergast en ont discuté. J’ai répondu à leurs commentaires ici.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2013 Gary L. Francione

Un mot sur « Je ne peux pas » versus « Je choisis »

De nombreux végans disent : « Ce n’est pas que je ne peux pas consommer de produits d’origine animale ; j’ai simplement choisi de ne pas en manger ». Ils s’inquiètent du fait qu’il soit négatif de dire qu’il y a quelque chose qu’ils « ne peuvent pas » faire.

Bien que je le comprenne, cela n’a vraiment pas grand sens.

Oui, bien sûr, je pourrais choisir de manger, porter ou utiliser des produits d’origine animale. Mais en tant que végan, je choisis de ne pas le faire. Mais c’est parce que je pense qu’il y a des principes moraux et des règles qui contraignent mon comportement et m’obligent à ne pas le faire. Par exemple, comme je suis un réaliste moral, je considère le principe selon lequel « il est moralement injuste de tuer un autre être sentient en l’absence de conflit ou de contrainte réels » comme exprimant une proposition véridique. Par conséquent, je ne peux vraiment pas choisir d’utiliser des produits d’origine animale si je reconnais la validité de ces principes moraux (et les règles que j’en tire) et les considère comme fournissant la raison de mes actions.

Je pense que la racine du problème est que certains végans refusent de reconnaître qu’il existe des vérités morales exigeant que nous agissions de telle ou telle manière. A leurs yeux, le véganisme représente seulement certaine expression non contraignante de « compassion » ou d’autre chose. Or, tel que je le vois, nous sommes moralement tenus d’être végans. Ce n’est pas une question de choix dans le sens de dire qu’il n’y a pas de bonne réponse et que choisir d’être « compassionnel » relève simplement d’un choix individuel. Il y a une bonne réponse. L’exploitation animale est moralement injuste. Par conséquent, je ne peux pas choisir d’exploiter les animaux dès lors que je veux adhérer à ces principes moraux.

Donc, quand je dis que je choisis de ne pas manger, porter ou utiliser les animaux, cela signifie que mon choix est contraint par les principes moraux qui condamnent nécessairement l’exploitation animale. Je choisis de ne pas commettre de tels actes parce que ces principes moraux m’y obligent. Le fait d’exploiter n’est, en revanche, pas un choix qui dériverait d’autres choses auxquelles je crois. Si je me soucie d’éthique, alors je ne peux pas choisir d’exploiter les non-humains.

Faire la chose juste parce que l’on choisit d’agir conformément à un principe moral exigeant cette chose juste est certes compatible avec le fait de dire : « Je choisis de faire X » ou « Je ne peux pas choisir de ne pas faire X ». Mon avis est que chaque locution est bien. Cependant, cela me trouble dans la mesure où ces distinctions reflètent un rejet du réalisme moral, lequel rejet est endémique dans le « mouvement ». Chaque fois que l’on me pose la question, je réponds toujours que je choisis de ne pas exploiter les animaux nonhumains pour des raisons morales qui me mettent dans l’impossibilité d’agir différemment. Je promeus toujours l’idée que c’est une question de vérité morale. Autrement, c’est juste vu comme une simple opinion ou un jugement esthétique, ce qui n’est, en ce qui me concerne, pas le cas.

En résumé, il me semble que « je ne peux pas dire je ne peux pas » est une façon de vendre le véganisme comme une sorte de mode de vie « compassionnel » optionnel plutôt que comme base morale. Mais si les animaux ont une valeur morale, alors le véganisme est la seule réponse rationnelle afin de respecter cette valeur morale. Il constitue une obligation morale et non un choix optionnel de mode de vie.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
© 2013 Gary L. Francione

Approche Abolitionniste et Farm Sanctuary débattent de la « viande heureuse », de l’abolition et des réformes de bien-être

Introduction

J’ai accepté de discuter de la « viande heureuse », de l’abolition et des réformes de bien-être avec Bruce Friedrich, autrefois à PETA et désormais aux côtés de Farm Sanctuary. Ce débat a été originellement commandé par un magazine dont nous tairons le nom, qui a refusé de le publier au prétexte que je ne serais pas d’accord avec certains changements effectués qui altéraient ce que j’avais dit.

La discussion se déroule comme suit : je donne un discours d’ouverture auquel répond Bruce. L’allocution liminaire de Bruce est suivie de ma réponse. Les voici tels que nous les avons exactement soumis au magazine. Le seul changement est que Bruce a préféré utiliser les prénoms, et qu’en conséquence, j’ai changé « Friedrich » en « Bruce ».

Discours d’ouverture de Gary L. Francione

Le mouvement moderne de protection animale est divisé.

Il y a les réglementaristes, qui se concentrent essentiellement sur le traitement des animaux nonhumains et qui, plus généralement, promeuvent et soutiennent : (1) les réformes de bien-être dont ils prétendent qu’elles rendront le traitement des animaux plus « humain », telles que les cages « enrichies » pour les poules ; (2) les campagnes ciblées, comme les campagnes anti-fourrure et anti-foie gras ; et (3) la « consommation compassionnelle » via l’acceptation des produits d’origine animale « heureux », tels que ceux qui satisfont aux normes « Compassion pour les Animaux » de Whole Foods.

Certains réglementaristes affirment que ces mesures mèneront progressivement à l’abolition de l’utilisation des animaux à un moment donné du futur. D’autres ne recherchent pas cette abolition définitive ; ils ne considèrent pas l’utilisation des animaux comme mauvaise en soi, leur objectif se bornant seulement à assurer à ceux-ci un traitement « humain ».

Les réglementaristes s’opposent, parfois avec véhémence, à la promotion du véganisme comme base morale fondatrice. Dans la mesure où ils la font, ils présentent le véganisme comme un moyen de réduire la souffrance, avec les œufs de poules « hors cage », le porc « sans box » et d’autres produits « heureux » du même acabit. Peter Singer, le principal universitaire partisan du réglementarisme, caractérise même le fait d’être un végan cohérent de « fanatique », et dit que nous pouvons « manger éthique » si nous évitons les produits issus des élevages industriels au profit d’ « une quantité modérée de produits biologiques issus d’animaux élevés en pâturages ».

Et il y a les abolitionnistes qui considèrent que toute utilisation des animaux est mal, et ce indépendamment de la sorte de traitement que ces derniers subissent. Les abolitionnistes rejettent les réformes de bien-être, les campagnes ciblées et la « consommation compassionnelle ». Ils font la promotion du véganisme comme impératif moral et comme un choix de ne pas participer à l’exploitation animale. Ils cherchent à construire un mouvement populaire de végans éthiques.

Les grosses associations animalistes sont, en grande partie, réglementaristes.

Les abolitionnistes rejettent la position réglementariste parce qu’ils croient que si les animaux importent moralement, nous ne pouvons justifier aucune utilisation de ces derniers, quand bien même elle serait « humaine ». Mais les abolitionnistes rejettent également le réglementarisme pour trois raisons pratiques.

La première, c’est que les mesures de bien-être fournissent peu, sinon pas, de protection significative aux intérêts des animaux. Cela tient à ce que ceux-ci sont des propriétés et que cela coûte de l’argent de protéger leurs intérêts. En conséquence de quoi, les normes de bien-être resteront toujours basses. Nous avons des normes de bien-être depuis maintenant deux siècles et nous exploitons aujourd’hui plus d’animaux, et de manières plus horribles, qu’à aucun moment de l’histoire humaine.

Il n’est pas vrai que les réformes de bien-être entraînent, pour l’industrie, des coûts importants, lesquels reflèteraient une reconnaissance sociale de la valeur inhérente des animaux. Au contraire, un grand nombre de ces réformes augmentent en réalité le rendement de production. Par exemple, selon HSUS, qui, avec PETA, fait la promotion de l’abattage par atmosphère contrôlée (AAC) des volailles, l’AAC « a pour résultat d’économiser de l’argent et d’augmenter les revenus en diminuant les déclassements de carcasses, les contaminations et les coûts de réfrigération, en augmentant la production de viande, sa qualité et sa durée de vie, et en améliorant les conditions de travail des ouvriers ». On lit aussi qu’ « une usine traitant un million de poulets à rôtir par semaine avec une moyenne de carcasses préparées pesant 2 kg et un prix de gros de 0,6 € par livre augmenterait son revenu annuel de 1,39 million d’euros après adoption de l’AAC. »

La deuxième, c’est que les mesures de bien-être animal rendent les gens plus à l’aise par rapport à l’exploitation animale, et qu’elle les encourage en réalité à la poursuivre en leur faisant croire qu’ils peuvent se décharger de leurs obligations morales envers les animaux sans cesser de les utiliser dans leurs vies personnelles. Que pouvons-nous attendre d’autre quand des groupes comme PETA font l’éloge de McDonalds sous prétexte que McDonalds « montre le chemin » dans le traitement et l’abattage des animaux, ou décernent des prix à certains concepteurs d’abattoirs ? Les campagnes de bien-être et les projets de labels « heureux » créent en réalité des partenariats inquiétants entre l’industrie et le milieu de la défense animale.

La troisième, c’est que les abolitionnistes rejettent les campagnes ciblées en ce qu’elles laissent entendre que certaines formes d’exploitation sont pires que d’autres. Or, la fourrure, par exemple, n’est en rien pire que le cuir ou la laine, et il est faux de prétendre le contraire.

Les abolitionnistes voient la défense animale comme un jeu à somme nulle. Chaque seconde et chaque centime consacrés à rendre l’exploitation plus « humaine » ou à des campagnes ciblées, sont autant de temps et d’argent perdus pour l’éducation végane/abolitionniste.

Posons que vous ayez demain deux heures à consacrer à la défense animale. Vous avez un choix à faire. Vous pouvez distribuer de la documentation incitant les gens à consommer des œufs de poules « hors cage », ou de la documentation invitant ces mêmes personnes à ne pas manger d’œufs du tout puisque les œufs « hors cage » impliquent toujours l’exploitation, l’extrême souffrance et la mort des poules. Vous ne pouvez distribuer les deux types de documentation. Si vous le faisiez, les messages que vous enverriez seraient contradictoires et profondément déroutants.

Pour toutes ces raisons, les abolitionnistes estiment que nous devons cesser de promouvoir l’idée selon laquelle il existerait une « façon bonne » d’exploiter les animaux. Le fait est qu’il n’y en a pas. Nous devons sensibiliser les gens au véganisme, et construire un mouvement végan qui puisse préparer et produire des changements significatifs dans le futur.

Réponse de Bruce Friedrich :

Le véritable abolitionnisme est plus astucieux que cela

Gary donne une mauvaise interprétation des idées de Peter Singer et PETA, et il a tort quand il prétend que les abolitionnistes refusent les réformes de bien-être et les campagnes ciblées. Oui, les abolitionnistes font la promotion du véganisme comme base morale fondatrice, mais la plupart d’entre nous soutiennent également les campagnes ciblées et les réformes de bien-être.

Par exemple, tous les groupes abolitionnistes qui défendent le plus le véganisme (Mercy for Animals, Vegan Outreach, PETA, COK, the Humane League, Farm Sanctuary) soutiennent à la fois les campagnes ciblées et les lois sur le bien-être afin de mettre hors-la-loi les pratiques d’élevage cruelles. Nous les soutenons parce qu’ils réduisent la souffrance et la consommation de viande, et nous rapprochent de la libération animale.

Les réformes de bien-être réduisent la souffrance

Il est difficile d’imaginer quelque chose de pire que de passer sa vie entassé dans une stalle de gestation ; tandis que nous militons pour un véganisme total dans la société, c’est une chose pleine de sens pour les cochons bloqués en stalles que de les faire aller dans des élevages en groupe, où ils peuvent bouger et interagir avec les autres cochons. Si vous étiez une truie enceinte dans une stalle, vous désireriez cela.

De même, 9 milliards de poulets sont déversés des stalles, électrocutés et ont la gorge tranchée — tout cela en étant toujours conscients. Des millions d’entre eux sont ébouillantés vifs. S’il se trouvait des êtres humains innocents n’ayant aucun espoir d’éviter l’exécution, les défenseurs des droits de l’homme se battraient afin de rendre leur mort aussi indolore que possible — preuve en est que, précisément, cette bataille a été menée par le mouvement contre la peine de mort quant aux méthodes particulièrement cruelles d’exécution.

Les réformes de bien-être réduisent la consommation de viande et nous conduisent à la libération animale

Autre exemple : les pays de l’UE qui ont interdit les cages de batterie ont vu décliner la consommation d’œufs, contrairement à ceux qui ne l’ont pas fait. Et une étude parue dans le Journal of Agricultural Economics a exposé en détail le fait que la couverture médiatique qui a accompagné les campagnes de bien-être animal centrées sur les systèmes de confinement spécifiques a conduit à une réduction de la consommation de l’ensemble des produits d’origine animale. Ce n’est pas un contre-exemple de ce dont je suis conscient.

De quel côté êtes-vous ?

Gary insinue que les améliorations du bien-être des animaux accroissent les performances des industries, un argument entièrement réfuté par les millions de dollars dépensés par le milieu de l’agriculture animale pour combattre lesdites améliorations. J’en veux pour seul exemple les industries du porc et des œufs, qui ont dépensé 10 millions de dollars afin de tenter de faire échouer la Proposition 2 de Californie (qui criminalisait les cages de batterie, les stalles de gestation et les box pour l’élevage en batterie des veaux) – Proposition 2 que Gary (très malencontreusement à mon sens) a associée, dans son opposition, aux industries de la viande et des œufs.

Conclusion

Le fait que les réformes de bien-être réduisent la souffrance des animaux dont les seules alternatives sont plus ou moins de souffrance, doit suffire pour leur faire gagner le soutien des abolitionnistes intelligents. Ajoutez à cela la preuve empirique que ces réformes réduisent la consommation de viande et changent la société, et vous comprendrez pourquoi l’immense majorité des groupes et des personnes abolitionnistes soutiennent les efforts visant à mettre hors-la-loi les pires abus.

Pour plus de détails, veuillez vous reporter à l’exposé de Nick Cooney, « Welfare Reform and Vegan Advocacy: The Facts », ainsi qu’à l’article de Vegan Outreach, « Welfare and Liberation ». Ces deux documents sont facilement disponibles via votre moteur de recherche.

Discours d’ouverture de Bruce Friedrich

Progrès graduels : bons pour les animaux et la libération animale

A Farm Sanctuary, nous partageons notre existence avec des animaux d’élevage et nous les considérons comme des personnes. Nous ne mangerions pas plus un poulet ou un cochon que nous ne mangerions un chien ou un chat. Chacun d’eux est un individu avec le même éventail d’émotions et de besoins que n’importe quel chien ou chat. Comme l’a remarqué Jane Goodall, « ce sont des personnes à part entière ».

Par conséquent, bien sûr que nous travaillons à éliminer les pires maltraitances commises sur les animaux d’élevage. Ces réformes réduisent la souffrance, font baisser la consommation de viande et nous font progresser sur la voie de la libération animale.

La règle d’or : prendre en considération le point de vue des animaux

Il y a, pour les poules, une différence importante entre la vie en cage de batterie ou la vie sans cage, et, pour les truies, entre les stalles de gestation et les élevages en groupe. Bien qu’il soit exact que les animaux dans les élevages sans cage ou de groupe sont toujours horriblement maltraités, évoluer vers ces systèmes graduellement moins mauvais diminue de manière sensible la souffrance des animaux concernés.

Mettez-vous à leur place : les stalles de gestation mesurent 2 x 0,6 mètres. L’immobilité perpétuelle entraîne le dépérissement des muscles et des os des cochons, de sorte que marcher devient atroce, et que même se lever est douloureux. Parce que les animaux se frottent contre les barreaux, sont allongés dans leurs propres excréments jour et nuit, ils souffrent de douloureuses brûlures d’ammoniaque, et leurs poumons s’irritent à force de respirer de l’air putride. Ils sont constamment affamés puisqu’ils reçoivent environ la moitié de ce qu’ils devraient normalement consommer.

Quand des êtres humains n’ont nul espoir de s’échapper, les militants des droits de l’homme demandent que leurs conditions de détention soient améliorées, même s’ils ne peuvent les faire libérer. Lisez simplement les derniers rapports d’Amnesty International ou d’ACLU sur les personnes qui ne devraient pas être en prison, et les réformes de bien-être que ces groupes réclament. Si un prisonnier politique est soumis à des coups et à de la torture, même si Amnesty ne peut le faire libérer, ils se battront néanmoins pour que la torture cesse — même si les conditions de détention demeureront grotesquement inhumaines. Ils veulent sa libération, mais également moins de maltraitance.

Les défenseurs des droits civiques et des droits des femmes n’ont jamais dit qu’une égalité complète et immédiate était la seule chose pour laquelle se battre. Ils ont combiné une rhétorique puissante, qui a défini leur large vision du changement, avec des batailles politiques durement combattues en faveur d’améliorations graduelles : une fin de l’esclavage puis de la ségrégation, le droit de participer aux élections, une fin de l’asservissement direct, de la discrimination à l’embauche et au salaire, et ainsi de suite — le tout dans le contexte d’un système profondément injuste. Ils ont accueilli chaque réforme comme une étape vers le but final.

Des étapes sur le chemin de la libération

Une fois que la société reconnaît que les animaux de ferme ont des intérêts qui comptent, le principe de cohérence peut jouer, et nous pouvons faire remarquer que si les animaux de ferme ont des intérêts, la société doit reconsidérer le fait de les tuer et de les manger. Les efforts réformistes mènent ainsi à une diminution de la consommation de viande. Et naturellement, les pays dotés des meilleures lois de protection animale sont ceux qui comptent le plus de militants des droits des animaux et de végans. Inversement, les pays qui ne sont pas dotés de telles lois sont ceux qui comptent le moins de militants des droits des animaux et de végans.

Comme l’explique Matt Balls, co-fondateur de Vegan Outreach : « L’évidence montre que les réformes attirent l’attention des non-végétariens sur la question, et persuadent beaucoup d’entre eux à reconsidérer leur éthique et leurs actes. Les groupes animalistes utilisent alors leurs victoires pour gagner en visibilité et faire pression afin d’obtenir de nouvelles réformes. De cette façon, les mesures de bien-être animal tendent à glisser vers l’abolition. »

Conclusion

Vous ne verrez jamais Farm Sanctuary soutenir la consommation de produits d’origine animale. La grande majorité de nos efforts se concentre sur la promotion du véganisme, y compris notre Campagne Compassionate Communities, notre site web, l’ensemble de nos événements et chacune de nos lettres d’information. Farm Sanctuary est une organisation de droits, et nous ne compromettrons jamais cette position.

J’ai personnellement écrit des articles pour le Huffington Post qui exposent sans équivoque possible que la « viande humaine » est une contradiction dans les termes. J’ai débattu de cette question sur les campus des facultés à travers le pays et rédigé cinq pages sur le sujet pour le livre de Jonathan Safran Foer Eating Animals.

Parce que nous sommes une organisation de droits, nous soutenons également l’élimination des pires abus commis sur les animaux de ferme. C’est dans l’intérêt de ceux qui souffrent. C’est dans l’intérêt de notre but à court terme, qui est de réduire la consommation de viande. Et c’est dans l’intérêt de la libération animale.

Réponse de Gary L. Francione

Je ne doute pas de la sincérité de Bruce Friedrich, mais nous avons des manières fondamentalement différentes de penser l’éthique animale.

La promotion de l’exploitation « heureuse »

Bruce déclare que Farm Sanctuary ne défend pas les produits d’origine animale obtenus avec « humanité ». Je ne suis pas d’accord. Par exemple, Farm Sanctuary a signé avec d’autres une déclaration publique reconnaissant « apprécier et soutenir l’initiative pionnière prise par Whole Foods Market de respecter les Standards Farm Animal Compassionate. » (Voir http://bit.ly/eli95N). De telles déclarations présentent clairement l’exploitation « heureuse » comme désirable.

Les groupes de droits des animaux ne doivent jamais s’engager dans le business de la promotion ou de la louange des standards d’exploitation de l’industrie. Les défenseurs des droits des animaux doivent être clairs quant à leur opposition à toutes les formes d’exploitation. Ils doivent envoyer au public un message sans équivoque : que nous ne pouvons justifier moralement quelque utilisation des animaux que ce soit. Ils doivent se concentrer sur un but : la baisse de la demande. Ils ne doivent jamais faire la promotion de la consommation « compassionnelle » (c’est-à-dire de produits obtenus de façon soi-disant « humaine ») qui ne fait que perpétuer la demande et rendre les gens plus à l’aise par rapport au fait de consommer des produits d’origine animale.

Bruce évoque le combat d’Amnesty International contre la torture. Il omet de dire qu’Amnesty International ne décerne pas de prix aux bourreaux ni n’approuve de labels garantissant moins de torture. Il n’en va pas de même des organisations de droits des animaux.

Le véganisme cohérent défini comme « engouement culturel »

Bruce considère le véganisme comme un moyen de réduire la souffrance, non comme un impératif moral. Il va jusqu’à prétendre que le véganisme cohérent implique une idée de « pureté personnelle », qu’il représente un « engouement culturel narcissique » (voir http://bit.ly/T6OD7h). Je ne suis pas d’accord.

Bruce cite Jane Goodall disant que les animaux « sont des personnes à part entière ». Je ne vois pas très bien ce qu’elle entend par là étant donné que, au moins jusqu’à une interview de 2009, Goodall reconnaissait elle-même qu’elle n’était pas végane.

L’inefficacité des réformes de bien-être

Les victoires des réformes de bien-être de la dernière décennie peuvent être résumées facilement : des millions ont été dépensés pour les campagnes de bien-être avec bien peu de bénéfices pour les animaux. Je note que Farm Sanctuary soutient actuellement une loi nationale afin d’introduire progressivement, pour les poules, les cages « enrichies ». Même la très conservatrice Compassion in World Farming reconnaît que les cages « enrichies » ne triomphent pas des « graves problèmes de bien-être » des cages conventionnelles. (Voir http://bit.ly/XTMRZM)

Bruce évoque la campagne contre les stalles de gestation. Les études citées par les défenseurs des animaux démontrent que certaines alternatives à ces stalles diminuent en ré alité le coût de production. L’industrie adoptera de toute façon ces mesures ; aussi ne doivent-elles pas être présentées comme des mesures pour les « droits des animaux ».

Il n’y a pas d’évidence crédible que « les efforts réformistes mènent à une diminution de la consommation de viande ». En revanche, nous lisons tous les jours que des gens recommencent à consommer des produits d’origine animale sous prétexte qu’ils sont produits avec « compassion » ou qu’ils portent un label « humain » soutenu par des organisations animalistes. Et il n’y pas d’évidence factuelle que les réformes de bien-être mènent à l’abolition.

Pour résumer, nous n’avons pas aboli l’esclavage humain en le rendant progressivement « humain ». Jamais nous n’abolirons l’esclavage animal tant que nous ferons la promotion d’une exploitation réglementée. Nous devons déplacer le paradigme en établissant le véganisme comme base morale sans équivoque.

**********
J’inviterai Bruce à faire un podcast sur le sujet au cours de la nouvelle année. J’espère sincèrement qu’il acceptera. Nos divergences sont profondes, mais nous nous efforçons d’en discuter de manière civile.

Gary L. Francione

Professeur, Rutgers University

Addendum (19 janvier 2013)

Le récent article de Bruce Friedrich sur les œufs de batterie conclut :

Jusqu’ici, la seule chaîne d’épicerie nationale à avoir interdit la vente d’œufs de poules élevées en cage est Whole Foods. La seule enseigne de restauration à promettre de les retirer de leurs chaînes d’approvisionnement est Burger King (avant 2007). Ces compagnies méritent d’être applaudies pour de tels progrès. Ce type de cages sera également illégal en Californie en 2015 et dans le Michigan en 2019, et la législation visant à les bannir sera bientôt présentée dans le Massachusetts (si vous vivez dans cet Etat, vérifiez les mises à jour sur FarmSanctuary.org).

A Farm Sanctuary, nous vivons avec des animaux d’élevage, et nous ne les mangerions, eux ou leurs œufs, en aucune circonstance. Nous luttons contre la maltraitance des poules quel que soit le système d’exploitation, y compris les élevages sans cage ou en cage à plusieurs. Mais nous travaillons également dans le but d’abolir les pires abus commis sur les animaux d’élevage, et il est difficile d’imaginer pire que ces cages de batterie minuscules, étroites et stériles où 250 millions de poules sont en ce moment forcées de passer leur vie.

Les cages de batterie doivent disparaître.

Quel message embrouillé.

Comme l’a commenté quelqu’un sur la page Facebook d’Approche Abolitionniste :

Bien, alors que dois-je faire en premier exactement ?… Ne plus soutenir le massacre des poules en devenant végan, ou bien écrire une lettre à Burger King et Whole Foods où je les félicite de continuer à soutenir ce massacre ?

Exactement. J’ajoute qu’un lecteur pourrait aussi conclure qu’il est moralement acceptable de continuer à manger des œufs tant qu’ils viennent de poules « heureuses ».

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University

Débat entre abolitionnistes et réglementaristes d’une autre époque : cela vous semble familier ?

A l’époque de l’esclavage raciste aux Etats-Unis, il y avait ceux qui disaient qu’une telle institution devait être abolie à terme (quoi que cela signifie) mais qui refusaient de la critiquer ouvertement et d’exiger sa fin, préférant militer pour un esclavage plus « humain ».

Et il y avait ceux qui croyaient en l’abolition et refusaient d’avaliser le système esclavagiste de quelque façon que ce soit. Les premiers critiquaient les seconds, clamant que leur refus de suivre le mouvement réglementariste ne ferait que renforcer l’esclavage.

Cela vous semble familier ?

Cette citation de William Lloyd Garrison, un abolitionniste du XIXe siècle, est instructive :

C’est une profonde absurdité que de dire que l’opposition morale sérieuse, persistante et sans compromis à un système d’une immoralité sans bornes renforce ce dernier, et que le moyen d’abolir un tel système est de n’en rien dire !
William Lloyd Garrison (23 avril 1858)

Garrison était clair : si vous vous opposez à l’esclavage, vous arrêtez de participer à cette institution. Point. Vous émancipez vos esclaves. Vous rejetez l’esclavage et vous n’avez pas honte de votre opposition. Vous n’essayez pas de la cacher. Vous exprimez, de façon ouverte et sincère, mais sans violence, votre « opposition morale persistante, sans compromis », à l’esclavage, qui est « un système d’une immoralité sans bornes ».

De même, si vous croyez que l’exploitation animale est une injustice, la solution n’est pas de soutenir l’exploitation « heureuse ». La solution est de devenir végan, d’être clair sur le fait que le véganisme représente, sans équivoque, le principe moral de base, et de s’engager dans une éducation végane créative et non-violente afin de convaincre les autres de ne plus participer à un système d’une « immoralité sans bornes ».

Il aurait été absurde, au XIXe siècle, de prétendre qu’il n’y avait pas de différence entre ceux qui s’opposaient à l’esclavage et ceux qui étaient en faveur de sa réglementation. Il est aujourd’hui absurde de prétendre qu’il n’y a pas de différence entre ceux qui présentent le véganisme comme base morale claire et sans équivoque, et ceux qui promeuvent la réglementation « humaine » de l’exploitation animale et la consommation « compassionnelle », et prétendent qu’être un « omnivore consciencieux » est une « position éthique défendable ».

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

Mon interview sur Philosophy Bites

Philosophy Bites est un site qui diffuse des podcasts d’interviews de philosophes. Philosophy Bites est conçu en partenariat avec l’Institut de Philosophie rattaché à l’University of London’s School of Advanced Study.

Par une belle journée ensoleillée de juillet, j’ai eu le grand plaisir de m’asseoir en compagnie de David Edmonds et Nigel Warburton à l’Université de Londres et de réaliser une interview pour Philosophy Bites.

L’interview a été postée sur le site de Philosophy Bite, et vous pouvez accéder directement au fichier audio ici.

J’espère qu’elle vous plaira et qu’elle vous incitera à réfléchir aux questions relatives à l’éthique animale.

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione

Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

Une réponse à la position de PETA sur l’exploitation « heureuse » ou « humaine »

Ingrid Newkirk, de People for the Ethical Treatment of Animals (PETA), a rédigé une Alerte concernant la position de PETA sur l’exploitation « heureuse ».

Voici ce que dit, en partie, cette Alerte :

PETA a fourni des efforts et continuera de travailler dur afin de réduire la totalité de la souffrance animale dans les industries de la viande, du lait et des œufs — car cela fait pour vous une énorme différence si vous êtes un cochon ou un poulet dans un élevage industriel. PETA a cessé de manifester devant les restaurants Burger King ou McDonald’s lorsque ces compagnies ont accepté les réformes, mais cela ne signifie pas que nous suggérions aux gens de manger de la viande provenant de Burger King ou de nulle part ailleurs — parce que nous savons que chaque bouchée est lestée de souffrance massive. Certes, il est mieux de payer plus pour un œuf provenant d’une poule ayant eu une vie un peu moins affreuse que celle qui a souffert davantage, mais nous devons faire mieux pour les animaux. En fait, il nous reste encore à trouver un élevage industriel « humain » où les animaux n’auront pas la queue coupée ni les oreilles douloureusement entaillées, où ils ne seront pas débecqués, écornés ou castrés sans anesthésie, où ils ne seront pas entassés les uns sur les autres sans air ni lumière, où leurs enfants bien-aimés ne leur seront pas retirés, où ils ne seront pas privés de la compagnie des autres, où ils ne seront pas envoyés en parc d’engraissement ou directement expédiés à l’abattoir avec le traumatisme de la capture, l’horreur du transport ou la terreur de voir les autres animaux se faire tuer avant de subir le même sort.

PETA met en avant le mode de vie végan depuis la création de l’organisation en 1980. Notre devise est la suivante : « Les animaux ne nous appartiennent pas pour l’alimentation, l’habillement, l’expérimentation, le divertissement ou tout autre abus que ce soit. » Grâce à de nombreux livres de cuisine végétalienne, des options de repas disponibles et des programmes tels que le Physicians Committee for Responsible Medicine’s 21-Day Vegan Kickstart et notre très populaire kit végan du débutant, nous pouvons tous aider les animaux — sans rien oublier. Vivre et laisser vivre, et inciter les autres à nous imiter en leur rappelant que, tout comme les êtres humains, les animaux ont des émotions et des besoins.

Il n’y a rien de tel que la viande humaine. Donner aux animaux quelques centimètres de plus d’espace de vie n’est tout simplement pas suffisant. Les animaux méritent mieux. L’élan est de notre côté, mais il revient à chacun d’entre nous de produire ce changement en étant des défenseurs actifs des droits des animaux. Je vous remercie !

Je reconnais avec gratitude qu’Ingrid Newkirk m’a fait découvrir le véganisme. Bien que je fusse devenu végétarien à la fin des années 1970, je consommais toujours des produits laitiers et des œufs, croyant qu’il était nécessaire d’en manger étant donné que je ne consommais pas de viande, de volaille ou de poisson. Je n’avais même jamais entendu le mot « végan » et j’ignorais qu’il était possible de mener une vie saine (moins encore une vie plus saine) sans consommer aucun produit d’origine animale. J’ai rencontré Ingrid tout à fait par hasard en octobre 1982 — cela fait 30 ans ce mois-ci —, et elle a littéralement jeté tous les produits laitiers de mon réfrigérateur ! Depuis cette date, je suis végan. J’apprécie ce qu’elle a fait, et je ne doute aucunement de son engagement pour le véganisme.

Mais PETA, depuis ses premiers jours, a changé de façon spectaculaire. En plus de son flot constant de campagnes sexistes renforçant la vision d’autrui comme marchandise — ce qui est une caractéristique à la fois du sexisme et du spécisme — ainsi que sa position sur le mouvement « no-kill », il n’y a aucun doute sur le fait que PETA soit désormais fortement impliquée dans l’ensemble du mouvement pour l’exploitation « heureuse » ou « humaine ».

PETA délivre des récompenses à divers fournisseurs de viande et produits d’origine animale « heureux » ;

PETA, avec d’autres groupes animalistes, a approuvé avec enthousiasme le programme/label « Animal Compassionate » de Whole Foods.

PETA, en 2004, a décerné un prix à Temple Grandin, la conceptrice des abattoirs « heureux » qu’elle-même dénomme l’« escalier pour le paradis » des systèmes d’abattage.

PETA annonce puis annule le boycottage des exploiteurs institutionnels d’animaux tels que Kentucky Fried Chicken ou Burger King, et loue ces entreprises au nom de leur préoccupation supposée du bien-être animal ;

PETA fait l’éloge de McDonald’s comme étant « vraiment ‘en tête’ dans la réforme des pratiques des fournisseurs de fast-food, dans le traitement et l’abattage des bœufs et des volailles. »

Dire que cela ne constitue pas un soutien à l’exploitation « heureuse » ou « humaine » est tout simplement incorrect.

Newkirk déclare :

PETA a cessé de manifester devant les restaurants Burger King et McDonald’s lorsque ces compagnies ont accepté les réformes, mais cela ne signifie pas que nous suggérions aux gens de manger de la viande provenant de Burger King ou de nulle part ailleurs — parce que nous savons que chaque bouchée est lestée de souffrance massive.

Mais si PETA annule boycottages et protestations, l’organisation n’a pas besoin de « suggérer de manger de la viande provenant de Burger King ou McDonald’s. » Lorsque PETA annonce la fin de l’opposition active, voici le message qu’elle envoie : ceux qui se soucient des animaux peuvent à nouveau fréquenter ces restaurants. Lorsque PETA vante McDonald’s, Burger King, le programme Whole Foods « Animal Compassionate » ou Kentucky Fried Chicken, le message envoyé est très clair. Il n’y a pas besoin de dire : « C’est bien de manger un hamburger. » Ce message est incontestablement implicite lorsque PETA fait l’éloge de la société ou de son programme de labels.

Newkirk semble reconnaître que les réformes de bien-être font très peu pour améliorer le bien-être des animaux. Des efforts de réforme, elle dit qu’ils procurent « une vie un peu moins affreuse » aux animaux et leur « donne[nt] […] quelques centimètres de plus d’espace de vie. » Je suis certainement d’accord avec elle là-dessus.

Mais alors, pourquoi PETA consacre-t-elle la majorité de ses ressources à ces campagnes de réforme du bien-être ? Celles-ci ne constituent pas une mince partie du programme de l’organisation : elles en sont, avec les campagnes ciblées, la pièce maîtresse. En effet, contrairement à sa défense du véganisme — Newkirk évoque le soutien de PETA au « 21-Days Vegan Kickstart et [son] très populaire kit végan du débutant » —, le soutien de l’organisation aux réformes de bien-être et aux campagnes ciblées est écrasant.

Il y a plusieurs années, le vice-président supérieur de PETA, Dan Mathews, a donné une interview dans un restaurant McDonald’s. Le journaliste lui a demandé s’il pouvait commander un cheeseburger. Mathews a répondu : « Commandez ce que vous voulez […]. La moitié de nos membres sont végétariens et l’autre moitié pense que c’est juste une bonne idée. »

Si la moitié seulement des membres de PETA sont végétariens et pas forcément végans, et que l’autre moitié en est encore à manger viande, produits laitiers et autres aliments d’origine animale, il est alors facile de comprendre pourquoi PETA consacre ses efforts à ces campagnes de réforme du bien-être : il est plus facile de s’adresser à des donateurs « compatissants » plutôt qu’à des végans. Par conséquent, PETA continuera de promouvoir les réformes de bien-être car c’est ce que désirent la majorité des membres ; ils veulent pouvoir consommer des produits d’origine animale tout en se considérant par ailleurs comme des défenseurs des « droits des animaux ».

Il y a de nombreuses années, le défunt défenseur des animaux Henry Spira a décrété qu’il allait se rapprocher des exploiteurs institutionnels pour tenter de changer les choses « de l’intérieur ». L’une de ses campagnes consistait à travailler avec l’industrie cosmétique afin de trouver des alternatives à l’utilisation d’animaux vivants pour les tests.

Une défenseuse des animaux, alors, a critiqué Spira :

Il fraie avec l’ennemi. Il y a six ou sept ans, nous avions beaucoup en commun. Tout ce qu’il faisait, nous nous en servions pour préparer le chemin, ce qui était crucial. Mais je pense qu’Henry a été trompé par la réponse de l’industrie. Henry a été incapable de s’affranchir du bourbier d’être devenu un médiateur de l’industrie. La recherche d’alternatives est un stratagème tout à fait transparent pour maintenir le statu quo.

Cette défenseuse des animaux, c’était Ingrid Newkirk. Nous étions en 1989.

La critique qu’elle fit cette année-là de la démarche de Spira s’applique tout à fait à ces campagnes contemporaines qui cherchent à rendre l’agriculture animale plus « humaine » : elles exigent que les organisations animalistes deviennent des « médiateurs de l’industrie » au sein d’un « stratagème tout à fait transparent pour maintenir le statu quo. »

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Si vous n’êtes pas végan, s’il vous plaît, devenez-le. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione

La fin et les moyens

Certains prétendent qu’il n’y a pas de réelle différence entre :

A. quelqu’un qui soutient que nous devrions abolir l’exploitation animale, et que le moyen d’y parvenir est la promotion du véganisme comme principe moral fondamental ainsi que le rejet de l’exploitation « heureuse »

et

B. quelqu’un qui dit espérer voir un jour la fin de l’ensemble (ou de la plus grande part) de l’exploitation animale, et que le moyen d’y parvenir est l’exploitation « heureuse » ainsi que les réglementations sur le bien-être animal.

Mais cela revient à dire qu’il n’y a pas de différence entre :

A. quelqu’un qui veut la paix dans le monde et promeut la non-violence dans nos rapports les uns avec les autres comme un moyen d’atteindre cette finalité

et

B. quelqu’un qui dit avoir la paix comme objectif, mais promeut l’usage de la guerre pour parvenir à cet état de paix.

Dire que ces différences relèvent uniquement d’un choix stratégique suppose que les moyens n’ont pas à être cohérents avec la finalité, et qu’ils peuvent même être incohérents. Il serait donc bien de promouvoir l’exploitation animale « heureuse » pour parvenir à une (supposée) non-exploitation ; il serait bien de promouvoir la guerre pour parvenir à la paix.

Je suggère, en mettant de côté la question de savoir si l’exploitation « heureuse » permettrait d’arriver à la non-exploitation, ou si la guerre parviendrait réellement à établir la paix, que le fait de considérer ces différences comme de simples questions de stratégie revient à ignorer les différences fondamentales qui sont en jeu.

Les dirigeants du monde qui font la guerre prétendent toujours vouloir instaurer une paix durable. Je suis tout à fait certain que nombre de ces dirigeants, sinon tous, souhaitent réellement la paix dans la monde. Mais dire que nous ne pouvons distinguer Staline de Gandhi est, je pense, une erreur.

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Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2012 Gary L. Francione