Archives de l’auteur : Gary L. Francione

Test à choix multiples

Chers Collègues :

Je viens juste de recevoir un avis du Septième Congrès Mondial Annuel sur les Alternatives et l’Utilisation des Animaux dans les Sciences de la Vie (Seventh Annual World Congress on Alternatives and Animal Use in the Life Sciences), qui se tiendra à Rome, en Italie, du 30 août au 3 septembre 2009.

Jetez-y un œil. Puis répondez aux questions suivantes :

Cette conférence :

(A) constitue un grand événement parce qu’elle aidera les animaux

(B) constitue une grosse excuse pour les directeurs commerciaux des grandes organisations de bien-être animal d’utiliser l’argent des donateurs pour se payer du bon temps à Rome à une période particulièrement agréable de l’année

(C) fournit la preuve irréfutable des rapports symbiotiques qui se sont développés entre les exploiteurs institutionnels des animaux et les sociétés commerciales de bien-être animal.

(D) fournit d’énormes bénéfices sur le plan des relations publiques aux exploiteurs institutionnels des animaux, qui peuvent ensuite se prévaloir du fait de travailler aux côtés de la HSUS, la RSPCA, l’ASPCA, etc..

(E) (B), (C), (D) sont toutes des réponses correctes.

Pour la réponse correcte, faites appel à votre bon sens.

Gary L. Francione
© 2009 Gary L. Francione

Le cas Santería : Michael Vick, 2e partie

Chers Collègues :

De nombreuses personnes s’avèrent très mécontentes d’une récente décision de la Cour d’Appel des Etats-Unis pour le Cinquième Circuit, Merced v. Kasson, dans laquelle la Cour a enjoint les fonctionnaires de la ville d’Euless, Texas, à faire respecter divers règlements afin que les pratiquants de la Santería (« Santéros ») aient le droit de sacrifier des animaux tels que chèvres, agneaux, canards, poulets et pintades. Les Santéros offrent le sang des animaux à leurs dieux, puis préparent et consomment au moins une partie de ces animaux. La Cour fédérale n’a pas jugé l’affaire sous la Constitution fédérale mais sous une loi d’Etat garantissant la liberté religieuse (bien que la décision eût probablement été la même si les faits avaient été analysés sous la Constitution fédérale).

La question morale que soulève cette affaire est comparable à celle que présente le cas Vick. Dans la mesure où des différences existent, celle-ci est en réalité plus ardue que l’affaire Vick. A Euless, il est explicitement légal pour des individus de tuer « des pintades domestiques considérées comme de la nourriture courante, au même titre que des poulets ou des dindes. » En réponse à l’argument selon lequel abattre un plus gros animal comme une chèvre peut présenter des risques pour la santé, la Cour a fait remarquer que les gros animaux, tels les cerfs, peuvent être égorgés et vendus à Euless pourvu qu’ils soient morts lorsqu’ils sont amenés à l’intérieur de la ville.

Par conséquent, si vous tuez des « pintades domestiques » parce que vous voulez les manger, ça va. Si vous les tuez parce que vous voulez les offrir à une divinité (et ensuite les manger), alors ça ne va plus. Si vous tuez un cerf à l’extérieur d’Euless et l’y amenez pour l’égorger, ça va. Si vous tuez et égorgez la chèvre à l’intérieur d’Euless en tant que partie d’une cérémonie religieuse, ça ne va plus.

Il s’agit là bien sûr d’un non-sens.

Merci de bien comprendre ce que je suis en train de dire. En tant que vegan depuis 28 ans et en tant que partisan de l’Ahimsa ou non-violence, je n’approuve certainement pas les sacrifices de la Santería, pas plus que je n’approuve les combats de chiens. (A ce propos, en 1983, je représentais l’ASPCA à New York lorsqu’elle a été poursuivie en justice par un groupe local de Santéros. Je crois bien que c’était la première affaire Santería jamais jugée aux Etats-Unis. L’ASPSA a gagné le procès et j’ai défendu avec succès cette décision avant la Cour Suprême de New York, Division Appellate.)

Mais pour les gens qui ne sont pas vegans et qui s’opposent aux sacrifices de la Santería ou aux combats de chiens, ma question est : « Pour quelle raison ? » Michael Vick a pris du plaisir à s’asseoir autour d’une fosse dans son arrière-cour pour regarder des chiens se battre ; les non-vegans, eux, prennent plaisir à s’asseoir autour de leur barbecue pour y rôtir la chair d’animaux torturés tout autant que les chiens de Vick. Les non-vegans d’Euless, Texas, consomment des produits provenant d’êtres sentients élevés et massacrés dans des conditions de torture, et on les autorise même à tuer leurs propres poulets, dindes et autres pintades domestiques.

Par conséquent, en quoi les actes des Santéros diffèrent-ils des actes des autres non-vegans d’Euless, Texas, ou de n’importe où ailleurs ?

La réponse, bien sûr, est : en rien.

En effet, la meilleure justification que les non-vegans possèdent pour infliger souffrance et mort à 53 milliards d’animaux chaque année pour la nourriture (ce chiffre n’incluant pas les poissons) est qu’ils ont bon goût. Nous n’avons pas besoin de manger les animaux pour avoir une santé optimale, et l’agriculture basée sur l’exploitation animale représente un désastre environnemental. Les Santéros croient, pour des raisons spirituelles, en la nécessité du sacrifice d’animaux. En fait, ils ont une meilleure raison pour exploiter les animaux que la plupart des non-vegans.

Une fois encore, merci de bien comprendre ma pensée. Je ne suis pas en train de dire que les sacrifices d’animaux sont moralement justifiables ou excusables ; je dis simplement que la justification avancée par les Santéros est, à première vue, plus forte que celle des non-vegans lorsqu’on leur demande de légitimer leur consommation de produits d’origine animale.

Ainsi, pour ceux d’entre vous qui ne sont pas vegans mais qui sont contrariés par l’affaire Merced v. Kasson, demandez-vous pourquoi vous êtes contrariés. Demandez-vous la raison pour laquelle vous estimez que votre conduite est plus défendable que celle des Santéros.

Et si vous êtes vegan et que vos amis ou votre famille vous disent que bien qu’ils ne soient pas vegans, ils sont d’accord avec vous pour condamner les sacrifices de la Santería ou les combats de chiens, utilisez cette opportunité pour avoir une discussion sincère avec eux sur les raisons pour lesquelles ils considèrent ces pratiques comme terribles, et quelles différences ils établissent entre leur propre comportement et celui des Santéros.

La réalité est que la plupart des gens – ou tout au moins beaucoup de gens – se soucient de la souffrance et de la mort des animaux. Ils pensent sincèrement que les combats de chiens et les sacrifices de la Santería sont quelque chose de mal. C’est précisément la raison pour laquelle ils réagissent de la manière dont ils le font en ce qui concerne ces pratiques. Et c’est aussi précisément la raison pour laquelle je crois que si nous nous lançons dans une éducation végane créative et non-violente, nous pouvons amener beaucoup de gens à voir la confusion qui préside à leur propre raisonnement quant à l’éthique animale, et à évoluer en direction du véganisme.

Gary L. Francione
© 2009 Gary L. Francione

Il est temps de changer

Chers Collègues :

L’idéologie du bien-être animal – autrement dit la théorie selon laquelle nous devons traiter les animaux « avec humanité » – est à l’œuvre depuis 200 ans. Nous exploitons pourtant aujourd’hui davantage d’animaux et plus horriblement que nous ne l’avons fait au cours de toute notre histoire.

Au XIXe siècle, les concepteurs de l’idéologie du bien-être s’opposaient à l’esclavage humain, mais jamais au statut de propriété des animaux, parce qu’ils estimaient que bien que les animaux souffrent, ceux-ci n’ont pas d’intérêt à vivre – autrement dit, qu’ils se moquent du fait que nous les utilisions, se souciant seulement de la manière dont nous les utilisons. Selon les welfaristes, les animaux n’ont pas conscience d’eux-mêmes, et n’ont donc pas d’intérêt à poursuivre leur existence ; ils ont seulement un intérêt à ne pas endurer de mort douloureuse.

Ainsi les welfaristes du XIXe siècle, s’ils préconisaient l’abolition de l’esclavage humain, ne réclamaient pas celle de l’esclavage animal. Au lieu de cela, ils militaient pour obtenir des lois exigeant le traitement « humain » des animaux. Ce dont ils n’avaient pas pris conscience, cependant, était qu’aussi longtemps que les animaux resteraient des propriétés, le niveau de protection fourni par ces lois resterait nécessairement très bas, pour la bonne raison que protéger les intérêts des animaux coûte de l’argent. D’un point de vue général, nous ne dépenserons cet argent et ne protégerons les intérêts des animaux que s’il y a un bénéfice économique à réaliser en agissant de la sorte.

A l’heure actuelle, rien n’a changé.

Les welfaristes du XXIe siècle soutiennent toujours que les animaux n’ont pas d’intérêt à vivre, et que les tuer ne soulève pas en soi un problème moral. Peter Singer, le héraut moderne de la théorie du bien-être, le déclare explicitement. Cette opinion selon laquelle les animaux n’ont pas d’intérêt à poursuivre leur existence explique pourquoi PETA n’a aucun problème à tuer 90% de ceux qu’elle sauve. Selon les welfaristes, la mort n’est pas un « mal » en elle-même.

Et, dans l’ensemble, les règlements en matière de bien-être animal améliorent seulement le rendement économique de l’exploitation des animaux. En d’autres termes, nous protégeons les intérêts de ces derniers uniquement si nous en retirons un bénéfice économique. Les campagnes en faveur du bien-être animal, telles celles pour l’abattage/étourdissement par atmosphère contrôlée des volailles, ou pour la suppression des caisses de gestation, sont basées explicitement sur la rentabilité économique. C’est-à-dire que ces réformes sont promues pour la seule raison qu’elles amélioreront le rendement productif.

Après 200 ans d’application d’une doctrine ouvertement spéciste qui pose que la vie d’un animal nonhumain n’a en soi aucune valeur morale et qui a démontré son inutilité dans la pratique, j’estime qu’il est temps de changer.

Gary L. Francione
© 2009 Gary L. Francione

L’éducation au véganisme créative et non-violente : facile et efficace

Chers Collègues :

J’ai publié récemment plusieurs billets (par exemple, 1, 2, 3) sur une éducation au véganisme variée, créative et non-violente. Je m’intéresse minutieusement à l’éventail de choses que les militants peuvent réaliser à cette fin. Par conséquent, j’ai fait paraître une note sur Facebook demandant aux gens de me parler de leurs efforts pour promouvoir une éducation au véganisme abolitionniste créative et non-violente. En un jour, j’ai reçu des douzaines d’excellentes réponses.

En voici quelques-unes :

* De nombreuses personnes déclarent avoir sensibilisé le public avec succès via Facebook et d’autres sites de réseaux sociaux, aussi bien qu’à travers les sites web, les blogs et les vidéos. Remarque : les sites de réseaux sociaux, les sites web, les blogs et les vidéos sont d’une valeur inestimable. J’ai dans le passé parlé des efforts remarquables et du succès extraordinaire du podcast Vegan Freak et des forums, aussi bien que des efforts d’autres militants utilisant efficacement l’Internet. Il existe désormais plusieurs blogs et sites excellents qui se concentrent sur l’approche abolitionniste. Avant que l’Internet fasse son apparition, les grands groupes de protection animale, qui étaient tous welfaristes, contrôlaient la communication en décidant du contenu de leurs newsletters et de leurs magazines, ainsi que des personnes invitées à leurs conférences. Il n’y avait aucun moyen pratique et rentable pour ceux qui étaient en désaccord avec l’approche welfariste de se retrouver et de communiquer. L’Internet a changé tout cela. Les grosses organisations sont en train de devenir de moins en moins pertinentes à mesure que se créent des communautés alternatives. En outre, des mécanismes tels que Skype et d’autres outils nous permettent d’avoir des contacts audio et visuels à peu ou pas de frais. La semaine dernière, j’ai donné une conférence à Dublin par Skype – de mon bureau !

* Un nombre important de personnes font ce que j’appelle de l’« activisme alimentaire ». Elles invitent leur famille, des amis ou des membres de la communauté à découvrir la nourriture végane, afin de mettre à bas le mythe selon lequel celle-ci serait ennuyeuse, peu attrayante, insipide, insuffisante, etc. Elles le réalisent dans une large variété de contextes : certaines organisent des soirées à domicile ; d’autres mettent sur pied des fêtes d’anniversaire dans des restaurants végans, ou insistent pour que lorsqu’elles vont dîner avec d’autres, la sortie ait lieu dans un restaurant végan ; certaines proposent des échantillons de nourriture sur des tables lors d’événements locaux au sein de la communauté, ou apportent de la nourriture végane sur leur lieu de travail afin de la partager avec leurs collègues. Plusieurs personnes ont mentionné qu’elles accompagnaient la nourriture de documentation ou d’autres supports d’information (dont nos vidéos et pamphlets Approche Abolitionniste), afin de toucher non seulement l’estomac, mais aussi l’esprit (et, je l’espère, le cœur) des gens. Remarque : l’ « activisme alimentaire » est extrêmement important. Nous vivons dans un monde où le fait de manger n’est pas simplement un acte que nous accomplissons pour vivre ; manger est symbolique à de multiples niveaux complexes. L’un de ces niveaux implique la célébration de notre supposée « supériorité ». Trois (ou plus de trois) fois par jour, nous célébrons notre puissance et le concept de hiérarchie en mangeant la chair des animaux et en consommant des produits d’origine animale, dont nous savons qu’ils sont le résultat de la mort et de la souffrance. D’une certaine façon, l’acte de manger représente pour la plupart d’entre nous un acte spirituel de sombre nature – il est l’eucharistie de la violence. Si nous parvenons à libérer l’acte de manger du concept de violence, alors nous changeons le monde. L’ « activisme alimentaire » est essentiel.

* Un militant a annoncé qu’il travaillait avec d’autres personnes à l’organisation d’une Conférence Mondiale sur le Yoga et la Paix du 23 au 25 octobre, avec des gens venus du monde entier pour apprendre le véganisme et en discuter, ainsi que de l’esclavage animal, de la santé, du pacifisme, de l’Ahimsa et plus encore. Remarque : bien qu’il y ait pléthore de « conférences animales » auxquelles assister (se rendre à ces conférences peut même constituer un travail à plein temps), très peu d’entre elles propagent un message clair et sans équivoque sur les liens qui unissent nécessairement le véganisme et la non-violence.

* Un autre militant, musicien, s’apprête à mentionner le véganisme sur le texte de pochette de son prochain album ; un autre encore, artiste celui-là, a offert une de ses œuvres à un non-végan contre l’engagement par ce dernier de devenir végan pendant un mois (et par « végan », il entend que le récipiendaire ne consommera, ne portera ni n’utilisera les nonhumains d’aucune manière, qu’il ne fréquentera pas les zoos, etc.) ; une autre militante a signalé qu’elle et son partenaire s’étaient assis dans une petite cage durant trois jours dans un lieu public, et qu’ils avaient distribué de la documentation sur le fait que tous les œufs impliquent de la souffrance, encourageant les gens à devenir végans. Remarque : l’art, y compris le théâtre de rue non-violent et non-sexiste, est important car l’art véhicule une part immense de notre culture. L’importance des artistes usant de leurs différents moyens d’expression afin de porter le message végan/abolitionniste est inestimable.

* Un militant a signalé qu’il développait un réseau de personnes qui composeraient le numéro vert d’une chaîne de supermarchés afin de demander à ce que du tofu soit stocké dans les magasins. Ce même militant déclare que chaque fois qu’il se rend dans un commerce, il demande des produits végans, même s’il sait qu’il n’y en a pas. Il veut que les propriétaires des magasins sachent qu’il existe une demande qu’ils ne sont actuellement pas en mesure de satisfaire. Remarque : c’est une idée formidable. Nous avons besoin de faire savoir aux commerçants qu’ils ne proposent pas de produits végans alors même qu’il existe une demande pour de tels produits. S’il y a un magasin local qui ne vend que des produits végans, alors nous devons fréquenter ce magasin (de la même façon que nous devons fréquenter les restaurants végans). Mais la plupart des gens ne disposent pas localement d’un tel commerce, et sensibiliser les grosses chaînes à propos de l’existence d’un créneau végan est, quoi qu’il arrive, une excellente démarche.

* Plusieurs défenseurs ont signalé avoir créé des groupes végans/abolitionnistes locaux et indépendants au sein desquels ils distribuent de la documentation, dressent des stands de nourriture, etc. Certains militants ne disposent pas d’organisation officielle mais tiennent des tables ou distribuent de la documentation végane. Remarque : le « mouvement animaliste » tel qu’il existe actuellement constitue, pour sa plus grande part, une oligarchie d’organisations welfaristes prospères qui ont réduit l’activisme au fait de signer un chèque – à leur ordre. Nous avons besoin de militants qui se considèrent avant tout comme des pourvoyeurs d’information et d’éducation, de telle sorte que n’importe qui peut devenir leader. Si nous devons jamais déplacer le paradigme loin de la violence et de l’exploitation, nous avons besoin de gens pour reconnaître que chacun d’entre nous doit assumer ses responsabilités. Les groupes locaux et indépendants, ainsi que les militants indépendants qui tiennent des stands, distribuent de la documentation ou de la nourriture véganes peuvent faire beaucoup à cet égard.

* Une militante a déclaré avoir fait inscrire sur sa plaque d’immatriculation le mot « VEGANMOM ». Remarque : ce genre de trouvaille est capable de provoquer davantage de réactions que vous ne l’imaginez. Chaque fois que cette femme prend sa voiture, des gens disent : « Hé, vise-moi cette plaque », et dans pas mal de cas, des discussions s’ensuivent au cours desquelles on entendra des propos tels que : « Tu sais, je ne me suis jamais senti-e à l’aise à propos du fait de manger de la viande », ou : « Sais-tu ce qu’ils font aux vaches laitières ? »

* Plusieurs militants ont signalé qu’ils discutaient avec autant de gens que possible – famille, amis, autres étudiants au sein de leur école, mais aussi parfaits inconnus rencontrés dans un magasin – du véganisme et de l’exploitation animale, s’efforçant de les entraîner au cœur de leur argumentation. Remarque : à bien des égards, ceci est le type de militantisme le plus difficile à mener. La plupart d’entre nous éprouvons un sentiment d’étrangeté dans le monde tel qu’il est ; la plupart d’entre nous sommes timides, et ce sentiment d’étrangeté exacerbe encore l’inconfort que nous éprouvons à parler avec des étrangers – ou même avec des amis et des membres de notre famille dès lors qu’ils voient dans notre engagement pour un véganisme éthique une démarche étrange. Mais cette sorte de militantisme est essentielle – aussi difficile soit-elle. Je voudrais que vous songiez à trois choses. Premièrement, estimez-vous heureux d’éprouver un tel sentiment d’étrangeté. Après tout, l’alternative est de se sentir à l’aise dans un monde de complète folie et de violence implacable. Embrassez votre sentiment d’étrangeté et acceptez-le : il est un signe de santé mentale et spirituelle ! Deuxièmement, quel que soit le degré d’inconfort que vous éprouvez, pensez à la souffrance que nous imposons aux animaux (aussi bien qu’à des humains vulnérables). Quelque mal à l’aise que nous soyons parfois, il y a des milliards d’êtres qui seraient heureux d’échanger leur condition contre la nôtre s’ils le pouvaient. Placez-vous toujours dans une sorte de perspective. Troisièmement, pour ceux d’entre vous qui n’avez pas confiance en vos arguments, rappelez-vous que c’est précisément la principale raison d’être de ce site. Nous nous efforçons de vous fournir les outils dont vous avez besoin pour éduquer autrui. Nous avons notre Pamphlet Approche Abolitionniste disponible (en 12 langues) ; nous avons des vidéos de présentation sur des problèmes aussi essentiels que la Théorie des Droits des Animaux et Droit vs Bien-être ; nous avons une section FAQ ; et nous avons ces billets (plus de 100 désormais), destinés à vous aider à apprendre ce que vous avez besoin de savoir pour débattre de n’importe quel sujet qui viendra sur le tapis.

Il est une sorte de militantisme qui n’a été mentionnée dans aucun des courriers Facebook, mais qui m’a été envoyée en privé. Quelqu’un a demandé :

Prendre soin d’animaux individuels constitue-t-il un acte abolitionniste ?

Ma réponse : absolument ! La position abolitionniste est que nous devons cesser de faire advenir à la vie des nonhumains domestiqués. Mais que dire de ceux qui sont déjà parmi nous ? Etant donné qu’ils sont ici à cause de notre égoïsme et de notre cécité morale, n’avons-nous pas des obligations envers eux ? A mon avis, la réponse est claire. C’est pourquoi je soutiens des organisations telles que le Peaceful Prairie Sanctuary, les groupes qui pratiquent un travail de TSA (« trapper », « stériliser », « adopter ») comme The Animal Spirit/Homeless Animal Lifeline, ainsi que les refuges ne pratiquant pas l’euthanasie. C’est pourquoi 4 chiens sauvés habitent avec nous (nous en hébergions 7 il fut un temps). Ces nonhumains sont tous des réfugiés dans un monde qui n’est pas fait pour eux, et dans lequel ils ne peuvent, par notre faute, prendre soin d’eux-mêmes. Alors oui, prendre soin de nonhumains individuels est non seulement compatible avec la position abolitionniste des droits des animaux, mais elle en est, en ce qui me concerne, partie intégrante.

Pour résumer, telles sont les réponses que j’ai reçues en une journée. Songez à tout ce qui peut être accompli sans les grosses organisations dotées de budgets de plusieurs millions de dollars, responsables du mouvement « viande/produits d’origine animale ‘heureux’ », et dont tout le travail consiste à rendre le public plus à l’aise quant au fait de consommer des produits d’origine animale.

Il est clair qu’est en train d’émerger un réseau de militants végans/abolitionnistes qui, avec peu de ressources sinon celles de leur amour et de leur créativité, veulent changer le monde en l’engageant dans la voie de la non-violence et y travaillent activement. Quand je songe au nombre de personnes déjà touchées par les démarches des gens cités dans ce billet, il devient clair pour moi que si tous les « animalistes » parlaient d’une seule et même voix végane et non-violente, alors nous exercerions à court terme un impact spectaculaire sur la souffrance et la mort des animaux, de la même façon que nous sommes en train de construire un nouveau mouvement pacifiste rejetant toutes les formes de la violence – violence qui commence avec ce que nous mangeons, ce que nous portons, et ce que nous utilisons sur nos corps.

Gary L. Francione
© 2009 Gary L. Francione

En défense de Mark Bittman

Chers Collègues :

Au printemps 2009, Mark Bittman, le journaliste culinaire du New York Times, faisait part de la chose suivante :

Toute la journée, il mange végan. Mais à partir de 18 heures, il fait ce qu’il veut.

Ainsi, en juillet 2009, Bittman déclara qu’alors qu’il s’entraînait pour le Marathon de la ville de New York, on lui a conseillé de prendre davantage de protéines animales, aussi :

commença-t-il de manger de la « protéine concentrée », généralement du tofu, une boîte de sardines, un œuf mélangé à ce que j’étais en train de manger, ou quelque chose d’approchant, juste après des courses de 6 miles ou plus.

Aujourd’hui, Bittman nous informe qu’il s’est encore éloigné d’un pas de son véganisme (qui n’était en fait pas du véganisme), parce qu’en adoptant un régime de graines « presque végan » pour le petit-déjeuner, il ajoutait :

de la sauce au poisson (non végane, mais une petite cuillère, et je jure que c’était fameux – même si c’eût été convenable sans cela).

Cette affaire rend les gens des droits des animaux très en colère : comment Bittman peut-il se prétendre végan alors qu’il semble ne l’être à aucun moment de la journée – que ce soit avant ou après 18 heures ?

Je suis désolé, mais je dois ici défendre Bittman.

Pourquoi Bittman ne pourrait-il se dire « végan » ? Après tout, plein de gens des droits des animaux ne le sont pas et se revendiquent pourtant comme tels.

Songez à Peter Singer, considéré par beaucoup comme le « père du mouvement des droits des animaux ».

Dans une interview donnée en mai 2006 à Mother Jones, il déclare :

Il y a une petite place pour l’indulgence dans nos vies. Je connais certaines personnes qui sont véganes à la maison, mais qui se permettent le luxe de ne pas l’être si elles sortent un soir dans un restaurant chic. Je ne vois réellement rien de mal à cela.

Je ne mange pas de viande. Je suis végétarien depuis 1971. Je suis devenu graduellement et de plus en plus végan. Je suis largement végan, mais je suis un végan flexible. Je ne vais pas au supermarché m’acheter des produits non-végans. Mais lorsque je voyage ou que je me rends chez quelqu’un, je suis plutôt heureux de manger végétarien plutôt que végan.

Le fait d’être un végan cohérent est pour lui du « fanatisme ». Il déclare :

Lorsque je fais mes courses, tout est végan. Mais lorsque je voyage et qu’il est difficile dans certains endroits de se procurer de la nourriture végane, alors je suis végétarien. Je ne consommerai pas d’œufs s’ils ne sont pas issus de poules élevées en plein air, mais s’ils le sont, j’en mangerai. Je ne commanderai pas un plat plein de fromage, mais je ne m’inquiéterai pas si, mettons, un curry indien végétal a été préparé avec du ghee (beurre clarifié).

Singer soutient même qu’il y a des moments où nous avons l’obligation morale de ne pas être végans :

Lorsque vous mangez avec quelqu’un dans un restaurant, que vous commandez un plat végan et que vous découvrez lorsqu’on vous l’apporte qu’il y a un peu de fromage râpé ou autre chose dessus, les végans font parfois des histoires et renvoient le plat, ce qui fait que la nourriture est gaspillée. Et si vous vous trouvez en compagnie de gens qui ne sont pas végans ni même végétariens, je pense que c’est probablement la mauvaise chose à faire. Il est préférable de manger votre plat, car sinon les gens penseront : « Oh mon dieu, ces végans… »

Singer déclare :

Il est très difficile d’être un omnivore consciencieux et d’éviter tous les problèmes éthiques, mais si vous êtes réellement soucieux de manger uniquement des animaux qui ont eu une bonne vie, ce pourrait être une position éthique défendable.

Il estime moralement acceptable de se permettre

le luxe d’œufs de poules élevées en plein air, ou possiblement même de la viande d’animaux ayant mené une vie bonne dans des conditions naturelles pour leur espèce, et ayant été tués à la ferme avec humanité. (The Végan, automne 2006).

La vérité est que le véganisme, ici, est juste un moyen de réduire la souffrance. Si vous vous alimentez de manière à réduire la souffrance, alors vous n’avez pas vraiment besoin de vous inquiéter à propos des ingrédients véritables de ce que vous êtes en train d’ingurgiter. Vegan Outreach déclare que l’éthique alimentaire

n’est pas une fin en soi. Ce n’est pas un dogme ou une religion, non plus qu’une liste d’ingrédients interdits et de lois immuables – c’est seulement un outil pour s’opposer à la cruauté et réduire la souffrance.

Ceci reflète l’affirmation très explicite de Singer selon quoi tout revient à une question de souffrance. Il déclare que les gens croient :

que dans La Libération animale, j’ai dit que tuer les animaux est toujours mal, et que c’était en somme le fondement du végétarisme ou du véganisme. Mais s’ils relisent le livre, ils ne trouveront nulle part un tel argument.

Selon une autorité qui n’est rien moins que Singer lui-même, le véganisme n’est en aucune manière l’engagement de ne pas consommer ou utiliser les produits d’origine animale ; c’est simplement un moyen de réduire la souffrance, de la même façon qu’il existe des œufs de poules élevées en plein air, des caisses plus larges et des cages plus grandes.

Par conséquent, si Bittman consomme moins de produits d’origine animale et réduit de ce fait la souffrance, pourquoi ne pourrait-il goûter au « luxe » de manger des produits d’origine animale, éviter d’être « fanatique » comme Singer le conseille, et continuer à se dire végan ?

La réponse, très clairement, est qu’il le peut.

Quelle est la différence entre Bittman et les personnes que Singer décrit comme « véganes à la maison, mais qui se permettent le luxe de ne pas l’être si elles sortent un soir dans un restaurant chic » ?

Il n’y en a pas.

Quelle est la différence entre Bittman et Singer, qui mangera des œufs de poules élevées en plein air, du ghee, etc. ?

Il n’y en a pas.

Aussi n’est-il tout simplement pas rationnel de critiquer Bittman : il suit juste les traces des gens des « droits des animaux ».

Laissez-moi vous dire que je ne remets aucunement en question la sincérité de Peter Singer, de Végan Outreach, etc.. Je pense cependant que leurs manières de voir sont terriblement confuses, et que je suis en désaccord avec elles à un niveau fondamental.

Gary L. Francione
© 2009 Gary L. Francione

NOTE : Plusieurs personnes m’ont écrit pour me demander pourquoi je défendais Mark Bittman alors que la sauce au poisson n’est pas végane. J’ai d’abord cru qu’elles plaisantaient, mais j’ai fini par comprendre que certaines d’entre elles nageaient réellement en pleine confusion.

Par conséquent, laissez-moi clarifier les choses :

Je ne dis pas qu’il est acceptable que Mark Bittman mange du poisson ou quelque autre produit d’origine animale. Mon propos était de rappeler que Peter Singer, que beaucoup de défenseurs des animaux considèrent comme la source de toute la sagesse de l’éthique animale, est un végan « flexible » qui consomme des produits d’origine animale, qui parle du « luxe » qu’il y a à manger de la viande et des produits laitiers, et qui déclare que le fait de consommer des produits d’origine animale est une « complaisance » acceptable. Mon propos était de dire que si nous ne soulevons pas d’objection à de semblables paroles, nous ne devrions pas réagir différemment lorsque c’est Bittman qui les prononce. Je m’oppose à ce que dit Singer (et ai de ce fait une réputation de « diviseur », parce que le désaccord n’est pas permis). Je faisais ici de l’ironie. Je m’excuse sincèrement si cela n’a pas été compris.

A propos du militantisme de type « sang et tripes »

Chers Collègues :

Les défenseurs des animaux se demandent souvent s’ils doivent recourir dans leurs efforts de sensibilisation à des images violentes. Par exemple, doivent-ils montrer des vidéos d’abattoirs ou d’autres situations de brutalité ?

Je ne suis pas sûr que l’on puisse apporter à cette question une réponse positive ou négative, mais je tiens à vous faire part de quelques réflexions.

Premièrement, certaines personnes refuseront de visionner ce genre d’images, s’éloigneront de vous ou quitteront votre conférence. Vous perdez alors une opportunité d’interaction et de sensibilisation.

Deuxièmement, nous vivons dans une société dans laquelle les gens sont habitués à voir de la violence extrême et sanglante tout le temps – dans les films qu’ils regardent, les jeux vidéo auxquels ils jouent, ou encore les nouvelles du soir. D’une certaine façon, notre société est insensibilisée à la violence. Nous ne devons pas surestimer l’impact de vidéos et d’images que nous pensons choquantes.

Troisièmement, les images violentes tendent pratiquement toujours à focaliser celui qui les regarde sur le traitement des animaux, et non sur leur exploitation. C’est-à-dire que montrer à quelqu’un ce genre d’images entraîne presque toujours la réaction automatique suivante, à savoir que le traitement doit être amélioré, non que l’exploitation doit être complètement stoppée. La réponse habituelle est généralement celle-ci : « Oui, c’est terrible : ils ne doivent pas faire ça, mais nous pouvons certainement rendre tout cela plus ‘humain’ ? »

C’est précisément la raison pour laquelle les grosses organisations welfaristes recourent presque toujours à un militantisme de type « sang et tripes » ; c’est leur but que d’appeler à un changement qui, clament-ils, rendra l’exploitation animale plus « humaine ». Ils donneront à voir l’horreur que constituent les usines d’abattage de poulets pour mieux promouvoir le gazage des poulets ; ils montreront un élevage en batterie conventionnel pour plébisciter les œufs de poules élevées en plein air. Le message est clair et explicite : laissez-nous vous montrer combien c’est horrible, mais, avec votre soutien, nous pouvons éliminer les « pires abus » et améliorer ainsi la situation. Les divers programmes « label humain » soutenus ou sponsorisés par ces groupes montrent assez que le point de mire est le traitement et non l’utilisation.

Certains militants disent utiliser ces vidéos en les faisant suivre d’un message abolitionniste. Bien que ce soit mieux que de ne les faire suivre de rien du tout, le problème, bien sûr, est que si vous montrez un film ou présentez des documents qui font partie d’un message global portant sur le réformisme et la réglementation, il va être difficile de contrer le message welfariste généralement explicite contenu à l’intérieur. Vous paraîtrez raisonner à partir des matériaux que vous montrerez, et cela embrouillera le public.

Quatrièmement, il est à mon avis impératif d’amener les gens à réfléchir sur l’injustice fondamentale que représente l’utilisation des animaux. C’est pourquoi je commence pratiquement chacune de mes présentations sur l’éthique animale par une discussion à propos de notre acceptation commune du principe moral selon lequel il est condamnable d’infliger souffrances et mort « non nécessaires » aux animaux, et que toute compréhension cohérente du concept de nécessité doit exclure les souffrances et la mort infligées pour des questions de plaisir, de divertissement ou de commodité. J’explique alors que, précisément, 99,99 % de notre exploitation des animaux reposent uniquement sur des questions de plaisir, de divertissement et de commodité. La plupart des gens n’ont jamais réellement fait face à leurs propres inconséquences quant à leur manière de considérer les animaux. La plupart n’ont jamais réfléchi au fait que ceux qui consomment des produits d’origine animale n’ont aucun droit de revendiquer un haut niveau de conscience morale, pas plus qu’ils n’ont le droit de critiquer Michael Vick, par exemple.

J’explique ensuite, mettant de côté la question éthique fondamentale de l’exploitation animale, que le traitement des animaux ne peut être sensiblement amélioré parce que les animaux sont des propriétés, et que les soucis économiques serviront toujours à maintenir les standards de leur bien-être à des niveaux très bas. A vrai dire, les réformes welfaristes s’avèrent en réalité contreproductives en ce qu’elles rendent le public plus à l’aise par rapport au fait de consommer des produits d’origine animale. Le mouvement bourgeonnant « Viande heureuse » en est une preuve irréfutable.

Dans la mesure où j’utilise des vidéos (et j’en utilise rarement), j’utilise des contenus explicites quant à l’exploitation animale. Par exemple, Peaceful Prairie Sanctuary possède certains documents excellents sur l’échec du réformisme welfariste. Ils font clairement comprendre que la solution est de ne plus du tout utiliser les animaux.

Sixièmement, l’une des vidéos les plus efficaces qu’il m’ait été donné de voir est un clip sur deux vaches attendant de pénétrer dans un abattoir. Il n’y a ni sang ni tripes sur cette vidéo – seulement un message très clair et puissant que ces vaches sont des personnes nonhumaines, et qu’aucun caprice de notre palais ne pourra jamais en justifier l’exploitation – quand bien même nous les traiterions « avec humanité ». Cette vidéo dure 3 minutes. Je ne saurais pas vous dire le nombre de gens à m’avoir avoué que c’était l’une des choses les plus imparables qu’ils aient jamais vues.

Pour conclure, je comprends qu’il est important de sensibiliser le public à propos des réalités de l’exploitation animale contemporaine. Mais il est également important de faire clairement comprendre que même si nous nous débarrassons de tous les élevages industriels pour ne garder que des élevages familiaux considérés par certains welfaristes comme idéaux, ou même si tous les laboratoires respectaient scrupuleusement l’ensemble des lois et règlementations concernant la vivisection, les animaux seraient toujours torturés et continueraient de souffrir toutes sortes de privations. Si nous posons que l’utilisation des animaux, fût-elle « humaine », ne peut être moralement justifiée, nous pouvons surprendre au départ des gens habitués à entendre le message welfariste. Mais si en plus nous donnons promptement les arguments soutenant l’abolition végane, le résultat sera encore plus fécond et significatif en termes de changement de comportement.

La vérité est que nous ne verrons jamais aucun changement tant que nous n’aurons pas déplacé le paradigme de la violence à la non-violence ; du traitement « humain » des animaux à l’abolition pure et simple de leur utilisation.

Gary L. Francione
© 2009 Gary L. Francione

« Vérité, amour et liberté »

Chères collègues et chers collègues :

Laissez-moi introduire les remarques suivantes en précisant que je ne doute aucunement de la sincérité des personnes impliquées dans l’évènement que je m’apprête à relater et à commenter. L’objectif de cet article est d’insister sur ce qui me semble être le message très confus et moralement problématique que véhicule un tel évènement.

Mardi le 21 juillet 2009, la Humane Society of the United States a tenu un évènement visant à encourager les grands chefs et les restaurants à appuyer le boycott de la HSUS à l’égard des fruits de mer canadiens, afin de presser le gouvernement canadien de cesser l’abattage commercial des phoques au Canada.

Quelques détails :

  • L’évènement était tenu au (selon la HSUS) « nouveau, glamour et branché Policy ». Jetez un œil au menu de Policy. Y a-t-il même un seul produit animal qu’on n’y sert pas? Ironiquement, le menu de Policy inclut des moules de l’Île-du-Prince-Édouard, qui, j’aurais cru, constituent des « fruits de mer canadiens ». Pourquoi est-ce que la HSUS ne pouvait pas tenir cet évènement dans un restaurant végan afin de renforcer le message selon lequel, bien que l’on focalise une attention particulièrement sur l’abattage des phoques, nous ne devrions jamais manquer une opportunité d’éduquer le public à propos du véganisme éthique? Voilà une opportunité manquée. Je dois noter que, selon la HSUS :

    Le thème de Policy, « Vérité, amour et liberté », est élégamment écrit sur ses murs et est parfaitement approprié pour la cause.

    Je me demande si les vaches, les veaux, les agneaux, les canards, les poulets, les poissons, etc. sont réconfortés de savoir que leurs cadavres sont servis dans un endroit où « Vérité, amour et liberté » est écrit sur le mur.

  • Il y a une certaine confusion quant au fait que de la nourriture était servie lors de l’évènement et que cette nourriture était végane. Selon la HSUS sur Twitter : « il n’y avait pas de nourriture et on pouvait entrer gratuitement ». Mais selon Pamela’s Punch:

    La nourriture était excellente et des bouchées étaient offertes telles que des tomates vertes frites accompagnées de salsa de maïs et de crème fraiche au romarin avec du tapioca.

    J’ai appelé la HSUS et j’ai pu parler avec la personne dont le nom était indiqué comme contact-médias pour l’évènement et lui ai demandé si de la nourriture était servie et si celle-ci était végane. On m’a affirmé que de la nourriture était servie, mais cette personne ne pouvait me dire si elle était végane. On m’a aussi dit que le choix des mets offerts était fait par les chefs qui participaient, et non pas par la HSUS.

  • L’évènement était coparrainé par plusieurs chefs qui, bien qu’ils servent de la viande, du poisson et à peu près tous les autres produits animaux, comptent :

    parmi les plus fervents promoteurs des fermes locales, des animaux élevés de manière humanitaire et de la communauté.

    En fait, un des coparrains a publié sur son menu :

    Les mets marqués d’un astérisque contiennent des produits d’animaux certifiés humanitaires. Ils rencontrent les standards du programme Humane Farm Animal Care, qui inclut une diète nutritive sans antibiotiques ou hormones; des animaux élevés dans un endroit où ils ont accès à un abri, à des zones de repos, à suffisamment d’espace et où ils peuvent s’adonner à leurs comportements naturels.

    Pour en savoir plus sur les sceaux d’approbation du programme de la Humane Farm Animal Care, qui est coparrainé par la HSUS et d’autres groupes, voyez mon article sur les étiquettes de certification « humanitaire ».

  • Lors de l’évènement, des mannequins tout en jambe accueillaient les invités sous un soleil éclatant.
  • Mais l’aspect le plus troublant de cet évènement touche le concept de boycott lui-même, lorsqu’un nonhumain sensible est utilisé de manière instrumentale comme monnaie d’échange pour en sauver un autre. Il doit être remarqué que le boycott de la HSUS n’est pas une chose simple :

    Note : L’interdiction contient une exemption pour les produits issus de la chasse traditionnelle par les Inuits et les membres d’autres peuples indigènes. Il y a trois niveaux distincts à ce boycott. Les restaurants ont fait des promesses à différents niveaux : tous les fruits de mer canadiens; les fruits de mer des provinces maritimes (Terre-Neuve, Île-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse et Québec); ou le crabe des neiges du Canada. Puisque la campagne de boycott ProtectSeals contre les fruits de mer a été lancée, plus de 600,000 individus et plus de 5,000 épiceries et restaurants ont promis d’éviter certains ou même tous les fruits de mer canadiens jusqu’à ce que la chasse aux phoques soit abandonnée pour de bon.

    (Puisque les moules servies chez Policy, où l’évènement était tenu, provenaient de l’Île-du-Prince-Édouard, je suppose que, l’exception concernant les Inuits ne s’appliquant pas, le restaurant s’était engagé à respecter le troisième boycott, soit celui qui porte sur le crabe des neiges.)

    Sans considérer les nombreux niveaux de boycott, les exemptions, etc., je suis très déçu que des défenseurs des animaux considèrent comme légitime d’utiliser un animal comme monnaie d’échange politique pour en sauver un autre. Le boycotte de la HSUS implique que : (1) les poissons et les autres nonhumains aquatiques n’ont pas de valeur inhérente et ne sont que des choses que nous pouvons utiliser, de manière instrumentale, pour sauver des animaux auxquels nous accordons de la valeur; (2) il est permis de continuer à manger des animaux de la mer qui ne proviennent pas du Canada; (3) il serait permis de manger des animaux de mer canadiens si ce n’était de la chasse aux phoques; et (4) lorsque la chasse aux phoques (autre que celle perpétrée par les Inuits) sera abolie (ou règlementée afin que les défenseurs des animaux puissent déclarer victoire), le boycott sera abandonné et il sera de nouveau moralement permis de manger des animaux de mer canadiens. Les poissons ne sont peut-être pas aussi « charmants » que les phoques, mais ils accordent de la valeur à leur propre vie tout autant que les phoques en accordent à la leur.

    De plus, les chefs qui ont co-organisé cet évènement avec la HSUS servent de la viande et d’autre produits animaux dans leurs restaurants. Quelle est la différence entre les vaches ou les agneaux ou les poulets servis dans leurs restaurants et les phoques dont l’abattage leur semble inacceptable? Il n’y a, bien entendu, aucune différence. Absolument aucune.

    La HSUS a rendu disponible un vidéo de l’évènement; un véritable chef-d’œuvre de confusion morale. Plusieurs chefs y sont interviewés et condamnent « l’abattage barbare d’animaux sans défense » et la « mise à mort inhumaine de tout animal ». Ces paroles, bien sûr, s’appliquent aux phoques, pas aux animaux qu’ils aprêtent et servent dans leurs restaurants. Si ce n’était pas aussi tragique, ce degré de déconnexion morale serait amusant. Je souhaite sincèrement que ces chefs, qui sont si préoccupés par les phoques du Canada, en viennent à percevoir l’égale importance morale des animaux dont le corps et les produits sont servis dans leurs restaurants de D.C..

    Je trouve que cette manière d’approcher l’éthique animale est des plus troublantes. En plus de créer un problème moral évident, je pense que le message qui est envoyé est, au plan purement pratique, très confus et confondant. Nous devrions boycotter la consommation de certains poissons afin de mettre un terme à la chasse « non inuite » des phoques alors que, au même moment, nous continuons tous à encourager l’abattage d’autres animaux, qui ne sont aucunement différents des phoques que nous voulons sauver – mis à part le fait que l’exploitation des premiers est économiquement intéressante alors que l’abattage des phoques n’est profitable qu’à des gens qui ne sont pas impliqués dans les organisations américaines de défense du bien-être animal.

    Gary L. Francione
    © 2009 Gary L. Francione

Sur la vivisection et la violence

Chers Collègues :

Dans le Mail Online d’aujourd’hui, l’édition en ligne du journal britannique Daily Mail, figure un article fascinant sur la vivisection signé du Dr. Danny Penman, ancien chercheur en biochimie reconverti dans le journalisme scientifique pour New Scientist et le Daily Mail.

Penman reconnaît clairement soutenir la vivisection :

Comme la plupart des gens, je sacrifierais la vie d’innombrables animaux de laboratoire pour sauver ma fiancée ou d’autres membres de ma famille.

Ignorant le fait que la plupart des gens, dans une situation où ils seraient forcés de choisir, sacrifieraient de la même façon la vie d’innombrables humains pour sauver leurs proches (et l’on voit bien ici que le problème n’a donc rien à voir avec la question des animaux), Penman poursuit en exprimant son inquiétude quant à l’augmentation, au cours de l’année dernière, du nombre d’animaux utilisés dans les laboratoires de recherche britanniques (+ un demi-million), lequel s’élève désormais à 3,7 millions.

Penman maintient que l’utilisation d’animaux est nécessaire, mais soutient que la vivisection représente une réelle menace pour la santé humaine. Il cite New Scientist, qui rapporte que les résultats obtenus par le biais de la vivisection ne sont « pas plus probants qu’un jeu de pile ou face », et bien que lui, Penman, n’aille pas aussi loin, il est néanmoins d’accord pour dire que la « vivisection est, au mieux, peu fiable, au pire, meurtrière. » Il cite plusieurs exemples où des médicaments ayant été testés sur des animaux sans qu’il y ait eu, chez ceux-ci, de réaction contraire, ont rendu des humains gravement malades ou ont provoqué leur mort. Il plaide en faveur des nouvelles technologies n’impliquant pas d’animaux, et qui sont, de fait, beaucoup plus fiables.

Etant donné que Penman soutient la vivisection, la critique qu’il en fait est tout à fait remarquable. Je suis d’ailleurs incapable de me rappeler la dernière fois où il m’a été donné de lire pareil discours.

Peut-être cette autre remarque de Penman explique-t-elle le manque de critiques formulées à l’encontre de la vivisection :

Pourquoi y a-t-il tant d’expérimentations animales alors que des alternatives existent ?

Ironiquement, l’une des raisons en est que la violence et l’intimidation dont fait montre une poignée de fanatiques impliqués dans les droits des animaux a eu pour résultat d’obscurcir le débat. Parce que si, aujourd’hui, vous remettez en cause le travail des scientifiques, vous risquez d’être mis dans le même sac que les extrémistes.

Les scientifiques ont ainsi été en mesure de développer leurs recherches sur les animaux sans qu’aucune autorité ait pris la peine de vérifier si ces tests étaient vraiment nécessaires. Ceci me semble à la fois injuste et contre l’esprit de la recherche universitaire.

Penman a absolument raison. Par suite de l’existence d’un groupe relativement restreint d’individus prônant l’usage de la violence contre les vivisecteurs, remettre en question ou débattre désormais de la vivisection, fût-ce dans un contexte universitaire, expose à voir ses opinions rejetées en tant qu’appartenant à un ordre du jour extrémiste ou violent.

Cette remarque ne s’applique pas seulement à la vivisection, mais aux questions concernant les animaux en général. Les actes d’un petit nombre de personnes ont permis à une presse réactionnaire, de mèche avec les exploiteurs institutionnels qui préfèrent ne pas avoir à discuter de ce genre de choses, de créer l’impression que ceux qui s’opposent généralement à l’exploitation animale sont de violents misanthropes qui attachent de la valeur à la vie des animaux mais qui se moquent de la vie humaine.

Nous ne devons pas laisser prévaloir une telle caractérisation.

Comme vous le savez, je m’oppose, pour des raisons morales, à la violence sous toutes ses formes (voir, par exemple, Un commentaire sur la violence et Plus sur la violence et les droits des animaux). J’approuve le concept de l’Ahimsa.

La violence à l’encontre des exploiteurs institutionnels n’est pas seulement immorale, elle est encore incohérente – elle n’a aucun sens. Les exploiteurs institutionnels ne sont pas « l’ennemi ». Nous sommes ceux qui demandons des produits d’origine animale. Si nous arrêtions d’en consommer, les exploiteurs institutionnels déplaceraient leur capital ailleurs. Nous sommes ceux qui croyons toujours au mythe qui veut que la vivisection nous permette de vivre des existences meilleures et plus longues et, par conséquent, nous continuons de la soutenir, ne serait-ce qu’en n’exigeant pas de nos hommes politiques qu’ils s’assurent que les alternatives mentionnées par Penman sont utilisées et que d’autres sont en développement.

La plupart des « animalistes » ne sont même pas végans. Ils tolèrent et soutiennent la torture des animaux nonhumains simplement parce qu’ils aiment le goût des produits d’origine animale et qu’ils sont tout simplement incapables de se passer de fromage, de glaces ou de quelque autre aliment animal qu’ils ont coutume de consommer. En quoi ces personnes diffèrent-elles moralement des vivisecteurs ? Au moins certains vivisecteurs pensent qu’ils œuvrent pour le bien de la société. Comme je l’ai indiqué dans mes écrits, je ne suis pas d’accord avec l’idée selon laquelle l’utilisation des animaux est nécessaire en tant que fait empirique et, comme Penman et d’autres, je maintiens que la vivisection est souvent clairement contreproductive. A vrai dire, et contrairement à Penman, je suis d’accord avec la déclaration qu’il attribue au New Scientist: les résultats obtenus par le biais de la vivisection ne sont « pas plus probants qu’un jeu de pile ou face ». Même si ce n’était pas le cas, même si la vivisection se révélait utile de quelque manière, elle ne s’en trouverait pas pour autant moralement justifiée. Mais les non-vegans soutiennent l’exploitation simplement en vertu d’un caprice de goût. Ils n’ont aucune excuse.

Je ne souhaiterais certainement pas que quiconque préconise la violence à l’encontre des non-végans, d’autant qu’ils forment le gros de ce qu’on a coutume d’appeler le « mouvement animaliste » ! Cela étant, et hormis si vous partagez mon rejet général de la violence, désigner à la vindicte les exploiteurs institutionnels, qu’ils soient agriculteurs ou vivisecteurs, n’a simplement pas le moindre sens.

J’invite tous les défenseurs des animaux à rejeter la violence sans équivoque ni réserve aucune. Le mouvement des droits des animaux fait sens seulement en tant que mouvement pacifiste et non-violent. Gandhi a dit :

Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde.

Si nous souhaitons qu’advienne un monde débarrassé de la violence envers les plus vulnérables, nous devons devenir nous-mêmes non-violents et présenter nos opinions de manière non-violente. La non-violence commence avec notre propre véganisme et notre recours à des moyens créatifs et pacifiques pour sensibiliser les autres au véganisme.

Gary L. Francione
© 2009 Gary L. Francione

Une révolution du coeur

Chères collègues et chers collègues :

Plusieurs défenseurs des animaux supposent que nous avons besoin d’une organisation – quelque organisation que ce soit – afin de défendre les animaux nonhumains; que nous avons besoin d’un dirigeant – quelque dirigeant que ce soit – pour nous indiquer la voie à suivre.

À mon avis, c’est une mauvaise manière d’envisager les choses. Continuer la lecture

La religion de la non violence

Chères collègues et chers collègues :

La fin de semaine dernière, JAINA, la Fédération des associations jaïnes de l’Amérique du Nord, a tenu sa 15e convention biennale. La Convention a eu lieu à Los Angeles, au Centre jaïn du sud de la Californie, qui est une des plus belles bâtisses que j’ai vues partout en Amérique.

Le thème de la Convention était « Écologie : à la manière jaïne ». Le choix de ce thème reflète un des points centraux de la tradition jaïne : que toutes les formes de vie sont liées par la coopération et l’interdépendance. Continuer la lecture