Archives de l’auteur : Gary L. Francione

A propos de la violence

Chers collègues,

Malheureusement, certaines personnes se considérant comme des défenseurs des animaux prétendent que la violence est la solution au problème de l’exploitation animale.

Certains d’entre eux ont commis des actes de violence contre des exploiteurs institutionnels. D’autres incitent à la violence en conseillant d’ »intimider » les exploiteurs ou bien de leur faire « craindre » des mesures de rétorsion.

Si l’on met de côté les aspects moraux/spirituels de la violence, ceux qui font sa promotion montrent une incompréhension profonde des mécanismes de l’exploitation animale. Les institutions pratiquent l’exploitation des animaux parce que le public le demande. Pour la plupart, elles se moquent de vendre du boeuf ou des bananes. Elles mettront leur capital là où elles recevront le meilleur retour sur investissement.

La plupart des gens considèrent aussi « normal » d’utiliser les animaux que de respirer ou boire de l’eau. Ils veulent des produits d’origine animale. Si, aujourd’hui, vous détruisez 10 abattoirs, 10 autres seront construits ou bien 10 abattoirs existants augmenteront leur production (et deviendront probablement encore plus rentables). Si vous faites fermer un fournisseur d’animaux destinés aux laboratoires alors que le public est en faveur des tests sur les animaux, ce qui est clairement le cas, alors un autre fournisseur prendra sa place. Sur le plan pratique, la violence comme stratégie ne peut pas fonctionner.

Aussi longtemps qu’il sera considéré comme normal d’utiliser des animaux et que cela ne soulèvera pas de question fondamentale, rien ne changera jamais. Mais nous n’arriverons pas à convaincre les gens de se préoccuper des animaux par l’intimidation, la peur et des actes violents. L’éducation, pour être efficace, ne peut en aucun cas être violente. Il ne faut jamais chercher à intimider ou effrayer les gens. Il faut ouvrir leur esprit et leur coeur. La stratégie non-violente est tout sauf passive. Elle implique de travailler constamment, activement et de manière créative pour inverser un paradigme fondamental: la notion que les animaux sont des objets, des ressources, notre propriété; qu’ils sont exclusivement des moyens pour atteindre nos objectifs.

Il est clair que nos efforts d’éducation fonctionnent. Un dialogue sur l’utilisation des animaux et non plus seulement leur traitement « humains » est en train de naître. Il y a un flux permanent de témoignages de personnes qui deviennent conscientes de la schizophrénie morale qui caractérise les relations entre humains et non-humains.

Ceux qui défendent la violence se trompent non seulement sur les principes économiques fondamentaux, mais ils freinent le progrès car ils fournissent une cible facile à tous ceux qui cherchent une raison d’ignorer le problème de l’exploitation animale. A cet égard, ceux qui font la promotion de la violence sont comparables a ceux qui défendent le sexisme.

Est-ce que Martin Luther King aurait prétendu « Plutôt nu qu’assis à l’arrière du bus » pour promouvoir les droits civils?

Bien sur que non.

Gandhi et King nous auraient-ils incités à « intimider » les autres et à leur faire « craindre » d’être à leur tour victimes de violence?

Bien sur que non.

Parfois, lorsque je vois certaines des choses que font ou disent ceux qui promeuvent la violence (ou lorsque je vois une femme se dénuder « pour les animaux »), je secoue la tête en me demandant s’il est possible de s’y prendre encore plus mal pour inciter les gens à prendre ce sujet au sérieux. En effet, on dirait que ces gens cherchent à saboter tout changement significatif.

Pour plus de détails sur ce sujet, écoutez mon Intervention, ou bien lisez « Un commentaire sur la violence, à propos de la violence et des droits des animaux » et « Violence et vivisection« , tous disponibles sur ce site.

Je discute également de la violence dans mon prochain livre, écrit en collaboration avec le docteur Robert Garner, « The Animal Rights Debate: Abolition or Regulation?« , qui sera publié par les editions Columbia University Press en mai 2010.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Véganisme: éthique, santé et environnement

Chers collègues:

Au moins cinq fois par semaine, on me pose, sous une forme ou une autre, les questions suivantes:

Lorsque l’on défend le véganisme, devrions-nous nous en tenir à l’argument éthique? Est-il, pour une raison ou une autre, « mauvais » ou « malhonnête » de nous en remettre aux arguments fondés sur la santé humaine et sur l’environnement?

Je préparerai bientôt un podcast sur cette question, mais j’aimerais clarifier une chose dès maintenant: la frontière entre ces arguments n’est pas aussi définie que vous pourriez le croire puisque les arguments liés à la santé et à l’environnement ont aussi une dimension morale.

Lorsque je parle des droits des animaux, j’insiste sur l’argument moral fondé sur une réinterprétation de notre tradition philosophique occidentale. J’aborde également l’aspect spirituel du principe d’Ahimsa ou de non violence qui, pour moi, a été partie intégrante de mon véganisme des 28 dernières années. L’aspect spirituel n’est assurément pas nécessaire pour arriver à la conclusion abolitionniste; je ne l’ai pas invoqué, par exemple, lorsque j’ai développé l’argument philosophique présenté dans Introduction to Animal Rights: Your Child or the Dog?. Mais mon engagement envers la non violence représente une partie importante de ma pensée.

Je parle aussi de la santé et de l’environnement en les incluant dans mon analyse morale/spirituelle.

Nous avons une obligation envers nous-mêmes de prendre soin de notre santé; ingérer des produits qui nous causent du tort est une forme de violence que nous nous infligeons. Chaque jour, nous avons de nouvelles preuves empiriques démontrant que les produits d’origine animale non seulement ne sont pas nécessaires pour être en santé, mais ils sont néfastes pour notre corps de toutes sortes de manières. Même de petites quantités de produits animaux peuvent être dommageables. Tout comme nous avons l’obligation de nous assurer de ne pas fumer des cigarettes (même « quelques-unes »), nous avons l’obligation de nous assurer que ce que nous mettons dans et sur notre corps (rappelez-vous que ce que vous portez sur votre corps pénètre dans votre corps!) ne soit pas néfaste. Cette obligation, nous ne l’avons pas seulement envers nous-mêmes, mais aussi envers les humains et les nonhumains qui nous aiment et qui dépendent de nous.

Dans le même ordre d’idée, bien que je ne crois pas que nous ayons des obligations morales directes envers les êtres non sentients, nous avons assurément des obligations envers tous les êtres sentients qui vivent dans l’environnement non sentients. En effet, parce qu’il y a tant d’êtres sentients qui habitent l’environnement, il est impossible de nous réfugier derrière le fait que l’environnement lui-même est insensible pour ne pas le considérer moralement. Un arbre n’est peut-être pas sentient au sens où il est conscient de ses perceptions, mais il y a sans doute plusieurs êtres sentients qui vivent dans cet arbre ou encore sur lui, et qui en dépendent. Et tous les êtres sentients – humains et nonhumains – dépendent de l’environnement pour évoluer dans un écosystème sain. La destruction de l’environnement soulève plusieurs questions morales et spirituelles sérieuses. Une agriculture basée sur les animaux est dévastatrice pour l’environnement et pour tous les êtres sentients qui y vivent.

Une objection communément opposée au véganisme veut que si nous adoptions tous une diète végétale, il nous faudrait cultiver plus de terres et cela aurait comme effet d’entrainer la mort de plus nombreux nonhumains sentients. Mais cela est faux. Aujourd’hui, nous nourrissons les animaux de plantes, ce qui requiert des livres/kilos de protéines végétales pour produire chaque livre/kilo de chair. Si nous mangions directement les végétaux, nous aurions besoin de moins de plantes, nous ne détruirions pas les écosystèmes et nous aurions plus de pâturages.

Alors, en fin de compte, même si je maintiens que l’argument éthique en faveur des droits des animaux et l’argument spirituel en faveur de la non violence sont les plus importants, nous avons également des obligations morales envers nous-mêmes (et envers les humains et les nonhumains qui dépendent de nous) de préserver et d’améliorer notre santé ainsi que des obligations envers les humains et les nonhumains de ne pas détruire l’environnement.

Comme je l’ai dit en introduction, je préparerai bientôt un podcast. Mais je dois d’abord terminer la dernière version de mon dernier livre à paraître, The Animal Debate: Abolition or Regulation?, que la Columbia University Press publiera en mai. Je ne bloguerai donc peut-être pas autant qu’à mon habitude, mais je devrais finirai mon travail bientôt afin de vous revenir en force.

Donc, si vous n’est pas végans, devenez végans. C’est vraiment important. C’est mieux pour votre santé. C’est mieux pour la planète. Mais, surtout, c’est moralement la bonne chose à faire. Nous disons tous condamner la violence. Prenons ce que nous disons au sérieux. Faisons un pas important vers la réduction de la violence dans le monde en commençant par nous soucier de ce que nous mettons dans notre bouche et dans notre corps.

Et rappelez-vous, ce n’est pas impossible: Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Toutes les campagnes sont-elles des campagnes ciblées ?

Chers Collègues :

En réponse à mes billets (1, 2) consacrés au cas Johnny Weir et à mon commentaire général sur les campagnes ciblées, certaines personnes ont suggéré que si l’affaire Johnny Weir était une campagne ciblée, alors toutes les campagnes, qu’elles promeuvent l’adoption, le sauvetage, les refuges et même le véganisme, sont des campagnes ciblées.

Une telle réaction révèle un profond manque de compréhension de la nature des campagnes ciblées.

Une campagne ciblée implique d’isoler certaines utilisations ou formes de traitement particulières des animaux et d’en faire l’objet d’une campagne pour mettre fin auxdites utilisations ou modifier lesdits traitements. Le problème des campagnes ciblées est qu’elles présentent certains traitements ou utilisations comme moralement différentiables des autres formes d’utilisation et de traitement, suggérant ainsi de manière explicite ou implicite que ces autres formes d’exploitation seraient moralement moins problématiques.

L’affaire Weir présente un exemple classique de ce problème. Une Lettre Ouverte a été écrite à Weir pour se plaindre du fait qu’il porte de la fourrure sur l’épaule de son costume. Ce n’était pas une Lettre Ouverte adressée à l’ensemble de l’équipe relativement à l’utilisation, par cette dernière, de peaux animales, de patins en cuir et de vêtements en laine ou en soie : la Lettre Ouverte se focalisait sur un seul produit d’origine animale utilisé par une seule personne dans une seule circonstance.

Le problème majeur de cette sorte de campagne est de négliger le fait qu’il n’y a aucune distinction moralement cohérente entre la fourrure, le cuir, la laine ou la soie. De fait, Weir a rendu caduque la Lettre Ouverte en faisant lui-même cette simple remarque :

« Tous les patineurs portent des patins en cuir de vache », a-t-il observé.

« Peut-être que je porte un joli petit renard alors que tous les autres portent des vaches, mais ce qui est sûr, c’est que nous portons tous des animaux. »

De plus, non seulement la Lettre Ouverte faisait la promotion d’une campagne ciblée, mais encore le faisait-elle dans le contexte des traditionnelles réformes de bien-être animal, puisqu’elle abordait le problème du traitement et non celui de l’utilisation. La Lettre Ouverte se focalisait sur l’« industrie » de la fourrure, sur le traitement et l’abattage des animaux dans les élevages à fourrure ou dans la nature. Or parler des pièges et des élevages à fourrure entraîne la réponse suivante : « Ok, alors nous devrions faire en sorte de rendre la production de fourrure plus ‘humaine’. »

En ce qui concerne les animaux domestiques, les animaux d’élevage et les animaux sauvages qui ont besoin d’une place dans un refuge ou un sanctuaire, les efforts consistant à leur trouver un foyer ne constituent pas des campagnes ciblées, ou n’aboutissent tout au moins pas aux problèmes que je viens d’identifier. En domestiquant les nonhumains, nous les avons jetés dans d’affreuses difficultés, et si nous pouvons les retirer de la rue ou d’un refuge qui pratique l’euthanasie, alors nous devons le faire. Dans la mesure où nous avons la possibilité de fournir un asile à un animal domestique ou sauvage, c’est une bonne chose. Ces efforts consistent à porter secours à des animaux individuels ; ce ne sont pas des campagnes visant des usages ou des pratiques que nous considérons comme pires que les autres usages ou pratiques – autres usages et pratiques que nous approuvons de manière nécessairement implicite, et pour des raisons dont je débats dans mon dernier billet. Qualitativement, il s’agit d’activités différentes.

Et je parle toujours d’adoption et de sauvetage dans le cadre spécifique du véganisme éthique (qui est le sujet central) et du refus de l’exploitation. Jamais je n’en parle en termes d’activités isolées, mais seulement en tant qu’une obligation parmi d’autres constituant l’ensemble de l’approche abolitionniste. Bien que je soutienne l’adoption des nonhumains sans foyer parce que ces individus ont besoin d’un toit, je suis toujours très clair sur le fait que nous devons arrêter complètement de produire ou d’encourager la production de nonhumains domestiqués.

La « Lettre Ouverte » à Johnny Weir ne fait rien de tout cela. Il aurait été possible de lui écrire une missive présentant le problème de la fourrure comme un aspect d’un message abolitionniste global qui aurait également abordé de manière explicite le véganisme et le problème du port de la peau des animaux. Une telle lettre aurait constitué un message puissant plutôt que cet ersatz de message qui fait apparaître la fourrure comme moralement différentiable du cuir (ou des autres produits d’origine animale qui n’ont même pas été mentionnés) et que Weir a effectivement invalidé en deux phrases.

Je soutiens également les sanctuaires, mais encore une fois, j’en parle comme d’une partie de l’approche abolitionniste globale, et j’encourage ceux qui dispensent un message explicitement abolitionniste. Dans la mesure où un refuge fournit un foyer aux animaux, c’est une bonne chose, mais dans la mesure où il soutient parallèlement un message réformiste et welfariste ou fait la promotion des campagnes ciblées, il ruine une partie au moins du bien qu’il fait par ailleurs.

Je pense aussi que les refuges peuvent être utilisés par des groupes prospères afin de récolter des fonds. Si vous voulez aider financièrement un refuge, vous devriez d’abord vérifier ses finances et vous enquérir des salaires des gens qui travaillent pour l’organisation qui le gèrent.

Plusieurs personnes ont également suggéré que nous ne devrions pas critiquer les campagnes welfaristes ou ciblées d’une organisation qui gère en plus un refuge parce que cela pourrait affecter les donations et causer finalement du tort aux animaux. C’est une variante de l’argument général que nous entendons tout le temps : « Le groupe X fait de bonnes choses pour les animaux, alors ne critiquez pas ce que fait le groupe X, parce que cela nuira à ses efforts pour aider les animaux. » Ceci n’est rien d’autre qu’une ordonnance pour le désastre et pour la mort d’un mouvement social. C’est précisément cette façon de penser qui a conduit le mouvement dominant à rester silencieux face à l’obscénité du massacre perpétré par PETA de 85 % des animaux qu’elle « sauve » et de son usage invétéré de la misogynie comme tactique marketing.

Quant à ceux qui considèrent le véganisme comme une campagne ciblée, je ne sais que leur dire : cette suggestion révèle une telle confusion profonde qu’il n’est peut-être pas possible de la dissiper. Quoi qu’il en soit, quand je parle du véganisme, je parle de ne pas manger, porter, ni utiliser les animaux ou les produits dérivés des animaux à quelque fin humaine que ce soit. Mais même si vous réduisez votre compréhension du véganisme à un « régime végan », vous participez quand même à l’élimination d’une pratique qui condamne plus d’animaux que toutes les autres pratiques réunies, parce que quiconque n’est pas végan consomme des animaux et des produits d’origine animale.

En outre, la totalité de l’exploitation animale dérive du fait que nous mangeons les animaux et les produits d’origine animale. Si cela changeait, tout le reste suivrait. Par exemple, quelqu’un qui assume l’obligation morale de ne pas manger les animaux et les produits d’origine animale acceptera aussi nécessairement de ne pas porter de fourrure ou de ne pas aller au cirque. Par conséquent, le véganisme est qualitativement différent d’une campagne anti-fourrure qui vise une partie relativement restreinte de la population, ou d’une campagne pour le végétarisme qui fait explicitement ou implicitement le distinguo entre la viande et les autres produits d’origine animale, dispensant par là-même le message qu’il est acceptable de consommer des produits d’origine animale pourvu que ce ne soit pas de la chair.

J’espère que ces lignes aideront à clarifier la question des campagnes ciblées. Elles ne fonctionnent vraiment pas et créent seulement de la confusion en renforçant l’idée fausse selon laquelle certaines formes d’exploitation animale seraient plus acceptables que d’autres.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Le végétarisme d’abord?

Chers collègues:

The Vegan, le journal de la Vegan Society du Royaume-Uni, s’apprête à publier son numéro du printemps 2010. Dans ce numéro, je signe un article, « Vegetarianism First?« , dans lequel je critique l’idée selon laquelle nous devrions promouvoir le végétarisme comme « porte d’entrée » vers le véganisme et soutiens que cela est une erreur autant du point de vue pratique que du point de vue théorique. J’ai abordé cette question à l’occasion d’autres messages blogues parus sur ce site (voyez 1, 2, 3, 4) ainsi que dans mes livres et articles.

La Vegan Society me procurera une version PDF en haute définition que je rendrai disponible aussitôt que je le pourrai. J’espère que cela vous sera utile dans votre travail militant lorsque vous enseignez le véganisme de manière créative et non violente.

De plus, sur le site ROROTOKO, qui est un site respectable où certains livres et interviews d’auteurs sont sélectionnés avec soin, l’entrevue que j’ai donnée à propos de mon livre Animals as Persons: Essays on the Abolition of Animal Exploitation, publié en 2008 chez Columbia University Press, a été choisi pour faire la une de l’édition du 1er février 2010.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Et vous vous demandez pourquoi les militants des droits des animaux passent pour des fous aux yeux du public ?

Chers Collègues:

A propos de l’article « La montée d’une politique de l’identité canine », paru dans le New York Magazine.

Selon Peter Singer et Ingrid Newkirk, la bestialité ne saurait être systématiquement interdite. « S’il n’y a ni exploitation ni maltraitance, cela ne peut être considéré comme mal », a déclaré Newkirk.

Singer, vous vous en souvenez, soutenait déjà il y a quelques années qu’il pouvait y avoir des relations sexuelles mutuellement satisfaisantes entre humains et nonhumains.

Mais la déclaration de Newkirk me laisse perplexe. Depuis quand le sexe avec un nonhumain n’est-il pas, systématiquement, de l’exploitation et de la maltraitance ?

L’article du New York Magazine stipule également :

Bien que les termes dans lesquels s’édicte la mission de PETA suggèrent que la vie de chaque animal possède une valeur intrinsèque, les actions de l’organisation montrent une réalité plus nuancée. PETA tue un nombre surprenant des animaux qu’elle recueille. Au cours de la décennie qui s’ouvre en 1998, PETA a euthanasié 17000 animaux – soit 85 % des individus sauvés.

Peut-être la réponse à ma question est-elle que le sexe avec un nonhumain n’est pas de l’exploitation ni de la maltraitance une fois que l’animal « sauvé » a été tué (par un groupe de « droits des animaux »), et que son corps est encore chaud.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Les campagnes ciblées dans les contextes humain et nonhumain

Chers Collègues :

En réponse à mes commentaires sur les campagnes ciblées, j’ai reçu hier soir le courriel suivant :

Pr Francione :

Si les campagnes ciblées ne sont pas souhaitables, cela signifie-t-il que nous ne devrions rien faire pour Haïti sous prétexte que nous ne venons pas au secours de ceux qui souffrent partout ailleurs ? Cela ne conduit-il pas à ne rien faire ?

[nom]

C’est une bonne question. Je l’ai déjà abordée, mais à la lumière de mes récents billets, c’est bien d’en reparler.

Lorsque nous soutenons l’aide en Haïti, nous ne sommes pas en train de dire que la souffrance qui sévit partout ailleurs est une bonne chose. Nous reconnaissons tous que la souffrance d’humains innocents est une mauvaise chose où qu’elle ait lieu. Le fait que nous choisissions d’aider Haïti ne signifie pas que nous pensons que les souffrances des humains, mettons, au Darfour, soient souhaitables ou que les gens du Darfour importent moins. De la même manière, le fait que nous choisissions de nous consacrer à la maltraitance enfantine ne veut pas dire que nous estimons le viol acceptable ou moins choquant sur le plan moral.

Pour résumer, si X, Y et Z sont tous perçus comme moralement indésirables, le choix de travailler sur X ne véhicule pas pour autant l’idée que Y et Z sont moralement acceptables.

Pour ce qui est des animaux, l’analyse est différente. La plupart des gens estiment que manger de la viande, des produits laitiers ou tout autre produit d’origine animale, de porter ou d’utiliser des produits animaux, est aussi naturel que boire de l’eau ou respirer. Par conséquent, lorsque nous distinguons une forme d’exploitation animale, nous le faisons nécessairement dans une intention morale.

C’est-à-dire que si la plupart des gens pensent que manger de la viande, des produits laitiers et des œufs est naturel et ne soulève aucun problème d’ordre éthique, se focaliser sur la viande véhicule alors nécessairement l’idée que les produits laitiers et les œufs sont différents et que leur consommation est moralement acceptable, ou à tout le moins moralement différentiable.

Pour résumer, si X, Y et Z sont tous perçus comme moralement acceptables et que vous distinguez X comme moralement problématique, vous dites implicitement au public que Y et Z sont différents de X et qu’ils ne sont donc pas moralement inacceptables, ou qu’à tout le moins ils sont moralement différentiables de X.

Nous constatons ce problème tous les jours : les gens pensent que la fourrure diffère moralement du cuir, de la laine ou de la soie ; ils pensent que la viande diffère moralement des autres produits d’origine animale.

Tel est le problème posé par les campagnes ciblées dans le contexte de l’exploitation animale. Ce problème n’existe pas lorsque les humains sont concernés.

Nous n’avons pas besoin de campagnes ciblées pour nous lancer dans un activisme actif. Il y a quelque chose que chacun d’entre nous peut faire tous les jours : être végan et s’impliquer dans une éducation au véganisme créative et non-violente.

Laissez-moi être très clair : je pense que les campagnes ciblées sont problématiques et qu’elles risquent de perpétuer la confusion, y compris dans les circonstances les plus idéales. Je pense que les défenseurs seraient bien avisés de se tenir à l’écart des campagnes ciblées. Si néanmoins vous tenez absolument à vous lancer là-dedans, merci de minimiser au moins la confusion qui en résulte en vous assurant que le message « aucune exploitation » est explicite et clair comme le cristal. Par exemple, si un cirque vient dans votre ville et que vous voulez protester contre un tel événement, assurez-vous au moins (en plus d’être pacifique et non-violent dans votre protestation) d’être explicite en incluant dans votre documentation et dans toutes vos discussions avec les gens que les cirques sont seulement représentatifs de l’exploitation animale en tant que phénomène global, et que nous devrions arrêter complètement de manger, de porter et d’utiliser les animaux. Faites du cirque un « point de discussion », mais ne le dépeignez pas comme moralement différentiable des autres formes d’exploitation animale.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

A propos de l’affaire Johnny Weir, des campagnes ciblées, du traitement et du véganisme abolitionniste

Chers Collègues :

Comme je l’ai déclaré dans mon billet, j’estime que l’affaire Weir était peu judicieuse. Etant donné que les patineurs portent du cuir, de la laine, etc., ce que les animalistes ont tenté de faire revenait à demander à quelqu’un prenant part à un festin de steaks de ne pas consommer une petite cuillère de crème glacée.

La Lettre Ouverte à Johnny Weir de Friends of Animals est un parfait exemple de ce que je considère comme étant le problème central de l’approche ciblée : elle lui a été adressée parce qu’il a annoncé son intention de porter de la fourrure. Ce n’était pas une Lettre Ouverte à l’équipe entière à propos de son utilisation de peaux animales, de patins en cuir et de vêtements en laine ou soie. Or il n’y a pas de distinction moralement cohérente entre la fourrure, le cuir, la laine ou la soie. De fait, Weir a invalidé la Lettre Ouverte en faisant lui-même cette simple observation.

La Lettre Ouverte se focalise en outre sur le problème du traitement et non de l’utilisation, ce que je considère incompatible avec l’approche abolitionniste. Franchement, que le renard ait été tué dans un élevage à fourrure, dans un piège non capitonné, capitonné, ou au lacet, etc., n’est pas pertinent. S’il avait été élevé dans un environnement agréable et tué sans douleur pendant son sommeil, je considérerais toujours cela inacceptable. Or la Lettre Ouverte suggère au public que le problème est la manière dont le renard a été traité, non le fait qu’il a été utilisé.

Comme je l’ai (plusieurs fois) écrit, moins de souffrance vaut toujours mieux que plus de souffrance, et je suis d’accord avec ce passage de la Lettre Ouverte : « Quelle que soit la manière [piège ou élevage à fourrure], il n’y a rien de séduisant ni de beau dans la cruauté que les animaux ont endurée. Celle-ci ne peut se justifier moralement. » Mais dire cela néglige le fait que, bien que la cruauté soit un problème important, le point essentiel n’est pas qu’elle ne puisse se justifier moralement ; le point essentiel est que l’utilisation des animaux – quelque « humaine » soit-elle – ne peut se justifier moralement. Telle est l’idée que nous devons exposer de manière claire et sans équivoque au public si nous voulons nous affranchir un jour du paradigme de l’exploitation « humaine ».

D’autre part, quelle différence cela fait-il que les renards soient « beaux », détail que la Lettre Ouverte mentionne à deux reprises ? S’ils étaient laids, cela ferait-il une différence ? C’est précisément cette façon de penser qui nous amène à nous sentir concernés par le massacre des bébés phoques et peu concernés par l’exploitation d’animaux qui nous plaisent moins. Nous ne devons pas renforcer l’idée que ce sont les animaux qui nous paraissent beaux qui importent (ou importent davantage), pas plus que nous ne devons encourager l’idée qu’un « joli » mannequin figure sur une publicité végane.

Je soutiens les efforts de FoA ou de n’importe quel groupe ou personne défendant le véganisme éthique (quoiqu’il semble que FoA consacre peu de moyens à l’éducation au véganisme relativement à leurs nouvelles campagnes ciblées welfaristes). Mais, quoi qu’il arrive, promouvoir le véganisme n’équivaut pas nécessairement à promouvoir l’abolition, laquelle, pour les raisons que j’ai énoncées dans mes livres, articles et billets, excluent les campagnes ciblées et l’approche par le traitement. C’est une des raisons pour lesquelles je recours souvent à l’expression « vegan abolitionniste ». Tous les vegans ne sont pas nécessairement abolitionnistes.

Je souhaite assurément que HSUS lance une campagne « Go Vegan ». Mais quand bien même ce serait le cas, cela ne ferait pas pour autant de HSUS une organisation abolitionniste. Le fait qu’un groupe promeuve le véganisme ne veut pas dire qu’il ne demeure pas un groupe welfariste de plus s’il continue de lancer des campagnes ciblées et d’encourager des réformes portant sur le bien-être. En fait, si HSUS faisait une campagne « Go Vegan », HSUS et FoA se ressembleraient beaucoup ! (FoA mène en effet beaucoup de ces campagnes ciblées.) Peut-être que cela explique la raison pour laquelle FoA était opposée à l’approche « Go Vegan » que je conseillais à HSUS d’adopter. FoA s’efforçait peut-être d’éviter de devenir une « HSUS allégée » et de rester dans cette seconde faction que Vincent Guihan a identifiée dans son article De HSUS et de l’hégémonie : le véganisme abolitionniste comme valeur d’avenir.

Comme je l’ai mentionné dans mon dernier billet, j’ai lancé une invitation à Priscilla Feral afin qu’elle débatte avec moi de ces problèmes par podcast. J’espère qu’elle y répondra positivement.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Gandhi : à propos du 62e anniversaire de sa mort

Chers Collègues,

Il y a soixante-deux ans aujourd’hui, le Mahatma Gandhi était assassiné.

Aujourd’hui, prenons du temps pour réfléchir à son enseignement fondamental : l’Ahimsa, autrement dit la non-violence.

Gandhi a exprimé plusieurs idées de grande valeur qu’il nous faut méditer. Deux de mes favorites sont les suivantes :

Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde.

Le faible ne peut jamais pardonner. Le pardon est l’apanage du fort.

Rappelez-vous que la violence est le problème, et qu’elle ne sera jamais la solution. Si nous voulons un changement réel, nous devons changer. Nous devons connaître une révolution du cœur qui nous fera nous rendre compte que la paix est le seul chemin que nous devons emprunter. Tous les autres nous égareront.

Faites l’usage de la paix et de la non-violence dans votre vie de tous les jours, dans chacune des interactions que vous avez. Cela ne veut pas dire que vous devez pour autant taire la vérité. Gandhi insistait sur la satyagraha, ou étreinte de la vérité. Mais il croyait que nous devions toujours exprimer la vérité sans violence, que ce soit dans nos pensées, dans nos paroles ou dans nos actes.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Une « victoire » pour qui?

Chers Collègues :

On a annoncé hier que le patineur américain Johnny Weir a finalement décidé de ne pas ajouter de renard blanc à l’épaule gauche de son costume après avoir reçu « ‘des messages de haine et des menaces de mort’ de la part d’activistes des droits des animaux ».

Certains défenseurs des animaux jugent qu’il s’agit là d’une « victoire ».

Je trouve cela très surprenant.

Premièrement, à l’instar de toutes les campagnes ciblées promues par les néowelfaristes, l’incident suggère qu’il existerait une distinction moralement pertinente entre la fourrure et les autres produits d’origine animale. Ainsi que Weir l’a fait lui-même remarquer :

« Tous les patineurs portent des patins en cuir de vache.

Peut-être que je porte un joli petit renard blanc pendant que les autres portent des vaches, mais ce qui est sûr, c’est que nous portons tous des animaux. »

L’observation de Weir est, bien entendu, correcte. Et je me doute qu’il y aura également pas mal de laine dans les costumes. C’est pourquoi les campagnes ciblées comme celle-ci ont pour effet non pas d’éduquer le public, mais de l’embrouiller.

Dans tous les cas, Weir annonçant qu’il ne portera pas sa garniture en fourrure fait penser à quelqu’un qui, lors d’un repas composé de steaks, déclare qu’il ou elle ne va pas manger le flan aux œufs au dessert. Et puis après ?

Deuxièmement, et plus important encore, la décision de Weir de ne pas porter de fourrure ne ressortit absolument pas à des raisons morales.

Weir prétend avoir reçu « ‘des messages de haine et des menaces de mort’ de la part d’activistes des droits des animaux ».

« J’espère que ces activistes comprendront que ma décision de changer de costume ne constitue en aucune manière une victoire pour eux, mais un match nul », a-t-il déclaré dans son communiqué. « Je n’ai pas changé d’avis pour les satisfaire, mais pour protéger mon intégrité et l’intégrité des Jeux Olympiques aussi bien que celle de mes camarades concurrents ».

« A quelques semaines de mon entrée sur la glace à Vancouver, je dois m’inquiéter de ma technique et de mon entraînement, et ceci est plus important que n’importe quel costume ou n’importe quelle menace que je peux recevoir. »

Il ne s’agit en aucun cas d’une victoire pour les animaux. En réalité, c’est une défaite. Nous ne remporterons jamais aucune « victoire » tant que celle-ci sera fondée sur la violence ou des menaces de violence. La violence est intrinsèquement mauvaise et inepte stratégiquement en ce qu’elle renforce la catégorisation des « animalistes » en fous qui menacent les gens en les soumettant. Cela attise naturellement le ressentiment du public et ruine toute discussion sérieuse à propos de l’exploitation animale.

Weir s’inquiétait peut-être de l’éventualité de recevoir une tarte en pleine figure alors qu’il patinait. Cette inquiétude n’était pas sans fondement : la semaine dernière, PETA a lancé une tarte sur Gail Shea, la ministre des Océans et de la Pêche Canadienne. Dans tous les cas, Weir a pris une décision simple, pratique et calculée, certainement pas une décision éthique, et l’a fait savoir au monde entier.

Si nous voulons que le paradigme se déplace jamais, alors nous devons réaliser une révolution du cœur. A mon avis, le point central de notre entreprise doit consister en une sensibilisation au véganisme créative et non-violente. Les campagnes ciblées ne servent qu’à renforcer le préjugé du public selon quoi la position des animalistes est incohérente : quelle est la différence entre une garniture en fourrure et des patins en cuir ou des vêtements en laine ? Et nous n’arriverons jamais à rien avec la violence ou des menaces de violence. Le problème est la violence ; la violence ne sera jamais la solution.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

P.S. : Je lance cordialement une invitation à Priscilla Feral, la présidente de Friends of Animals, le groupe qui a adressé à Weir une lettre ouverte, afin qu’elle veuille bien discuter avec moi par podcast du cas Weir, et plus généralement du bien-fondé des campagnes ciblées. Et bien entendu, je reste également disponible pour débattre cordialement du néowelfarisme avec Wayne Pacelle, Ingrid Newkirk ou d’autres présidents de grandes organisations, ainsi qu’avec Peter Singer et Bernie Rollins.

Je tiens à souligner que je ne remets absolument pas en question la sincérité d’aucune de ces personnes. Je suis même persuadé qu’elles sont sincères. Je crois simplement que le néowelfarisme se trompe, comme se trompent ceux qui embrassent une approche ciblée, et qu’une discussion pourrait aider à y voir plus clair.

Commentaire n°15: La chance tourne

Chers Collègues :

Victor Schonfeld, le réalisateur de The Animals Film, film influent tourné en 1982, a fait suivre One Planet: Animals and Us, son documentaire en deux parties diffusé sur la BBC, d’un éditorial intitulé The Five Fatal Flaws of Animal Activism paru dans le Guardian, l’un des principaux journaux du Royaume-Uni.

Une fois encore, Schonfeld a clairement fait comprendre que le mouvement animaliste dominant s’était égaré. Il a critiqué les campagnes welfaristes, la promotion de la viande et des produits d’origine animale « heureux », le fait que l’on décerne des prix à certains concepteurs d’abattoirs ainsi que le sexisme éhonté de PETA. Il a une fois de plus défendu l’idée que le véganisme devait constituer la base morale du mouvement.

Schonfeld a été extrêmement critiqué par Vegan Outreach, qui fait désormais clairement partie de la mouvance bien-être animal/viande « heureuse ». Mais encore plus remarquable fut, trois jours après la parution de l’éditorial de Schonfeld, la réponse d’Ingrid Newkrik (PETA) au Guardian, défendant le statut d’organisation de bien-être animal de PETA et dépeignant ses campagnes sexistes comme d’ « inoffensives bouffonneries ».

J’ai, ici-même, consacré un billet à l’éditorial de Newkirk.

Dans ce Commentaire, j’aborde la question de savoir si la chance est en train de tourner en faveur d’une approche végane-abolitionniste créative et non-violente. Mes invités sont le Dr Roger Yates, le principal sociologue de mouvement animaliste, qui enseigne à l’Université du Pays de Galles ainsi qu’au University College (Dublin), et Vincent J. Guihan, un doctorant de l’Université Carleton au Canada ayant une perception très subtile de la politique du mouvement.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione