Chers Collègues :
La Vegan Society m’a informé que le numéro 2 de la revue The Vegan de l’automne 1946, de même que d’autres numéros de cette même période, publiés par Donald Watson, contenaient des publicités d’établissements végétariens fournisseurs des végans.
Je pense que faire de la publicité en 1946 pour des établissements proposant des produits laitiers mais pas de viande, confortait nécessairement l’idée que viande et produits laitiers se distinguent sur le plan moral, ce que pourtant Watson a prétendu rejeter en 1944. Il est impossible de ne pas voir là une incohérence flagrante.
Il semble donc que Watson, ou bien ne percevait pas l’incohérence existant entre ses actions et sa position, ou bien ne pensait pas ce qu’il avait dit en 1944. Eprouvant malgré tout toujours du respect pour Watson en tant que visionnaire, j’assume donc le premier Watson. Compte tenu du caractère novateur du véganisme en 1944 et du fait que la Grande-Bretagne venait juste de traverser la Deuxième Guerre mondiale et connaissait encore le rationnement (qui a perduré jusque dans les années 1950), le contexte historique était tel qu’il peut être compréhensible que Watson ait pu tout simplement ne pas avoir conscience de cette incohérence.
Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas en 1946. Du temps a coulé sous les ponts pour reconnaître qu’une façon d’agir qui a débuté apparemment en 1946 ne peut être conciliée avec l’idée selon laquelle viande et produits laitiers sont moralement indifférenciables. L’inconséquence est claire et flagrante.
J’ajouterais que lorsque j’ai posté mon observation initiale sur la page Facebook de la Vegan Society, son directeur des relations publiques a déclaré : « L’acceptation des publicités (y compris des encarts) dans le magazine The Vegan ne sous-entend pas notre approbation desdites publicités. » Mais tel que je le comprends, la politique de la Vegan Society est apparemment que ces publicités d’établissements végétariens fournisseurs des végans sont acceptables, et que cette manière d’agir est justifiée sur la base d’une pratique qui a commencé apparemment à la fin des années 1940. J’ai déjà posé deux fois la question (sans recevoir de réponse), de savoir si la Vegan Society accepterait des publicités, dans The Vegan, d’établissements servant de la viande. Si tel n’était pas le cas, alors cela signifierait qu’elle avalise effectivement le fantasme selon quoi les produits laitiers seraient moralement moins inacceptables que la viande.
La Vegan Society est aujourd’hui une grosse organisation aux ressources et au personnel nombreux. Elle fonctionne au sein d’un mouvement moderne général qui rejette le véganisme en tant que principe moral de base, promeut les produits d’origine animale « heureux », embrasse largement le « flexitarisme » et la croyance que viande et produits laitiers sont moralement différenciables. Le mouvement actuel plébiscite l’ovo-lacto-végétarisme sous prétexte que le véganisme serait trop difficile et rebutant. Je ne comprends toujours pas, indépendamment de ce qui s’est passé en 1946 ou à d’autres époques, pourquoi la Vegan Society ne se rend pas clairement compte aujourd’hui que si elle croit réellement que viande et produits laitiers sont moralement indifférenciables, alors elle ne doit pas faire de publicité pour des établissements servant l’une et les autres, car cette attitude renforce simplement une distinction morale dont la Vegan Society prétend par ailleurs qu’elle n’existe pas.
C’est une chose que d’offrir par commodité une liste de lieux offrant des options véganes pour les voyageurs. Mais accepter des publicités payées d’établissements servant ou vendant des produits d’origine animale est problématique.
J’espère qu’il sera demandé aux administrateurs de la Vegan Society de changer de politique. C’est mon plus sincère espoir que de les voir décider de ne plus faire de publicité pour des établissements servant ou vendant des produits d’origine animale. La Vegan Society de 2011 se doit d’être, sur ce point, claire comme le cristal, même si la Vegan Society de 1946 ne percevait pas l’inconséquence entre le fait de dire que viande et produits laitiers (ou les autres produits d’origine animale) sont moralement indifférenciables tout en faisant de la réclame pour des établissements servant des produis laitiers ou d’autres produits animaux non-carnés.
Et j’espère que les membres de la Vegan Society feront clairement comprendre aux administrateurs que la Vegan Society doit être végane et ne doit, en aucun cas, promouvoir la consommation de quelque produit d’origine animale que ce soit, ou renforcer de quelque façon que ce soit l’idée que la viande peut être distinguée moralement des produits d’origine animale non-carnés.
S’il est une organisation qui doit représenter, et représenter clairement, le fait que le véganisme constitue sans équivoque et de façon non négociable le principe moral de base, c’est bien la Vegan Society.
Si vous n’êtes pas végan, devenez-le. C’est facile ; c’est meilleur pour votre santé et pour la planète. Mais surtout, c’est, moralement, la bonne chose à faire.
Le monde est végane ! Si vous le voulez.
Gary L. Francione
©2011 Gary L. Francione
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Addenda : 22 février 2011
Un membre de la Vegan Society a partagé avec moi une réponse reçue de l’organisation à ce sujet. La Vegan Society déclare :
Un de nos buts est d’encourager les restaurateurs à fournir des options véganes sur leur menu standard, de sorte à offrir plus de choix aux végans mangeant à l’extérieur. Beaucoup de gens nous disent que la raison pour laquelle ils ne deviennent ou ne restent pas végans est due au fait qu’il est difficile de trouver de la nourriture végane à l’extérieur. Malheureusement, à l’heure actuelle, il serait difficile de manger dans des restaurants ou de séjourner dans des hôtels purement végans, mais comme la demande augmente, nous espérons qu’il y aura beaucoup plus d’établissements végans. Nous travaillons en coopération avec les commerces afin de les encourager dans le sens du véganisme.
En quoi ceci répond-il au problème de savoir si la Vegan Society doit prendre des publicités payantes de restaurants servant des produits d’origine animale ? Réponse : en rien.
La question n’est pas de savoir si les végans peuvent ou ne peuvent pas manger/résider dans des restaurants ou des hôtels non végans. La question est de savoir si la Vegan Society doit accepter des publicités payées pour des restaurants servant des œufs et des produits laitiers. La réclame pour Lancrigg décrit cet endroit comme « Un Havre de Paix & d’Inspiration ». Je doute fort que les animaux exploités pour leurs œufs ou leur lait soient d’accord avec cette description idyllique.
La question n’est pas de savoir si la Vegan Society doit « travailler en coopération avec les commerces afin de les encourager dans le sens du véganisme. » La Société peut le faire sans accepter de publicités payées pour des établissements servant les produits de la torture et de l’exploitation animales.
La réponse de la Vegan Society se poursuit :
Sur chaque couverture du magazine figure une déclaration stipulant : « Les points de vue exprimés dans The Vegan ne reflètent pas nécessairement ceux de la rédaction ou du Conseil de la Vegan Society.
Rien de ce qui est imprimé, à moins que ce ne soit déclaré, ne doit être interprété comme représentant la politique de la Vegan Society. La Société n’accepte aucune responsabilité en aucune matière de ce qui paraît dans le magazine. L’acceptation des publicités (y compris des encarts) ne sous-entend pas notre approbation desdites publicités.
J’espère que mes amis de la Vegan Society me pardonneront, mais je trouve tout ceci insultant. Donc si une Société pour femmes battues possède un magazine qui fait de la réclame pour un établissement vendant de la pornographie sadomasochiste (ou, plutôt, offre des occasions de se lancer dans des rapports sadomasochistes et misogynes avec des femmes), il suffira à ce magazine de dire qu’elle la désavoue et tout ira bien ? Allons allons, personne n’achèterait un tel magazine dans le contexte de la défense des femmes battues, et personne ne doit l’acheter non plus dans le contexte de la défense animale.
Si la Vegan Society veut fournir aux voyageurs une liste d’endroits végans ou permettre aux gens de savoir où prendre un repas végan, c’est une chose. Les publicités pour de tels endroits en sont une autre. Si la Vegan Society fait de la réclame pour un produit végan et que la publicité dit que ce produit est « disponible à Sainsbury’s », c’est une chose. Une publicité générale pour le rayon nourriture de Sainsbury’s, qui peut comporter des produits végans, en est une autre.
Enfin, étant donné que la société en général, et le mouvement animaliste, font toujours la distinction entre viande et produits d’origine animale non carnés et considèrent la première comme plus acceptable moralement que les seconds, cela nourrit la crédulité qui consiste à dire qu’une réclame pour un restaurant végétarien servant œufs et produits laitiers ne renforce pas une distinction qui n’a pas de fondement moral et que la Vegan Society prétend d’ailleurs rejeter.
La Vegan Society existe parce qu’elle est censée reconnaître qu’il y a une différence entre une approche « flexitarienne » de la vie et une autre qui affirme qu’il est possible d’être végan avec constance dans le monde réel. Alors pourquoi ne pas promouvoir cet idéal partout où le peut la Société ? Un nombre infini d’associations se vantent de considérer le véganisme comme une sorte d’idéal mais font la promotion du végétarisme comme si c’était une posture morale cohérente. Beaucoup de ces associations sont plus grandes que la Vegan Society et sont en mesure de promouvoir ce message plus efficacement.
La Vegan Society doit être claire sur le fait que végan veut dire végan, et scrupuleuse quant à ne pas faire de réclame pour les produits non-végans de quelque établissement que ce soit.
Gary L. Francione
©2011 Gary L. Francione