Un rêve welfariste devient réalité !

Chers Collègues :

Imaginez que vous trouviez une campagne ciblée qui vous permettra d’engranger de l’argent sans fin, 24 h/24, sept jours sur sept, de sorte que vous (et, surtout, vos donateurs) puissiez « aider les animaux ».

Imaginez que cette campagne ne contraigne personne à changer sa conduite envers les animaux. Que tout le monde puisse continuer à manger des steaks, à boire du lait, à porter de la laine ou du cuir, à aller au cirque et à passer l’après-midi dans les champs de courses, tout en éprouvant le délicieux sentiment d’être une personne douée de « compassion ».

Imaginez une campagne dont le but est précisément de définir la « maltraitance animale » de manière si étroite qu’à peu près nul donateur potentiel, peu importe la quantité de viande, de lait, d’œufs, de fromage, de beurre ou de glace qu’il ingurgite, peu importe la nature de ce qu’il consomme et la forme d’exploitation légalisée à laquelle il participe, ne sera considéré comme participant à la « maltraitance animale ».

Tout ce que les gens auront à faire sera de soutenir des actions complètement dépourvues de sens – par un don, bien entendu.

Ne cherchez pas plus loin, j’ai la campagne qu’il vous faut : la campagne des registres contre la maltraitance animale.

Le Comté de Suffolk, dans la moitié est de Long Island, a créé cette semaine le premier registre de maltraitance animale. Cette loi exigera que les personnes condamnées pour cruauté envers les animaux soient enregistrées par les autorités ou fassent face à la prison et aux amendes. La loi Suffolk est modelée sur les « Lois Megan » qui ont créé des registres pour les agresseurs d’enfants.

Désormais, nous serons donc en mesure d’identifier les « agresseurs d’animaux », tout au moins dans une partie de Long Island.

Mais attendez.

Les supermarchés du Comté de Suffolk qui vendent des morceaux de corps et des produits d’origine animale figureront-ils sur le registre ? Eh bien non, car la vente de morceaux de corps d’animaux ou de produits d’origine animale est parfaitement légale. Ce n’est pas de la « maltraitance animale ».

Et les habitants du Comté de Suffolk qui consomment des produits d’origine animale – ainsi que tous ceux d’entre nous qui créons la demande en produits d’origine animale – figureront-ils sur le registre ? Bien sûr que non. Consommer des animaux ne constitue pas une violation de la loi anti-cruauté.

Par conséquent, qui est exactement visé par cette loi ?

Eh bien, selon l’article en lien ci-dessus, il y a la femme qui a torturé les chats :

La loi fut motivée par de nombreux cas de maltraitance animale survenus au cours des mois précédents, dont celle d’une femme de Selden accusée d’avoir forcé ses enfants à assister à la torture et au meurtre de chats et de douzaines de chiens, avant de les brûler dans son arrière-cour.

Il est clair désormais que le problème est ici. En définissant par  « maltraitance animale » les conduites rares et pathologiques se heurtant aux lois anti-cruauté – conduites représentant sans doute moins que le millionième d’1 % de l’usage que nous faisons des animaux -, on ne touche pas à ce qui est considéré comme « normal ». On renforce l’idée qu’utiliser n’est pas maltraiter, et que la maltraitance constitue l’exception à la règle plutôt que la règle de chaque seconde de chaque jour. En outre, cette loi s’appliquera majoritairement aux situations impliquant les animaux que nous fétichisons : les chiens, les chats, etc. Autrement dit à ceux que nous aimons et que nous considérons comme des membres de notre famille, tout en plantant allégrement notre fourchette dans le corps des autres.

Bref, c’est une initiative dépourvue de sens qui servira seulement à renforcer l’idée qu’il est correct d’exploiter les animaux tant que nous ne les « maltraitons » pas.Cette initiative dit même que notre utilisation « normale » des animaux n’est pas de la maltraitance.

Il est tout aussi clair que cette sorte de campagne est un rêve welfariste qui devient réalité : c’est une campagne que tout le monde peut soutenir et qui donnera l’impression aux gens d’être vertueux. Seuls les « méchants » maltraitent les animaux, et ils figurent dans le registre criminel ; quant à nous autres, nous sommes des gens doués de « compassion ».

Je peux vous assurer que cette campagne constitue un filon du welfarisme animal qu’on ne pourra pas arrêter. En fait, si vous voulez grimper à bord, vous feriez mieux de vous dépêcher, car il est déjà en train de quitter la gare :

Les militants du bien-être animal espèrent que la loi, votée mardi à l’unanimité dans la banlieue du Comté de la ville de New York qui compte 1,5 million d’habitants, inspirera les gouvernements du pays tout entier, de la même façon que les registres de la Loi Megan pour les agresseurs d’enfants se sont multipliés au cours de la dernière décennie.

Plus d’une douzaine d’Etats ont introduit une législation visant à établir des registres similaires, mais le Comté de Suffolk est la première entité gouvernementale à voter une telle loi, a déclaré Stephan Otto, directeur des affaires législatives du Fonds de Défense Légale des Animaux.

PETA a déjà fait part de son soutien enthousiaste aux registres. PETA estime-t-elle que la conceptrice d’abattoirs et consultante en industrie de la viande Temple Grandin devrait y figurer ? Rentre-t-elle dans la catégorie des « agresseurs d’animaux » ? Non ; PETA a décerné un prix à Grandin.

Et Whole Foods, qui vend de la viande « heureuse » et d’autres produits d’origine animale soutirés aux animaux torturés ? Non, car PETA (avec la plupart des grosses sociétés commerciales du bien-être animal) soutient les produits d’origine animale « heureux » vendus par Whole Foods.

Et les organisations animalistes aux vastes budgets qui préfèrent tuer les animaux plutôt que de mettre sur pied un programme d’adoption ? Sont-ils des « agresseurs » ? Non, PETA tue 90 % des animaux qu’elle recueille dans ses installations, donc cela ne saurait constituer de la maltraitance, n’est-ce pas ?

Et les gens qui consomment des produits d’origine animale ? PETA les considère-t-elle comme des « agresseurs d’animaux » ? Ce serait légèrement embarrassant étant donné que la moitié des membres de PETA, selon le vice-président de l’organisation Dan Mathews, ne sont même pas végétariens.

Cela vient renforcer mon avis selon lequel l’idée des registres d’agresseurs n’est qu’une tentative de définir la « maltraitance » par l’exception pathologique consistant à torturer des chatons et des chiens dans son arrière-cour. Ce genre d’épisode est extrêmement rare. C’est l’exploitation journalière faite par des gens ordinaires, y compris celle perpétrée, facilitée et approuvée par le business du bien-être animal, qui constitue la vraie maltraitance.

Mais soyez relax ! Il doit y avoir plein de dollars à se faire là-dedans. Il existe 50 Etats plus Washington D.C., divers territoires et des centaines de milliers de comtés, de villes, de villages, etc. C’est une campagne qui peut s’étendre sur des décennies et dont la durée de vie en termes de collectes de fonds est presque illimitée. J’imagine déjà les Marches en faveur des Registres menées par des célébrités diverses et variées, permettant à chaque femme, homme ou enfant d’acheter son passeport pour se démarquer de la classe des « agresseurs d’animaux » en faisant un don pour s’assurer que les vrais « agresseurs d’animaux » figurent bien dans les registres criminels pendant que nous continuerons d’avoir bonne opinion de nous-mêmes. Je suis sûr que l’on prévoit déjà d’organiser des événements médiatiques avec des femmes nues portant seulement des morceaux de papier avec les noms des délinquants figurant dans les registres. Oh, tous les sacrifices que certains feront « pour les animaux »…

Et que dire de la femme de Long Island qui a torturé les chiens et les chatons ? N’est-ce pas une bonne idée que d’avoir un registre pour identifier les gens comme elle ?

Eh bien, ce n’en est pas une si vous croyez traiter des cas similaires de la même façon.

Vous voyez, cette personne a torturé des chiens et des chatons parce qu’elle en retirait plaisir et satisfaction. Etait-ce mal ? Certainement. Mais en quoi ce qu’elle a commis diffère-t-il réellement de ce que le reste d’entre nous faisons ? La plupart d’entre nous mangeons des produits d’origine animale, et les animaux dont ces produits sont issus ont été torturés exactement autant que les chiens et les chatons de l’affaire de Long Island. Mais cette femme est une criminelle, tandis que nous autres, qui soutenons le registre et d’autres trucs du même acabit, sommes des gens doués de « compassion ». Cherchez l’erreur.

Il y a quelques années (2007), j’avais fait la remarque que Michael Vick, qui a purgé sa peine pour avoir organisé des combats de chiens, ne différait pas vraiment du reste d’entre nous. Il aimait s’asseoir autour d’une fosse et regarder des chiens se battre entre eux ; nous autres aimons nous asseoir autour d’une fosse à barbecue pendant que rôtissent les corps d’animaux qui ont été torturés exactement autant (sinon plus) que les chiens de Vick. La seule différence entre lui et nous est que nous payons quelqu’un pour faire le sale boulot à notre place. Mais nous prenons plaisir à consommer les produits de l’exploitation exactement comme Vick prenait plaisir à ce qu’il faisait.

Tout cela, c’est de la schizophrénie morale.

Si vous n’êtes pas vegan, devenez-le. C’est facile, c’est meilleur pour votre santé et pour la planète. C’est surtout, sur le plan de l’éthique, la bonne et la juste chose à faire. C’est ce que nous devons aux autres animaux. Si vous êtes vegan, alors sensibilisez les autres au véganisme.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione