Depuis que nous avons lancé notre nouveau site, je reçois des douzaines de questions chaque jour. Malheureusement, je ne peux offrir une réponse personnalisée à chacune d’elles, mais sachez que j’apprécie votre intérêt pour l’approche abolitionniste.
Il y a, malgré tout, certaines questions auxquelles je me sens obligé de répondre parce qu’elles concernent directement la philosophie dont j’essaie de faire la promotion.
La semaine dernière, quelqu’un m’a écrit ce qui suit :
Je comprends que le spécisme est problématique parce que, comme le racisme et le sexisme, il consiste à attribuer une valeur négative à l’espèce de la même manière que le racisme consiste à attribuer une valeur négative à la race ou que le sexisme consiste à attribuer une valeur négative au fait d’être une femme. Mais souvent, vous comparez également le spécisme à l’hétérosexisme. Or, je crois qu’il y a pourtant là une différence importante parce que, contrairement à la race ou au sexe, qui n’ont aucune valeur morale inhérente, les relations sexuelles entre membres du même sexe peuvent être considérées comme immorales parce que de telles conduites ne sont pas naturelles.
Ce n’est pas la première fois qu’on m’exprime cette position et je voudrais la commenter et expliquer pourquoi je pense que l’hétérosexisme ne peut être distingué du racisme ou du sexisme.
Premièrement, ceux qui défendent le racisme ou le sexisme continuent de soutenir qu’il y a des différences entre les blancs et les gens de couleur, ou entre les hommes et les femmes, différences qui justifient un traitement différent et discriminatoire et qui rendent l’égalité entre les races ou les sexes « non-naturelle ».
Ainsi, les racistes et les sexistes ne considèrent pas leur point de vue comme arbitraire; ils pensent plutôt que leur opinion préserve un certain ordre « naturel », basé sur une supposée supériorité de faits des blancs ou des hommes.
Deuxièmement, l’hétérosexisme est similaire au racisme et au sexisme en ce qu’il refuse aux gais et aux lesbiennes le statut de membre à part entière de la communauté morale en raison de leur orientation sexuelle, qui est jugée « non-naturelle » par les hétérosexuels pour qui l’hétérosexualité est une orientation sexuelle supérieure.
Certains prétendent qu’être gai ou lesbienne n’est pas « naturel » parce que de telles relations ne peuvent entraîner la procréation. Il y a pourtant plusieurs façons pour les couples gais ou lesbiens de devenir parents. Comme il y a plusieurs couples hétérosexuels qui utilisent les technologies de reproduction, l’adoption ou la maternité de substitution pour devenir parents. De plus, il y a de nombreux hétérosexuels qui ne peuvent pas avoir d’enfant ou qui décident de ne pas en avoir. Est-ce qu’il y a quelque chose de « non-naturel » dans le fait d’avoir des relations en dépit d’une telle incapacité ou d’un tel choix?
Il est remarquable que, encore aujourd’hui, certains défendent cette vieille rengaine – la prétention selon laquelle les gais et lesbiennes sont davantage enclins à imposer leur orientation sexuelle aux autres, particulièrement aux enfants. Cette prétention est dénuée de tout fondement empirique; c’est peut-être même, en fait, le contraire. En tant que jeune étudiant, je ne peux me souvenir d’un seul cas où un professeur homosexuel aurait flirté avec un étudiant, alors que je me souviens de plusieurs cas où des professeurs mâles hétérosexuels se sont conduits de manière inacceptable avec des étudiantes. En plusieurs sens, l’argument consistant à dire que les gais et lesbiennes risquent de « recruter » des jeunes gens est analogue à l’argument, soutenu il n’y a pas si longtemps, selon lequel les hommes de couleur « convoitent » les femmes blanches et les prendraient toutes si nous n’appliquions pas la ségrégation.
Finalement, il y a ceux qui jugent que l’orientation gaie/lesbienne est « non-naturelle » pour des raisons religieuses. Le problème de cette position est que l’esclavage, l’oppression des femmes, et à peu près toute autre forme de discrimination peuvent aussi s’appuyer sur différentes doctrines religieuses ou, à tout le moins, sur certaines interprétations de ces doctrines. Rappelons-nous que la Bible a été un des principaux outils ayant servis à justifier l’esclavage humain.
Je reste donc sur ma position à l’effet que la discrimination en fonction de l’espèce n’est pas différente du racisme, du sexisme ou de l’hétérosexisme, mais cette question m’a rappelé à quel point il reste du travail à faire pour démanteler les solides structures des préjugés dans notre société.
Gary L. Francione
© 2007 Gary L. Francione