Quelques réflexions sur le sens du mot « vegan »

Chers Collègues :

On discute beaucoup du sens du mot « végan ».

Le « véganisme » signifie au minimum ne pas consommer la chair, les produits laitiers et les autres produits d’origine animale. En ce sens, « végan » veut dire « régime alimentaire végan ». Donald Watson, qui a inventé le terme « végan », l’utilisait dans ce sens-là lorsqu’il déclarait par exemple : « Où que l’être humain habite, il peut avoir un régime végan. »

Des personnes différentes peuvent avoir différentes raisons (éthique/spiritualité, santé, environnement) d’adopter un régime alimentaire végan. Les gens qui suivent un tel régime peuvent également, pour des raisons diverses, éviter l’utilisation d’autres produits d’origine animale dans des contextes qui dépassent le simple régime alimentaire. Par exemple, une personne qui adopte un régime alimentaire végan peut également ne pas porter de produits d’origine animale sur sa peau pour des raisons de santé (les produits appliqués sur la peau allant en effet à l’intérieur du corps). Une personne qui adopte un régime alimentaire végan pour des raisons environnementales peut aussi ne pas porter un certain produit d’origine animale en raison de l’impact sur l’environnement engendré par la production dudit produit.

Ceux qui adoptent un régime végan pour des raisons éthiques/spirituelles se répartissent également en différents groupes. Certains considèrent leur régime végan comme un moyen de réduire la souffrance animale. C’est-à-dire qu’ils ne pensent pas qu’il soit mal en soi de tuer les animaux pour notre usage, mais qu’en revanche il est mal de leur infliger de la souffrance. Par conséquent, ils évitent de manger ou d’utiliser des produits d’origine animale. S’il existait des méthodes sans douleur d’élever et de massacrer les animaux pour l’usage des hommes, ces végans éthiques ne s’opposeraient pas à l’utilisation des animaux. Ces personnes ne sont pas nécessairement – et ne le sont généralement pas – engagées dans l’abolition de l’exploitation animale. Elles poursuivent des réformes régulatrices dont elles croient, à tort de mon point de vue, qu’elles réduiront la souffrance des animaux.

Le concept de « véganisme éthique », que j’utilise de manière interchangeable avec celui de « véganisme abolitionniste », va bien au-delà du simple régime alimentaire végan, et refuse catégoriquement la consommation des animaux ou leur utilisation quelle qu’elle soit. Un végan éthique suit un régime alimentaire végan et refuse de consommer des produits d’origine animale. Mais il ne porte pas non plus, ni n’utilise, de produits d’origine animale quels qu’ils soient. Un végan éthique condamne la réification et la marchandisation des nonhumains considérés (par la loi et la société) comme des biens. Un végan éthique est engagé dans l’abolition de l’exploitation animale. En outre, les végans éthiques reconnaissent qu’une agriculture basée sur l’exploitation des animaux cause du mal aux humains aussi bien qu’aux nonhumains, et établissent une connexion entre les droits des humains et les droits des animaux. Le véganisme éthique constitue la ligne de fond morale du mouvement des droits des animaux. Le véganisme éthique représente un engagement pour la non-violence dans sa vie de tous les jours.

D’après mon expérience, le véganisme éthique est le seul type d’approche qui débouche sur une conduite réellement cohérente. Les personnes qui sont véganes seulement pour leur santé « trichent » souvent, exactement comme toutes celles qui suivent un régime alimentaire dans cette optique. Les personnes qui sont véganes pour des raisons environnementales peuvent non seulement manquer à leur engagement, mais décider en outre qu’un produit d’origine animale a moins de conséquences néfastes sur la nature que les produits non-animaux. Une personne qui considère le véganisme seulement comme un moyen de réduire la souffrance peut manger ou utiliser un produit d’origine animale si elle estime que plus de souffrance sera causé si elle ne le fait pas. Par exemple, certains individus, à l’instar de Peter Singer et d’autres, maintiennent que nous devons manger des produits d’origine animale si nous ne voulons pas amener les autres à croire que le véganisme est trop dur à appliquer, et de ce fait les dissuader de réfléchir au véganisme. Ces végans deviennent alors des végans « flexibles », ce qui, de mon point de vue, signifie qu’ils ne sont pas vraiment végans. Un végan éthique voit le véganisme comme une approche générale de la vie – une philosophie de la vie –, et pas seulement comme un style de vie.

Un dernier commentaire (pour le moment) : la santé et le souci de l’environnement peuvent revêtir des aspects moraux. Par exemple, des personnes peuvent suivre un régime végan parce qu’elles estiment qu’infliger des dommages physiques à leurs corps en consommant des produits d’origine animale est une forme de violence (de mal fait à elles-mêmes), et que donc c’est immoral. Des personnes qui suivent un régime végan ou évitent d’utiliser des produits d’origine animale pour des raisons écologiques peuvent le faire non par souci utilitaire de préserver l’environnement, mais parce qu’elles jugent que les conséquences environnementales affectent directement humains et nonhumains, et qu’elles violent les droits de ces êtres sentients. Un végan éthique ou abolitionniste, qui considère toute forme de consommation ou d’utilisation de produits d’origine animale comme une violation des droits des animaux, peut également éviter les produits d’origine animale pour des raisons de santé et environnementales.

Pour résumer, les gens peuvent être végans pour différentes raisons. Selon moi, le véganisme éthique ou abolitionniste est la seule approche débouchant sur une conduite réellement cohérente. Nous devons, cependant, nous convaincre qu’aucune forme de véganisme n’est cohérente dès lors que des produits animaux sont consommés. C’est-à-dire que suivre un « régime vegan » est le sens minimal du mot « végan ». De mon point de vue, un « végan » est quelqu’un qui ne mange, n’utilise ou ne porte absolument aucun produit d’origine animale. Mais il est également exact de dire d’une personne qui ne mange aucun produit d’origine animale qu’elle suit un « régime végan ». L’absence de produits d’origine animale est ici explicitement limitée au régime alimentaire. Comme je l’ai dit plus haut, les végans « flexibles » ne sont pas pour moi des végans, et, par définition, ils ne suivent même pas un régime végan.

J’écrirai bientôt plus longuement à ce sujet.

Si vous n’êtes pas végan, devenez-le. C’est incroyablement facile. C’est meilleur pour la santé et la planète. Mais, par-dessus tout, c’est, moralement, la bonne chose à faire.

Gary L. Francione
©2009 Gary L. Francione