Chers Collègues :
Comme je l’ai déclaré dans mon billet, j’estime que l’affaire Weir était peu judicieuse. Etant donné que les patineurs portent du cuir, de la laine, etc., ce que les animalistes ont tenté de faire revenait à demander à quelqu’un prenant part à un festin de steaks de ne pas consommer une petite cuillère de crème glacée.
La Lettre Ouverte à Johnny Weir de Friends of Animals est un parfait exemple de ce que je considère comme étant le problème central de l’approche ciblée : elle lui a été adressée parce qu’il a annoncé son intention de porter de la fourrure. Ce n’était pas une Lettre Ouverte à l’équipe entière à propos de son utilisation de peaux animales, de patins en cuir et de vêtements en laine ou soie. Or il n’y a pas de distinction moralement cohérente entre la fourrure, le cuir, la laine ou la soie. De fait, Weir a invalidé la Lettre Ouverte en faisant lui-même cette simple observation.
La Lettre Ouverte se focalise en outre sur le problème du traitement et non de l’utilisation, ce que je considère incompatible avec l’approche abolitionniste. Franchement, que le renard ait été tué dans un élevage à fourrure, dans un piège non capitonné, capitonné, ou au lacet, etc., n’est pas pertinent. S’il avait été élevé dans un environnement agréable et tué sans douleur pendant son sommeil, je considérerais toujours cela inacceptable. Or la Lettre Ouverte suggère au public que le problème est la manière dont le renard a été traité, non le fait qu’il a été utilisé.
Comme je l’ai (plusieurs fois) écrit, moins de souffrance vaut toujours mieux que plus de souffrance, et je suis d’accord avec ce passage de la Lettre Ouverte : « Quelle que soit la manière [piège ou élevage à fourrure], il n’y a rien de séduisant ni de beau dans la cruauté que les animaux ont endurée. Celle-ci ne peut se justifier moralement. » Mais dire cela néglige le fait que, bien que la cruauté soit un problème important, le point essentiel n’est pas qu’elle ne puisse se justifier moralement ; le point essentiel est que l’utilisation des animaux – quelque « humaine » soit-elle – ne peut se justifier moralement. Telle est l’idée que nous devons exposer de manière claire et sans équivoque au public si nous voulons nous affranchir un jour du paradigme de l’exploitation « humaine ».
D’autre part, quelle différence cela fait-il que les renards soient « beaux », détail que la Lettre Ouverte mentionne à deux reprises ? S’ils étaient laids, cela ferait-il une différence ? C’est précisément cette façon de penser qui nous amène à nous sentir concernés par le massacre des bébés phoques et peu concernés par l’exploitation d’animaux qui nous plaisent moins. Nous ne devons pas renforcer l’idée que ce sont les animaux qui nous paraissent beaux qui importent (ou importent davantage), pas plus que nous ne devons encourager l’idée qu’un « joli » mannequin figure sur une publicité végane.
Je soutiens les efforts de FoA ou de n’importe quel groupe ou personne défendant le véganisme éthique (quoiqu’il semble que FoA consacre peu de moyens à l’éducation au véganisme relativement à leurs nouvelles campagnes ciblées welfaristes). Mais, quoi qu’il arrive, promouvoir le véganisme n’équivaut pas nécessairement à promouvoir l’abolition, laquelle, pour les raisons que j’ai énoncées dans mes livres, articles et billets, excluent les campagnes ciblées et l’approche par le traitement. C’est une des raisons pour lesquelles je recours souvent à l’expression « vegan abolitionniste ». Tous les vegans ne sont pas nécessairement abolitionnistes.
Je souhaite assurément que HSUS lance une campagne « Go Vegan ». Mais quand bien même ce serait le cas, cela ne ferait pas pour autant de HSUS une organisation abolitionniste. Le fait qu’un groupe promeuve le véganisme ne veut pas dire qu’il ne demeure pas un groupe welfariste de plus s’il continue de lancer des campagnes ciblées et d’encourager des réformes portant sur le bien-être. En fait, si HSUS faisait une campagne « Go Vegan », HSUS et FoA se ressembleraient beaucoup ! (FoA mène en effet beaucoup de ces campagnes ciblées.) Peut-être que cela explique la raison pour laquelle FoA était opposée à l’approche « Go Vegan » que je conseillais à HSUS d’adopter. FoA s’efforçait peut-être d’éviter de devenir une « HSUS allégée » et de rester dans cette seconde faction que Vincent Guihan a identifiée dans son article De HSUS et de l’hégémonie : le véganisme abolitionniste comme valeur d’avenir.
Comme je l’ai mentionné dans mon dernier billet, j’ai lancé une invitation à Priscilla Feral afin qu’elle débatte avec moi de ces problèmes par podcast. J’espère qu’elle y répondra positivement.
Le monde est végane ! Si vous le voulez.
Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione