Les chimpanzés, les dauphins et les éléphants comptent-ils davantage ?

Il existe une tendance parmi certains défenseurs des animaux consistant à associer l’individualité nonhumaine avec des animaux comme les chimpanzés, les dauphins ou les éléphants au prétexte que ceux-ci possèdent des capacités cognitives plus sophistiquées — c’est-à-dire des capacités cognitives de type humain. Je tiens à dire que, pour ce qui est de déterminer quels individus peuvent être traités comme des ressources remplaçables, un tel point de vue est complètement arbitraire. Les capacités cognitives peuvent être pertinentes dans certaines situations, mais pas dans celle-ci.

Considérez l’exemple suivant, pris dans un contexte humain : Mary est une brillante historienne ; Joe, lui, est handicapé mental. La différence entre leurs capacités cognitives respectives est-elle pertinente ? Oui, s’il s’agit de déterminer qui, de Mary ou de Joe, peut être nommé professeur d’histoire ; non, s’il s’agit de déterminer qui, de Mary ou de Joe, peut être utilisé comme donneur d’organes forcé ou comme sujet non-consentant d’expériences biomédicales. Ni Mary, ni Joe, ne doivent être utilisés dans un tel but.

Ce qui est moralement pertinent, c’est la sentience, ou le fait d’avoir une conscience subjective. Or, la plupart des animaux que nous exploitons quotidiennement — les vaches, les cochons, les poulets, les poissons — sont sentients. Si ces animaux ont une valeur morale, alors nous ne pouvons justifier le fait de les traiter comme des ressources, et nous ne pouvons, certainement, jamais le faire sans besoin ou sans nécessité. De fait, nous le reconnaissons déjà à un certain degré. Ainsi, la plupart d’entre nous se sont émus de l’affaire Michael Vick (qui organisait des combats de chiens), car nous estimons qu’il est mal d’infliger des souffrances non nécessaires aux animaux, et parce que Michael Vick l’a fait uniquement pour son plaisir et son divertissement personnels. Cela ne pouvait en aucune manière être considéré comme « nécessaire ».

Mais la plupart d’entre nous consomment des animaux et des produits d’origine animale, ce qui implique d’infliger à ces animaux des souffrances terribles et une mort violente, y compris dans les plus « humaines » circonstances d’exploitation. Quelle justification avons-nous pour leur imposer la souffrance et la mort ? Nous n’avons pas besoin de produits d’origine animale pour être en bonne santé. En outre, l’agriculture animale représente un désastre écologique. Notre meilleure justification ? Le plaisir gustatif. Rien d’autre. Par conséquent, nous sommes tous des Michael Vick.

Dans un article que j’ai écrit en 2005 pour The New Scientist, j’ai expliqué que l’idée selon laquelle certains animaux mériteraient plus que d’autres d’être considérés comme des personnes nonhumaines sont, comme par hasard, ceux que l’on trouve « spéciaux » parce qu’ils sont davantage « comme nous » — autrement dit les chimpanzés, les dauphins, les éléphants, etc. Sans surprise, cette idée est partagée par tous ceux qui affirment que certains animaux seulement, les « supérieurs », comptent moralement, et qu’il est acceptable de manger les autres, les « inférieurs ». Cette manière de penser l’éthique animale est similaire au fait de dire que les gens de couleur à peau claire comptent davantage que ceux à peau plus sombre. Ils sont davantage « comme nous », « nous » faisant référence à la norme raciste qui veut qu’être blanc soit ce qui est bien.

Dire que les animaux qui comptent davantage sur le plan moral sont ceux qui sont « comme nous » ne fait que renforcer le spécisme et ne le réfute en rien. Ethiquement parlant, un poulet a autant d’importance qu’un éléphant.

Il est temps de repenser l’éthique animale de manière fondamentale.

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Si vous n’êtes pas végan, devenez-le s’il vous plaît. Le véganisme est une question de non-violence. C’est d’abord une question de non-violence envers les autres êtres sentients. Mais c’est aussi une question de non-violence envers la terre et envers vous-même.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
Professeur, Rutgers University
©2013 Gary L. Francione