Chers Collègues :
Une fois de plus, on nous soutient qu’il n’y a aucune différence d’ordre significatif ou qualitatif entre les animaux et les plantes. Dans l’article No Face but Plants Like Life Too, bien qu’elle ait abandonné la consommation de viande, Carol Kaesuk Yoon écrit la chose suivante :
Mon entrée dans ce qui semblait être une position d’ordre moral était étonnamment déplaisante. J’étais assaillie non seulement par un désir étrangement intense de poulet mais aussi par des cauchemars où je mangeais un steak rare et somptueux — je pouvais sentir distinctement le goût de la graisse de cuisson — et desquels je me réveillais paniquée, jusqu’à ce que je comprenne que je n’avais été carnivore que dans mon imagination.
Les tentations et les mises à l’épreuve étaient partout. Ce qui fut le plus surprenant, c’est de découvrir que je ne pouvais en fait pas m’expliquer ni expliquer à qui que ce soit d’autre pourquoi tuer un animal était pire que tuer les nombreux végétaux que je mangeais désormais.
Elle découvre que :
formuler une justification véritablement rationnelle pour ne pas manger d’animaux, tout du moins lorsque l’on consommait toutes sortes d’autres organismes, était difficile, voire peut-être impossible.
Et elle déclare :
Les plantes n’ont pas l’air de se soucier d’être tuées, pour autant que l’on puisse observer. Mais c’est peut-être justement là que se trouve la difficulté.
À l’inverse d’une vache qui meugle, qui court, les réactions d’attaque d’une plante sont beaucoup plus difficiles à détecter pour nous. Mais tout comme un poulet qui court sans sa tête, le corps d’un plant de maïs arraché du sol ou coupé en morceaux lutte pour sa survie, aussi vigoureusement et avec autant de vains efforts, si ce n’est de façon moins évidente pour la vue et l’ouïe humaine.
Ce qui est troublant à propos de cet essai, c’est qu’il se trouve dans la rubrique Science du New York Times. Mais il n’y a pas la moindre trace de science ici.
Tout d’abord, personne ne doute du fait que les plantes soient vivantes, ni qu’elles réalisent toutes sortes de processus compliqués. Mais il y a une différence essentielle entre les plantes et les animaux.
La différence entre l’animal et le végétal implique la sentience. C’est à dire que les non-humains — ou du moins, ceux que nous exploitons régulièrement — sont clairement conscients de leurs perceptions. Les êtres sentients ont des pensées ; ils ont des préférences, des désirs, ou des volontés. Cela ne veut pas dire que les pensées animales sont comme les pensées humaines. Il se peut, par exemple, que les pensées des êtres humains, qui utilisent un langage symbolique pour évoluer dans leur monde, soient très différentes de celles des chauves-souris, qui utilisent l’écholocalisation pour parcourir le leur. Mais cela n’est pas pertinent ; l’être humain et la chauve-souris sont tous les deux des êtres sentients. Ils font tous les deux partie des catégories d’êtres qui ont des intérêts ; ils ont tous les deux des préférences, des désirs, ou des volontés. L’être humain et la chauve-souris peuvent avoir une conception différente de ces intérêts, mais il ne peut y avoir aucun doute raisonnable sur le fait qu’ils possèdent tous les deux des intérêts, y compris un intérêt à éviter la douleur et la souffrance ainsi qu’un intérêt à continuer à vivre.
La différence entre les plantes et les êtres humains et êtres sentients non-humains est qualitative dans le sens où les plantes sont très certainement vivantes mais ne sont pas sentientes. Les plantes n’ont pas d’intérêts. Il n’y a rien qu’une plante désire, veuille ou préfère car il n’y a aucune pensée pour opérer ces activités cognitives. Quand nous disons qu’une plante a « besoin » ou « veut » de l’eau, nous n’affirmons rien de plus au sujet de la situation mentale de la plante que lorsque nous disons qu’un moteur de voiture a « besoin » ou « veut » de l’huile. Il peut être dans mon intérêt de mettre de l’huile dans ma voiture. Mais ce n’est pas l’intérêt de ma voiture ; ma voiture n’a pas d’intérêts.
Une plante peut répondre à la lumière du soleil et à d’autres stimuli mais cela ne veut pas dire que la plante est sentiente. Si je fais passer du courant électrique au travers d’un fil attaché à une cloche, la cloche sonne. Mais cela ne veut pas dire que la cloche est sentiente. Les plantes n’ont pas de systèmes nerveux, de récepteurs de benzodiazépine, ni aucune des caractéristiques que nous attribuons à la sentience. Et tout cela est du bon sens scientifique. Pourquoi est-ce que les plantes auraient-elles évolué vers la sentience alors qu’elles ne sont pas en mesure de répondre à une attaque qui leur cause des dégâts ? Si vous placez une plante au contact d’une flamme, la plante ne peut pas s’enfuir ; elle reste là où elle se trouve et brûle. Si vous mettez un chien au contact d’une flamme, le chien fait exactement ce que vous feriez — il hurle de douleur et essaye de s’enfuir loin du feu. La sentience est une caractéristique qui est apparue chez certains êtres pour leur permettre de survivre en échappant à un stimulus nocif. La sentience ne serait d’aucune utilité à la plante ; les plantes ne peuvent pas « s’échapper. »
Même les Jaïns, qui considèrent que les plantes possèdent un sens (le toucher), reconnaissent que les plantes et les animaux (y compris les insectes) sont qualitativement différents et interdisent la consommation d’animaux mais pas celle de végétaux.
Ensuite, si C. Yoon se préoccupait réellement de l’exploitation des végétaux, alors elle reconnaîtrait qu’en mangeant des produits animaux, elle consomme en réalité plus de végétaux que si elle consommait ces végétaux directement. Il faut plusieurs kilos de plantes pour produire un kilo de viande. Alors lorsque C. Yoon s’assoit pour manger ce « steak rare et somptueux », elle consomme environ 12 kilos de plantes.
Si les plantes représentaient un problème d’ordre moral et si C. Yoon se souciait de moralité, alors, à moins qu’elle ne décide de jeûner jusqu’à la mort, elle demeure moralement obligée de manger des végétaux car elle en consommera moins si elle les consomme directement et elle évitera souffrance et mort aux mammifères, oiseaux ou poissons — lesquels sont tous clairement sentients au même titre que les êtres humains sont sentients (malgré toutes les différences cognitives entre les humains et les autres animaux).
C. Yoon soutient que nous pouvons douter du manque de sensibilité de certains animaux, tels que les éponges. Bien qu’il soit vrai qu’il existe toujours des zones d’ombre, je suis certain que C. Yoon ne mange pas beaucoup d’éponges. Les animaux que nous consommons régulièrement — vaches, poulets, porcs, poissons — sont tous indubitablement sentients.
Alors quel est le sens de tout cet essai ?
La réponse se trouve dans le dernier paragraphe, qui commence par :
Mes efforts pour renoncer à la viande n’ont pas duré plus que quelques années.
C. Yoon ne voulait pas être végétarienne plus longtemps. Elle avait très envie de ce « steak rare et somptueux ». Il lui a fallu se convaincre qu’il n’y avait aucune différence entre les plantes et les animaux, que c’était vraiment du pareil au même, de telle sorte qu’elle soit en mesure de manger ce steak dont elle rêvait. Mais cela n’a rien à voir avec de la science.
Rien n’est plus à même d’évoquer chez quelqu’un une inquiétude si fervente pour les végétaux qu’une invitation à ne plus consommer de produits d’origine animale ou le désir de recommencer à en manger. Rien.
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Si vous n’êtes pas végan, devenez-le. C’est facile ; c’est meilleur pour votre santé et pour la planète. Mais surtout, c’est, moralement, la bonne chose à faire.
Le monde est végane ! Si vous le voulez.
Gary L. Francione
©2011 Gary L. Francione