Archives annuelles : 2010

Le véganisme : seulement un moyen parmi d’autres pour réduire la souffrance ou un principe fondamental pour la justice et la non-violence?

Chers collègues:

Il est primordial de comprendre qu’il existe des différences significatives parmi ceux qui se considèrent végans.

Il y a une différence entre ceux qui maintiennent que le véganisme est simplement un moyen pour réduire la souffrance et ceux qui maintiennent que c’est un engagement fondamental pour la justice, la non-violence et la reconnaissance de la personnalité morale des animaux non-humains.

La différence entre ces deux groupes n’est pas seulement un problème théorique abstrait – cela a de profondes conséquences pratiques.

La position dominante parmi les nouveaux réformateurs est que le véganisme est un moyen, parmi d’autres, pour réduire la souffrance. Veuillez bien comprendre que dans cette optique, le véganisme n’est en rien différent des élevages de poules hors-cage ou bien de la viande produite au sein d’abattoirs conçus par Temple Grandin, récompensée par la PETA. Ce sont, disent les néo-réformistes, seulement des méthodes pour réduire la souffrance. Si X choisit de réduire la souffrance en devenant végan, c’est bien; Si Y choisit de réduire la souffrance en mangeant des oeufs de poule élevées hors-cage, c’est bien. Si X décide de réduire la souffrance en mangeant végétarien le lundi et en mangeant de la viande bio le mardi, c’est bien aussi. Maintenir que X, pour des raisons morales, devrait être végan le lundi, le mardi et tous les autres jours de la semaine est « absolutiste », « fondamentaliste » ou « fanatique ».

Des gens comme Peter Singer et des groupes comme « Vegan » Outreach ou la PETA maintiennent cette position. Par exemple, Singer maintient qu’être un « omnivore consciencieux » est une « position éthique défendable ». Il prétend qu’être un vegan en toute circonstance est « fanatique ». Singer se décrit lui même comme un « végan flexible » qui est non-végan quand ça l’arrange. Il mentionne manger des oeufs et du lait bio. Il parle du « luxe » de manger de la viande et autres produits provenant d’animaux qui ont été bien traités, selon lui, et tués « humainement ». La PETA affirme qu’adhérer au véganisme par principe est seulement une question de « pureté personnelle », de « zèle culturel narcissique » et d’ »obsession fanatique ». « Vegan » Outreach insiste clairement sur la souffrance et minimise l’exploitation des animaux en prétendant que le véganisme

n’est pas une fin en soi. Ce n’est pas un dogme ou une religion ni une liste d’ingrédients interdits ou de lois immuables – c’est seulement un outil pour s’opposer à la cruauté et réduire la souffrance.

Les néo-réformistes font l’hypothèse fondamentale que tuer les animaux, en soi, ne leur inflige aucun dommage intrinsèque. Les animaux se moquent que nous les exploitions et tuons. Ils se préoccupent seulement de la façon dont nous les traitons et tuons. Dans la mesure où ils ne souffrent pas trop, les animaux sont indifférents à notre exploitation. Ils n’ont pas d’intérêt à vivre une longue vie.

C’est ce courant de pensée qui est à l’origine du mouvement « Viande Heureuse », qui constitue le plus grave retour en arrière depuis plusieurs décennies dans la lutte pour la justice envers les non-humains. C’est ce courant de pensée qui incite la PETA et Singer à maintenir que nous aurions l’obligation de ne pas être végan dans les situations où cela pourrait déranger les autres.

Je rejette ce point de vue. Je crois que c’est spéciste de maintenir que les non-humains doivent avoir un esprit similaire à l’esprit humain pour avoir un intérêt à une existence continue. Tout être conscient a un intérêt à une existence continue dans la mesure où il préfère, veut et désire rester en vie.

Nous ne pouvons pas plus justifier l’utilisation de non-humains comme ressources pour les humains que nous pouvons justifier l’esclavage. L’exploitation animale et l’esclavage ont au moins un point commun important: les deux institutions traitent des êtres conscients exclusivement comme des ressources pour les autres. Cela ne peut être justifié à l’égard des humains, cela ne peut être justifié à l’égard des non-humains non plus – quelque soit la façon dont nous les traitons.

L’approche abolitionniste voit le véganisme comme l’application du principe d’abolition à la vie de l’individu. C’est notre façon personnelle d’affirmer la personne morale de tous les êtres conscients et de rejeter le statut de simple bétail des non-humains. Le véganisme est une partie essentielle de notre engagement pour la non-violence.

Le véganisme n’est pas seulement un moyen de réduire la souffrance; c’est le strict minimum pour faire justice aux non-humains. Ce n’est pas la dernière étape dans notre quête pour rejeter la schizophrénie morale qui caractérise la relation entre humains et non-humains; C’est la première étape. Si les animaux ont une quelconque importance morale, alors on ne peut pas les manger, les exploiter, ou se vêtir de leur peau. Un végan n’est pas végan seulement le lundi ou quand ça l’arrange. Un végan est végan en permanence. Je ne choisirais pas plus de ne pas être végan pour faire plaisir à quelqu’un que je ne resterais silencieux par peur d’offenser si quelqu’un faisait une blague raciste ou harcelait une femme.

Ce n’est pas plus fanatique ou absolutiste d’être végan en toute circonstance que de rejeter la pédophilie ou le viol en toute circonstance. En effet, caractériser un véganisme permanent comme étant « absolutiste » est en soi spéciste précisément parce que nous ne décririons jamais de cette manière notre rejet total de toutes les autres formes fondamentales d’exploitation humaine.

Si vous n’êtes pas végan, devenez-le. C’est vraiment facile. C’est meilleur pour notre santé et cela réduit la violence que nous nous infligeons. C’est meilleur pour la planète et réduit le mal que nous faisons a la maison de tous les êtres vivants et aux écosystèmes qui supportent toutes les formes de vie. Mais, et c’est le plus important, c’est la chose juste à faire. Nous disons tous que nous rejetons la violence. Alors prenons au sérieux ce que nous disons. Faisons un pas important pour réduire la violence dans le monde en commentant par ce que nous mettons dans nos bouches et nos corps.

Et souvenez-vous, ce n’est pas impossible: Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Dernier ouvrage : parution prochaine !

Chers Collègues:

Mon dernier ouvrage, Débat autour de la question des droits des animaux : abolition ou réglementation ? (The Animal Rights Debate: Abolition or Regulation?), sera publié par les Presses de l’Université Columbia en mai. Dans la première partie, je défends l’approche abolitionniste. Dans la seconde, le Professeur Robert Garner, de l’Université de Leicester (Royaume-Uni), défend l’approche protectionniste (que je rattache au « nouveau welfarisme »). Dans la troisième partie, le Professeur Garner et moi discutons et débattons de problèmes tels que le statut moral des animaux nonhumains ou encore le degré d’efficacité des réformes welfaristes.

J’espère que ce livre vous aidera à réfléchir à ces questions épineuses et qu’il vous épaulera dans vos efforts militants.

Abolition or Regulation?

Si vous n’êtes pas encore végan, devenez-le ! Les produits d’origine animale nuisent à votre santé, et l’agriculture animale représente un désastre écologique. Mais, plus important que tout, le véganisme est moralement la juste démarche à adopter : il représente votre célébration quotidienne de la non-violence.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Opposing Views à propos de la violence

Chers Collègues:

Opposing Views a posté mon essai intitulé « A propos de la violence ». Cette initiative a généré une discussion animée forte de plus de 200 commentaires. Je vous invite à parcourir les différents fils de discussion et à vous forger votre propre opinion.

Si vous n’êtes pas végan, devenez-le ! Les produits d’origine animale nuisent à votre santé et l’agriculture animale représente un désastre écologique. Mais, par-dessus tout, le véganisme constitue moralement la juste démarche à adopter. Il représente votre célébration quotidienne de la non-violence.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

A propos de la violence

Chers collègues,

Malheureusement, certaines personnes se considérant comme des défenseurs des animaux prétendent que la violence est la solution au problème de l’exploitation animale.

Certains d’entre eux ont commis des actes de violence contre des exploiteurs institutionnels. D’autres incitent à la violence en conseillant d’ »intimider » les exploiteurs ou bien de leur faire « craindre » des mesures de rétorsion.

Si l’on met de côté les aspects moraux/spirituels de la violence, ceux qui font sa promotion montrent une incompréhension profonde des mécanismes de l’exploitation animale. Les institutions pratiquent l’exploitation des animaux parce que le public le demande. Pour la plupart, elles se moquent de vendre du boeuf ou des bananes. Elles mettront leur capital là où elles recevront le meilleur retour sur investissement.

La plupart des gens considèrent aussi « normal » d’utiliser les animaux que de respirer ou boire de l’eau. Ils veulent des produits d’origine animale. Si, aujourd’hui, vous détruisez 10 abattoirs, 10 autres seront construits ou bien 10 abattoirs existants augmenteront leur production (et deviendront probablement encore plus rentables). Si vous faites fermer un fournisseur d’animaux destinés aux laboratoires alors que le public est en faveur des tests sur les animaux, ce qui est clairement le cas, alors un autre fournisseur prendra sa place. Sur le plan pratique, la violence comme stratégie ne peut pas fonctionner.

Aussi longtemps qu’il sera considéré comme normal d’utiliser des animaux et que cela ne soulèvera pas de question fondamentale, rien ne changera jamais. Mais nous n’arriverons pas à convaincre les gens de se préoccuper des animaux par l’intimidation, la peur et des actes violents. L’éducation, pour être efficace, ne peut en aucun cas être violente. Il ne faut jamais chercher à intimider ou effrayer les gens. Il faut ouvrir leur esprit et leur coeur. La stratégie non-violente est tout sauf passive. Elle implique de travailler constamment, activement et de manière créative pour inverser un paradigme fondamental: la notion que les animaux sont des objets, des ressources, notre propriété; qu’ils sont exclusivement des moyens pour atteindre nos objectifs.

Il est clair que nos efforts d’éducation fonctionnent. Un dialogue sur l’utilisation des animaux et non plus seulement leur traitement « humains » est en train de naître. Il y a un flux permanent de témoignages de personnes qui deviennent conscientes de la schizophrénie morale qui caractérise les relations entre humains et non-humains.

Ceux qui défendent la violence se trompent non seulement sur les principes économiques fondamentaux, mais ils freinent le progrès car ils fournissent une cible facile à tous ceux qui cherchent une raison d’ignorer le problème de l’exploitation animale. A cet égard, ceux qui font la promotion de la violence sont comparables a ceux qui défendent le sexisme.

Est-ce que Martin Luther King aurait prétendu « Plutôt nu qu’assis à l’arrière du bus » pour promouvoir les droits civils?

Bien sur que non.

Gandhi et King nous auraient-ils incités à « intimider » les autres et à leur faire « craindre » d’être à leur tour victimes de violence?

Bien sur que non.

Parfois, lorsque je vois certaines des choses que font ou disent ceux qui promeuvent la violence (ou lorsque je vois une femme se dénuder « pour les animaux »), je secoue la tête en me demandant s’il est possible de s’y prendre encore plus mal pour inciter les gens à prendre ce sujet au sérieux. En effet, on dirait que ces gens cherchent à saboter tout changement significatif.

Pour plus de détails sur ce sujet, écoutez mon Intervention, ou bien lisez « Un commentaire sur la violence, à propos de la violence et des droits des animaux » et « Violence et vivisection« , tous disponibles sur ce site.

Je discute également de la violence dans mon prochain livre, écrit en collaboration avec le docteur Robert Garner, « The Animal Rights Debate: Abolition or Regulation?« , qui sera publié par les editions Columbia University Press en mai 2010.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Véganisme: éthique, santé et environnement

Chers collègues:

Au moins cinq fois par semaine, on me pose, sous une forme ou une autre, les questions suivantes:

Lorsque l’on défend le véganisme, devrions-nous nous en tenir à l’argument éthique? Est-il, pour une raison ou une autre, « mauvais » ou « malhonnête » de nous en remettre aux arguments fondés sur la santé humaine et sur l’environnement?

Je préparerai bientôt un podcast sur cette question, mais j’aimerais clarifier une chose dès maintenant: la frontière entre ces arguments n’est pas aussi définie que vous pourriez le croire puisque les arguments liés à la santé et à l’environnement ont aussi une dimension morale.

Lorsque je parle des droits des animaux, j’insiste sur l’argument moral fondé sur une réinterprétation de notre tradition philosophique occidentale. J’aborde également l’aspect spirituel du principe d’Ahimsa ou de non violence qui, pour moi, a été partie intégrante de mon véganisme des 28 dernières années. L’aspect spirituel n’est assurément pas nécessaire pour arriver à la conclusion abolitionniste; je ne l’ai pas invoqué, par exemple, lorsque j’ai développé l’argument philosophique présenté dans Introduction to Animal Rights: Your Child or the Dog?. Mais mon engagement envers la non violence représente une partie importante de ma pensée.

Je parle aussi de la santé et de l’environnement en les incluant dans mon analyse morale/spirituelle.

Nous avons une obligation envers nous-mêmes de prendre soin de notre santé; ingérer des produits qui nous causent du tort est une forme de violence que nous nous infligeons. Chaque jour, nous avons de nouvelles preuves empiriques démontrant que les produits d’origine animale non seulement ne sont pas nécessaires pour être en santé, mais ils sont néfastes pour notre corps de toutes sortes de manières. Même de petites quantités de produits animaux peuvent être dommageables. Tout comme nous avons l’obligation de nous assurer de ne pas fumer des cigarettes (même « quelques-unes »), nous avons l’obligation de nous assurer que ce que nous mettons dans et sur notre corps (rappelez-vous que ce que vous portez sur votre corps pénètre dans votre corps!) ne soit pas néfaste. Cette obligation, nous ne l’avons pas seulement envers nous-mêmes, mais aussi envers les humains et les nonhumains qui nous aiment et qui dépendent de nous.

Dans le même ordre d’idée, bien que je ne crois pas que nous ayons des obligations morales directes envers les êtres non sentients, nous avons assurément des obligations envers tous les êtres sentients qui vivent dans l’environnement non sentients. En effet, parce qu’il y a tant d’êtres sentients qui habitent l’environnement, il est impossible de nous réfugier derrière le fait que l’environnement lui-même est insensible pour ne pas le considérer moralement. Un arbre n’est peut-être pas sentient au sens où il est conscient de ses perceptions, mais il y a sans doute plusieurs êtres sentients qui vivent dans cet arbre ou encore sur lui, et qui en dépendent. Et tous les êtres sentients – humains et nonhumains – dépendent de l’environnement pour évoluer dans un écosystème sain. La destruction de l’environnement soulève plusieurs questions morales et spirituelles sérieuses. Une agriculture basée sur les animaux est dévastatrice pour l’environnement et pour tous les êtres sentients qui y vivent.

Une objection communément opposée au véganisme veut que si nous adoptions tous une diète végétale, il nous faudrait cultiver plus de terres et cela aurait comme effet d’entrainer la mort de plus nombreux nonhumains sentients. Mais cela est faux. Aujourd’hui, nous nourrissons les animaux de plantes, ce qui requiert des livres/kilos de protéines végétales pour produire chaque livre/kilo de chair. Si nous mangions directement les végétaux, nous aurions besoin de moins de plantes, nous ne détruirions pas les écosystèmes et nous aurions plus de pâturages.

Alors, en fin de compte, même si je maintiens que l’argument éthique en faveur des droits des animaux et l’argument spirituel en faveur de la non violence sont les plus importants, nous avons également des obligations morales envers nous-mêmes (et envers les humains et les nonhumains qui dépendent de nous) de préserver et d’améliorer notre santé ainsi que des obligations envers les humains et les nonhumains de ne pas détruire l’environnement.

Comme je l’ai dit en introduction, je préparerai bientôt un podcast. Mais je dois d’abord terminer la dernière version de mon dernier livre à paraître, The Animal Debate: Abolition or Regulation?, que la Columbia University Press publiera en mai. Je ne bloguerai donc peut-être pas autant qu’à mon habitude, mais je devrais finirai mon travail bientôt afin de vous revenir en force.

Donc, si vous n’est pas végans, devenez végans. C’est vraiment important. C’est mieux pour votre santé. C’est mieux pour la planète. Mais, surtout, c’est moralement la bonne chose à faire. Nous disons tous condamner la violence. Prenons ce que nous disons au sérieux. Faisons un pas important vers la réduction de la violence dans le monde en commençant par nous soucier de ce que nous mettons dans notre bouche et dans notre corps.

Et rappelez-vous, ce n’est pas impossible: Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Toutes les campagnes sont-elles des campagnes ciblées ?

Chers Collègues :

En réponse à mes billets (1, 2) consacrés au cas Johnny Weir et à mon commentaire général sur les campagnes ciblées, certaines personnes ont suggéré que si l’affaire Johnny Weir était une campagne ciblée, alors toutes les campagnes, qu’elles promeuvent l’adoption, le sauvetage, les refuges et même le véganisme, sont des campagnes ciblées.

Une telle réaction révèle un profond manque de compréhension de la nature des campagnes ciblées.

Une campagne ciblée implique d’isoler certaines utilisations ou formes de traitement particulières des animaux et d’en faire l’objet d’une campagne pour mettre fin auxdites utilisations ou modifier lesdits traitements. Le problème des campagnes ciblées est qu’elles présentent certains traitements ou utilisations comme moralement différentiables des autres formes d’utilisation et de traitement, suggérant ainsi de manière explicite ou implicite que ces autres formes d’exploitation seraient moralement moins problématiques.

L’affaire Weir présente un exemple classique de ce problème. Une Lettre Ouverte a été écrite à Weir pour se plaindre du fait qu’il porte de la fourrure sur l’épaule de son costume. Ce n’était pas une Lettre Ouverte adressée à l’ensemble de l’équipe relativement à l’utilisation, par cette dernière, de peaux animales, de patins en cuir et de vêtements en laine ou en soie : la Lettre Ouverte se focalisait sur un seul produit d’origine animale utilisé par une seule personne dans une seule circonstance.

Le problème majeur de cette sorte de campagne est de négliger le fait qu’il n’y a aucune distinction moralement cohérente entre la fourrure, le cuir, la laine ou la soie. De fait, Weir a rendu caduque la Lettre Ouverte en faisant lui-même cette simple remarque :

« Tous les patineurs portent des patins en cuir de vache », a-t-il observé.

« Peut-être que je porte un joli petit renard alors que tous les autres portent des vaches, mais ce qui est sûr, c’est que nous portons tous des animaux. »

De plus, non seulement la Lettre Ouverte faisait la promotion d’une campagne ciblée, mais encore le faisait-elle dans le contexte des traditionnelles réformes de bien-être animal, puisqu’elle abordait le problème du traitement et non celui de l’utilisation. La Lettre Ouverte se focalisait sur l’« industrie » de la fourrure, sur le traitement et l’abattage des animaux dans les élevages à fourrure ou dans la nature. Or parler des pièges et des élevages à fourrure entraîne la réponse suivante : « Ok, alors nous devrions faire en sorte de rendre la production de fourrure plus ‘humaine’. »

En ce qui concerne les animaux domestiques, les animaux d’élevage et les animaux sauvages qui ont besoin d’une place dans un refuge ou un sanctuaire, les efforts consistant à leur trouver un foyer ne constituent pas des campagnes ciblées, ou n’aboutissent tout au moins pas aux problèmes que je viens d’identifier. En domestiquant les nonhumains, nous les avons jetés dans d’affreuses difficultés, et si nous pouvons les retirer de la rue ou d’un refuge qui pratique l’euthanasie, alors nous devons le faire. Dans la mesure où nous avons la possibilité de fournir un asile à un animal domestique ou sauvage, c’est une bonne chose. Ces efforts consistent à porter secours à des animaux individuels ; ce ne sont pas des campagnes visant des usages ou des pratiques que nous considérons comme pires que les autres usages ou pratiques – autres usages et pratiques que nous approuvons de manière nécessairement implicite, et pour des raisons dont je débats dans mon dernier billet. Qualitativement, il s’agit d’activités différentes.

Et je parle toujours d’adoption et de sauvetage dans le cadre spécifique du véganisme éthique (qui est le sujet central) et du refus de l’exploitation. Jamais je n’en parle en termes d’activités isolées, mais seulement en tant qu’une obligation parmi d’autres constituant l’ensemble de l’approche abolitionniste. Bien que je soutienne l’adoption des nonhumains sans foyer parce que ces individus ont besoin d’un toit, je suis toujours très clair sur le fait que nous devons arrêter complètement de produire ou d’encourager la production de nonhumains domestiqués.

La « Lettre Ouverte » à Johnny Weir ne fait rien de tout cela. Il aurait été possible de lui écrire une missive présentant le problème de la fourrure comme un aspect d’un message abolitionniste global qui aurait également abordé de manière explicite le véganisme et le problème du port de la peau des animaux. Une telle lettre aurait constitué un message puissant plutôt que cet ersatz de message qui fait apparaître la fourrure comme moralement différentiable du cuir (ou des autres produits d’origine animale qui n’ont même pas été mentionnés) et que Weir a effectivement invalidé en deux phrases.

Je soutiens également les sanctuaires, mais encore une fois, j’en parle comme d’une partie de l’approche abolitionniste globale, et j’encourage ceux qui dispensent un message explicitement abolitionniste. Dans la mesure où un refuge fournit un foyer aux animaux, c’est une bonne chose, mais dans la mesure où il soutient parallèlement un message réformiste et welfariste ou fait la promotion des campagnes ciblées, il ruine une partie au moins du bien qu’il fait par ailleurs.

Je pense aussi que les refuges peuvent être utilisés par des groupes prospères afin de récolter des fonds. Si vous voulez aider financièrement un refuge, vous devriez d’abord vérifier ses finances et vous enquérir des salaires des gens qui travaillent pour l’organisation qui le gèrent.

Plusieurs personnes ont également suggéré que nous ne devrions pas critiquer les campagnes welfaristes ou ciblées d’une organisation qui gère en plus un refuge parce que cela pourrait affecter les donations et causer finalement du tort aux animaux. C’est une variante de l’argument général que nous entendons tout le temps : « Le groupe X fait de bonnes choses pour les animaux, alors ne critiquez pas ce que fait le groupe X, parce que cela nuira à ses efforts pour aider les animaux. » Ceci n’est rien d’autre qu’une ordonnance pour le désastre et pour la mort d’un mouvement social. C’est précisément cette façon de penser qui a conduit le mouvement dominant à rester silencieux face à l’obscénité du massacre perpétré par PETA de 85 % des animaux qu’elle « sauve » et de son usage invétéré de la misogynie comme tactique marketing.

Quant à ceux qui considèrent le véganisme comme une campagne ciblée, je ne sais que leur dire : cette suggestion révèle une telle confusion profonde qu’il n’est peut-être pas possible de la dissiper. Quoi qu’il en soit, quand je parle du véganisme, je parle de ne pas manger, porter, ni utiliser les animaux ou les produits dérivés des animaux à quelque fin humaine que ce soit. Mais même si vous réduisez votre compréhension du véganisme à un « régime végan », vous participez quand même à l’élimination d’une pratique qui condamne plus d’animaux que toutes les autres pratiques réunies, parce que quiconque n’est pas végan consomme des animaux et des produits d’origine animale.

En outre, la totalité de l’exploitation animale dérive du fait que nous mangeons les animaux et les produits d’origine animale. Si cela changeait, tout le reste suivrait. Par exemple, quelqu’un qui assume l’obligation morale de ne pas manger les animaux et les produits d’origine animale acceptera aussi nécessairement de ne pas porter de fourrure ou de ne pas aller au cirque. Par conséquent, le véganisme est qualitativement différent d’une campagne anti-fourrure qui vise une partie relativement restreinte de la population, ou d’une campagne pour le végétarisme qui fait explicitement ou implicitement le distinguo entre la viande et les autres produits d’origine animale, dispensant par là-même le message qu’il est acceptable de consommer des produits d’origine animale pourvu que ce ne soit pas de la chair.

J’espère que ces lignes aideront à clarifier la question des campagnes ciblées. Elles ne fonctionnent vraiment pas et créent seulement de la confusion en renforçant l’idée fausse selon laquelle certaines formes d’exploitation animale seraient plus acceptables que d’autres.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Le végétarisme d’abord?

Chers collègues:

The Vegan, le journal de la Vegan Society du Royaume-Uni, s’apprête à publier son numéro du printemps 2010. Dans ce numéro, je signe un article, « Vegetarianism First?« , dans lequel je critique l’idée selon laquelle nous devrions promouvoir le végétarisme comme « porte d’entrée » vers le véganisme et soutiens que cela est une erreur autant du point de vue pratique que du point de vue théorique. J’ai abordé cette question à l’occasion d’autres messages blogues parus sur ce site (voyez 1, 2, 3, 4) ainsi que dans mes livres et articles.

La Vegan Society me procurera une version PDF en haute définition que je rendrai disponible aussitôt que je le pourrai. J’espère que cela vous sera utile dans votre travail militant lorsque vous enseignez le véganisme de manière créative et non violente.

De plus, sur le site ROROTOKO, qui est un site respectable où certains livres et interviews d’auteurs sont sélectionnés avec soin, l’entrevue que j’ai donnée à propos de mon livre Animals as Persons: Essays on the Abolition of Animal Exploitation, publié en 2008 chez Columbia University Press, a été choisi pour faire la une de l’édition du 1er février 2010.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Et vous vous demandez pourquoi les militants des droits des animaux passent pour des fous aux yeux du public ?

Chers Collègues:

A propos de l’article « La montée d’une politique de l’identité canine », paru dans le New York Magazine.

Selon Peter Singer et Ingrid Newkirk, la bestialité ne saurait être systématiquement interdite. « S’il n’y a ni exploitation ni maltraitance, cela ne peut être considéré comme mal », a déclaré Newkirk.

Singer, vous vous en souvenez, soutenait déjà il y a quelques années qu’il pouvait y avoir des relations sexuelles mutuellement satisfaisantes entre humains et nonhumains.

Mais la déclaration de Newkirk me laisse perplexe. Depuis quand le sexe avec un nonhumain n’est-il pas, systématiquement, de l’exploitation et de la maltraitance ?

L’article du New York Magazine stipule également :

Bien que les termes dans lesquels s’édicte la mission de PETA suggèrent que la vie de chaque animal possède une valeur intrinsèque, les actions de l’organisation montrent une réalité plus nuancée. PETA tue un nombre surprenant des animaux qu’elle recueille. Au cours de la décennie qui s’ouvre en 1998, PETA a euthanasié 17000 animaux – soit 85 % des individus sauvés.

Peut-être la réponse à ma question est-elle que le sexe avec un nonhumain n’est pas de l’exploitation ni de la maltraitance une fois que l’animal « sauvé » a été tué (par un groupe de « droits des animaux »), et que son corps est encore chaud.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

Les campagnes ciblées dans les contextes humain et nonhumain

Chers Collègues :

En réponse à mes commentaires sur les campagnes ciblées, j’ai reçu hier soir le courriel suivant :

Pr Francione :

Si les campagnes ciblées ne sont pas souhaitables, cela signifie-t-il que nous ne devrions rien faire pour Haïti sous prétexte que nous ne venons pas au secours de ceux qui souffrent partout ailleurs ? Cela ne conduit-il pas à ne rien faire ?

[nom]

C’est une bonne question. Je l’ai déjà abordée, mais à la lumière de mes récents billets, c’est bien d’en reparler.

Lorsque nous soutenons l’aide en Haïti, nous ne sommes pas en train de dire que la souffrance qui sévit partout ailleurs est une bonne chose. Nous reconnaissons tous que la souffrance d’humains innocents est une mauvaise chose où qu’elle ait lieu. Le fait que nous choisissions d’aider Haïti ne signifie pas que nous pensons que les souffrances des humains, mettons, au Darfour, soient souhaitables ou que les gens du Darfour importent moins. De la même manière, le fait que nous choisissions de nous consacrer à la maltraitance enfantine ne veut pas dire que nous estimons le viol acceptable ou moins choquant sur le plan moral.

Pour résumer, si X, Y et Z sont tous perçus comme moralement indésirables, le choix de travailler sur X ne véhicule pas pour autant l’idée que Y et Z sont moralement acceptables.

Pour ce qui est des animaux, l’analyse est différente. La plupart des gens estiment que manger de la viande, des produits laitiers ou tout autre produit d’origine animale, de porter ou d’utiliser des produits animaux, est aussi naturel que boire de l’eau ou respirer. Par conséquent, lorsque nous distinguons une forme d’exploitation animale, nous le faisons nécessairement dans une intention morale.

C’est-à-dire que si la plupart des gens pensent que manger de la viande, des produits laitiers et des œufs est naturel et ne soulève aucun problème d’ordre éthique, se focaliser sur la viande véhicule alors nécessairement l’idée que les produits laitiers et les œufs sont différents et que leur consommation est moralement acceptable, ou à tout le moins moralement différentiable.

Pour résumer, si X, Y et Z sont tous perçus comme moralement acceptables et que vous distinguez X comme moralement problématique, vous dites implicitement au public que Y et Z sont différents de X et qu’ils ne sont donc pas moralement inacceptables, ou qu’à tout le moins ils sont moralement différentiables de X.

Nous constatons ce problème tous les jours : les gens pensent que la fourrure diffère moralement du cuir, de la laine ou de la soie ; ils pensent que la viande diffère moralement des autres produits d’origine animale.

Tel est le problème posé par les campagnes ciblées dans le contexte de l’exploitation animale. Ce problème n’existe pas lorsque les humains sont concernés.

Nous n’avons pas besoin de campagnes ciblées pour nous lancer dans un activisme actif. Il y a quelque chose que chacun d’entre nous peut faire tous les jours : être végan et s’impliquer dans une éducation au véganisme créative et non-violente.

Laissez-moi être très clair : je pense que les campagnes ciblées sont problématiques et qu’elles risquent de perpétuer la confusion, y compris dans les circonstances les plus idéales. Je pense que les défenseurs seraient bien avisés de se tenir à l’écart des campagnes ciblées. Si néanmoins vous tenez absolument à vous lancer là-dedans, merci de minimiser au moins la confusion qui en résulte en vous assurant que le message « aucune exploitation » est explicite et clair comme le cristal. Par exemple, si un cirque vient dans votre ville et que vous voulez protester contre un tel événement, assurez-vous au moins (en plus d’être pacifique et non-violent dans votre protestation) d’être explicite en incluant dans votre documentation et dans toutes vos discussions avec les gens que les cirques sont seulement représentatifs de l’exploitation animale en tant que phénomène global, et que nous devrions arrêter complètement de manger, de porter et d’utiliser les animaux. Faites du cirque un « point de discussion », mais ne le dépeignez pas comme moralement différentiable des autres formes d’exploitation animale.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione

A propos de l’affaire Johnny Weir, des campagnes ciblées, du traitement et du véganisme abolitionniste

Chers Collègues :

Comme je l’ai déclaré dans mon billet, j’estime que l’affaire Weir était peu judicieuse. Etant donné que les patineurs portent du cuir, de la laine, etc., ce que les animalistes ont tenté de faire revenait à demander à quelqu’un prenant part à un festin de steaks de ne pas consommer une petite cuillère de crème glacée.

La Lettre Ouverte à Johnny Weir de Friends of Animals est un parfait exemple de ce que je considère comme étant le problème central de l’approche ciblée : elle lui a été adressée parce qu’il a annoncé son intention de porter de la fourrure. Ce n’était pas une Lettre Ouverte à l’équipe entière à propos de son utilisation de peaux animales, de patins en cuir et de vêtements en laine ou soie. Or il n’y a pas de distinction moralement cohérente entre la fourrure, le cuir, la laine ou la soie. De fait, Weir a invalidé la Lettre Ouverte en faisant lui-même cette simple observation.

La Lettre Ouverte se focalise en outre sur le problème du traitement et non de l’utilisation, ce que je considère incompatible avec l’approche abolitionniste. Franchement, que le renard ait été tué dans un élevage à fourrure, dans un piège non capitonné, capitonné, ou au lacet, etc., n’est pas pertinent. S’il avait été élevé dans un environnement agréable et tué sans douleur pendant son sommeil, je considérerais toujours cela inacceptable. Or la Lettre Ouverte suggère au public que le problème est la manière dont le renard a été traité, non le fait qu’il a été utilisé.

Comme je l’ai (plusieurs fois) écrit, moins de souffrance vaut toujours mieux que plus de souffrance, et je suis d’accord avec ce passage de la Lettre Ouverte : « Quelle que soit la manière [piège ou élevage à fourrure], il n’y a rien de séduisant ni de beau dans la cruauté que les animaux ont endurée. Celle-ci ne peut se justifier moralement. » Mais dire cela néglige le fait que, bien que la cruauté soit un problème important, le point essentiel n’est pas qu’elle ne puisse se justifier moralement ; le point essentiel est que l’utilisation des animaux – quelque « humaine » soit-elle – ne peut se justifier moralement. Telle est l’idée que nous devons exposer de manière claire et sans équivoque au public si nous voulons nous affranchir un jour du paradigme de l’exploitation « humaine ».

D’autre part, quelle différence cela fait-il que les renards soient « beaux », détail que la Lettre Ouverte mentionne à deux reprises ? S’ils étaient laids, cela ferait-il une différence ? C’est précisément cette façon de penser qui nous amène à nous sentir concernés par le massacre des bébés phoques et peu concernés par l’exploitation d’animaux qui nous plaisent moins. Nous ne devons pas renforcer l’idée que ce sont les animaux qui nous paraissent beaux qui importent (ou importent davantage), pas plus que nous ne devons encourager l’idée qu’un « joli » mannequin figure sur une publicité végane.

Je soutiens les efforts de FoA ou de n’importe quel groupe ou personne défendant le véganisme éthique (quoiqu’il semble que FoA consacre peu de moyens à l’éducation au véganisme relativement à leurs nouvelles campagnes ciblées welfaristes). Mais, quoi qu’il arrive, promouvoir le véganisme n’équivaut pas nécessairement à promouvoir l’abolition, laquelle, pour les raisons que j’ai énoncées dans mes livres, articles et billets, excluent les campagnes ciblées et l’approche par le traitement. C’est une des raisons pour lesquelles je recours souvent à l’expression « vegan abolitionniste ». Tous les vegans ne sont pas nécessairement abolitionnistes.

Je souhaite assurément que HSUS lance une campagne « Go Vegan ». Mais quand bien même ce serait le cas, cela ne ferait pas pour autant de HSUS une organisation abolitionniste. Le fait qu’un groupe promeuve le véganisme ne veut pas dire qu’il ne demeure pas un groupe welfariste de plus s’il continue de lancer des campagnes ciblées et d’encourager des réformes portant sur le bien-être. En fait, si HSUS faisait une campagne « Go Vegan », HSUS et FoA se ressembleraient beaucoup ! (FoA mène en effet beaucoup de ces campagnes ciblées.) Peut-être que cela explique la raison pour laquelle FoA était opposée à l’approche « Go Vegan » que je conseillais à HSUS d’adopter. FoA s’efforçait peut-être d’éviter de devenir une « HSUS allégée » et de rester dans cette seconde faction que Vincent Guihan a identifiée dans son article De HSUS et de l’hégémonie : le véganisme abolitionniste comme valeur d’avenir.

Comme je l’ai mentionné dans mon dernier billet, j’ai lancé une invitation à Priscilla Feral afin qu’elle débatte avec moi de ces problèmes par podcast. J’espère qu’elle y répondra positivement.

Le monde est végane ! Si vous le voulez.

Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione