Chers collègues :
Il arrive que l’on ne sache pas par quoi commencer.
C’est là une de ces fois.
La Humane Society of the United States (HSUS) a apparemment entrepris un recours collectif contre les fermes Perdue :
La Humane Society of the United States a annoncé l’enregistrement d’un recours collectif contre le troisième plus grand producteur national de poulets, Perdue Farms, parce que ce dernier aurait prétendu que des poulets élevés intensivement étaient élevés de façon « humaine ».
La poursuite – enregistrée par un membre de la HSUS au nom des consommateurs dupés par les fermes Perdue – allègue que Perdue a illégalement publicisé ses produits au poulet de marque « Harvestland » et « Perdue » comme des produits issus de poulets « élevés humainement », en violation de la New Jersey Consumer Fraud Act. Les demandeurs veulent un procès avec jury et ils visent à obtenir des dommages compensatoires pour les membres du groupe, ainsi que l’émission d’une injonction contre l’utilisation future de l’étiquette « élevés humainement » de Perdue.
« Les compagnies comme Perdue exploitent la demande explosive des consommateurs pour une amélioration du bien-être animal pour leur propre profit », affirme Jonathan Lovvorn, vice-président et avocat à la tête du département de litige pour la protection animale de la HSUS. « Plutôt que de mettre en œuvre des réformes quant au bien-être animal, Perdue a simplement collé des étiquettes affichant « élevés humainement » sur ses produits issus de l’élevage industriel, espérant que le consommateur ne fasse pas la différence. »
Les standards sur lesquels Perdue a basé ses étiquettes « élevés humainement » sont les soi-disant « lignes directrices du bien-être animal » du National Chicken Council – l’agence de commerce de l’industrie du poulet. La poursuite allègue que ces lignes directrices permettent des traitements qu’aucun consommateur raisonnable ne considérerait comme « humains ».
Dr. Temple Grandin, qui compte parmi les plus grands experts mondiaux de la manipulation et de l’abattage d’animaux de ferme, le dit franchement dans un journal de l’industrie commerciale : « L’audit du National Chicken Council Animal Welfare utilise un système de points qui est tellement laxiste qu’il permet aux usines ou aux fermes ayant de vraiment mauvaises pratiques de passer. » Dans son livre Animals in Translation, Grandin explique, « Les poulets d’aujourd’hui sont élevés de manière à grossir si rapidement que leurs pattes peuvent briser sous le poids de leur corps ballonné. C’est horrible. »
Je ne doute aucunement du fait que les poulets de Perdue ne sont pas traités « humainement ». Je n’ai pas de doute du tout.
Par contre, je ne doute pas non plus du fait que la viande, les produits laitiers et les œufs issus de l’élevage animal compatissant de Whole Foods que HSUS, PETA et d’autres appuient ne proviennent pas d’animaux que la plupart d’entre nous considéreraient comme « humainement » traités. En fait, j’ai explicitement demandé à l’organisme People for the Ethical Treatment une douzaine de fois sur Twitter si PETA considère les produits qualifiés de « Animal Compassionate » comme ayant été obtenus « humainement » et PETA a refusé de répondre.
Et je n’ai pas non plus de doute que la viande, les produits laitiers, les œufs et les autres produits vendus sous l’étiquette Certified Humane Raised and Handled, qui sont promus par l’organisme Humane Farm Animal Care (HFAC) ainsi que son « partenaire » HSUS, ne proviennent pas d’animaux que la plupart d’entre nous estimerait avoir été « humainement » traités.
Et je n’ai pas non plus de doute que la viande, les produits laitiers, les œufs et les autres produits vendus sous l’étiquette Humane Choice, promus par l’organisme Humane Society International, une branche de la HSUS, ne proviennent pas d’animaux que la plupart d’entre nous jugerait avoir été « humainement » traités.
Et je n’ai pas non plus de doute que les œufs de poules « sans cage » que la HSUS promeut dans ses compagnes en faveur de Proposition 2 et que la HSUS qualifie de « socialement responsables », ne proviennent pas d’animaux que la plupart d’entre nous considérerait comme « humainement » traités.
Alors voyons si j’ai raison. La HSUS poursuit Perdue parce que la HSUS pense que Perdue ne traite pas ses poulets « humainement », mais la HSUS parraine elle-même l’étiquetage de l’exploitation « heureuse » afin de promouvoir des produits faits à partir d’animaux qui sont torturés, mais moins – du moins, selon la HSUS. Selon la HSUS, l’utilisation que Perdue a faite du terme « humainement » est trompeuse parce que ses pratiques sont conformes à des lignes directrices qui ne requièrent pas un traitement « humain » et, même si l’exploitation « heureuse » promue par la HSUS n’est pas « humaine » non plus, son utilisation du terme « humainement » n’est pas trompeuse parce que la consultante de l’industrie de la viande Temple Grandin l’a dit.
Voilà qui reviendrait à poursuivre le gouvernement parce que son affirmation selon laquelle la torture par l’eau n’est pas de la « torture » est trompeuse et à exiger que les planches utilisées pour cette fin soient capitonnées afin que ce soit une « meilleure » torture.
La HSUS semble être particulièrement préoccupée par le fait que Perdue n’utilise pas la méthode d’abattage par contrôle atmosphérique (controlled-atmosphere-killing (CAK)) dont la HSUS et PETA font la promotion. Je m’attends à ce que Perdue adopte, tôt ou tard, la méthode du CAK parce que c’est économiquement efficace pour la compagnie de le faire. En effet, selon un rapport de la HSUS :
La méthode du CAK entraîne des économies de coûts et une augmentation des revenus en diminuant le nombre de carcasses abîmées, la contamination et les frais de réfrigération ; en augmentant le rendement sur la viande, sa qualité et sa durée de vie sur les rayons ; en améliorant les conditions de travail. En évitant de suspendre et d’étourdir par des chocs électriques, la méthode du CAK résulte en moins d’os brisés et moins d’ecchymoses et d’hémorragies. La réduction des défauts au niveau des carcasses augmente la qualité de la viande désossée. Il a été démontré que la méthode du CAK réduit les ecchymoses jusqu’à 94 pour cent et les fractures osseuses jusqu’à 80 pour cent.
En estimant de manière conservatrice que la méthode du CAK augmente le rendement de 1 pour cent seulement, une usine transformant 1 million de poulets de chair par semaine, si ces poulets sont d’un poids moyen de 4.5 livres et sont vendus à un pris de gros de 0.80$ la livre, pourrait voir ses revenus annuels augmenter de 2,87 millions de dollars après avoir adopté la méthode du CAK. (Citation omise)
Le problème est que, même si Perdue adoptait la méthode du CAK, cela ne signifierait pas que les poulets de Perdue seront traités « humainement », pas plus que les étiquettes de l’exploitation « heureuse » que la HSUS appuie signifient que les animaux ont été traités « humainement ».
Ce que cela fera, toutefois, c’est d’assurer au public qu’il est parfaitement correct de consommer les produits issus de l’exploitation « heureuse » dont la HSUS fait la promotion, même si ces produits proviennent en fait d’animaux qui ont été torturés.
Et c’est l’objectif de cette poursuite – rassurer le public en soutenant que ceux qui sont préoccupés par l’exploitation animale n’ont pas besoin de cesser de consommer des animaux. Ils peuvent, en effet, continuer à en consommer sans se sentir coupables et le faire d’une manière moralement acceptable, tant et aussi longtemps qu’ils consomment des animaux portant l’étiquette « heureuse » de la HSUS et non celle de Perdue.
Voilà une bataille entre les étiquettes concurrentes des viandes/produits laitiers/œufs « heureux ».
Et aucun des deux belligérants ne propose quoique ce soit d’autre que ce qu’il estime être rationnellement économique. Les standards du National Chicken Council Animal Welfare reflètent ce qu’une grande partie de l’industrie du poulet considère comme les standards qui permettront d’exploiter des poulets de la façon la plus efficace. La méthode du CAK dont la HSUS (et par d’autres organisations animales, incluant PETA) font la promotion est, selon l’analyse de ces défenseurs des animaux, une pratique plus efficace économiquement. En d’autres mots, pour utiliser l’analogie précédente, la HSUS promeut les tables de torture capitonnées parce qu’elles permettent d’obtenir de meilleures informations de la part des détenus en plus d’augmenter, de façon accessoire et très marginale, le confort des victimes, alors que Perdu pense que les tables non capitonnées conviennent très bien.
Je suis désolé, mais j’estime que c’est plus qu’absurde.
Soyons clairs : les animaux traités le plus « humainement » possible sont sujets à des traitements qui seraient décrits comme de la torture par quiconque si c’était des humains qui étaient impliqués. Il n’y a rien d’« humain » dans la viande, les produits laitiers ou les œufs les plus « heureux ».
Cette poursuite vise à substituer une étiquette trompeuse pour une autre. Rien de plus.
Selon le directeur général de la HSUS, Wayne Pacelle :
Le traitement humain des animaux veut dire quelque chose. Et nous serons là pour garder un œil aiguisé sur les compagnies qui présentent malhonnêtement leur conduite et tirent avantage des consommateurs qui ont foi en la loi et sur l’intégrité des compagnies qui doivent tenir leurs promesses.
Cette affirmation est à couper le souffle, et ce, à plusieurs égards. Je connais Wayne Pacelle depuis plusieurs années et je l’aime bien, et je suis certain qu’il croit ici agir de la bonne manière. Mais, sincèrement, je ne peux pas comprendre cela. Le question des droits des animaux ne peut être réduite à la recherche de la meilleure façon de convaincre les consommateurs que l’exploitation animale est moralement justifiable ; il s’agit plutôt de convaincre les gens, par une éducation pacifique, que l’exploitation animale, même lorsqu’elle est malhonnêtement décrite comme « humaine », n’est pas moralement justifiable.
Je remarque que Philip Lymbery, de l’organisme Compassion in World Farming (CIWF), a twitté ce qui suit :
« Les fermes Perdue sont poursuivies pour avoir posé des étiquettes « poulet élevé humaintement » – Bloomberg : http://dld.bz/8Ktz – annoncer faussement qu’il y a eu respect du bien-être animal est inacceptable.
Ainsi, CIWF condamne le fait d’« annoncer faussement qu’il y a eu respect du bien-être animal ». Ça va. Or, CIWF donne des « Prix pour bons œufs » (Good Egg Awards) aux compagnies comme McDonald et les félicite d’utiliser des œufs de poules élevées « sans cage ». CIWF a un programme explicite de partenariat avec le groupe d’exploiteurs institutionnalisés appelé Food Business Team, partenariat dans le cadre duquel CIWF « s’est engagé auprès des principales compagnies alimentaires en Europe et les encourage à progresser par le biais de prix prestigieux et en promouvant leurs produits ». CIWF, en effet, agit à titre de firme de relations publiques pour appuyer l’utilisation d’animaux par les corporations telles que McDonald et Unilever. Et ces corporations retournent la faveur et louangent CIWF. Dans des déclarations affichées sur le site web de CIWF, McDonald reconnaît la « relation réellement productive » que la compagnie entretient avec CIWF et Unilever affirme : « Le partenariat a été stimulant et constructif ; il a aidé à ce que soient atteints les buts des deux organisations dont, bien sûr, l’objectif de la marque – soit celui d’offrir des ingrédients de bonne (la meilleure) qualité ».
Il semble donc que CIWF s’oppose au fait d’« annoncer faussement qu’il y a eu respect du bien-être animal », mais seulement lorsque ce n’est pas CIWF qui fait cette annonce.
Une fois de plus, je suis certain que M. Lymbery, que je ne connais pas personnellement, pense que tout cela est sensé. Ça ne l’est pas à mes yeux.
Si vous n’est pas végans, devenez végans. C’est facile ; c’est mieux pour votre santé et pour la planète. Mais, surtout, c’est la bonne chose à faire moralement.
Le monde est végane ! Si vous le voulez.
Gary L. Francione
©2010 Gary L. Francione