Le cas Santería : Michael Vick, 2e partie

Chers Collègues :

De nombreuses personnes s’avèrent très mécontentes d’une récente décision de la Cour d’Appel des Etats-Unis pour le Cinquième Circuit, Merced v. Kasson, dans laquelle la Cour a enjoint les fonctionnaires de la ville d’Euless, Texas, à faire respecter divers règlements afin que les pratiquants de la Santería (« Santéros ») aient le droit de sacrifier des animaux tels que chèvres, agneaux, canards, poulets et pintades. Les Santéros offrent le sang des animaux à leurs dieux, puis préparent et consomment au moins une partie de ces animaux. La Cour fédérale n’a pas jugé l’affaire sous la Constitution fédérale mais sous une loi d’Etat garantissant la liberté religieuse (bien que la décision eût probablement été la même si les faits avaient été analysés sous la Constitution fédérale).

La question morale que soulève cette affaire est comparable à celle que présente le cas Vick. Dans la mesure où des différences existent, celle-ci est en réalité plus ardue que l’affaire Vick. A Euless, il est explicitement légal pour des individus de tuer « des pintades domestiques considérées comme de la nourriture courante, au même titre que des poulets ou des dindes. » En réponse à l’argument selon lequel abattre un plus gros animal comme une chèvre peut présenter des risques pour la santé, la Cour a fait remarquer que les gros animaux, tels les cerfs, peuvent être égorgés et vendus à Euless pourvu qu’ils soient morts lorsqu’ils sont amenés à l’intérieur de la ville.

Par conséquent, si vous tuez des « pintades domestiques » parce que vous voulez les manger, ça va. Si vous les tuez parce que vous voulez les offrir à une divinité (et ensuite les manger), alors ça ne va plus. Si vous tuez un cerf à l’extérieur d’Euless et l’y amenez pour l’égorger, ça va. Si vous tuez et égorgez la chèvre à l’intérieur d’Euless en tant que partie d’une cérémonie religieuse, ça ne va plus.

Il s’agit là bien sûr d’un non-sens.

Merci de bien comprendre ce que je suis en train de dire. En tant que vegan depuis 28 ans et en tant que partisan de l’Ahimsa ou non-violence, je n’approuve certainement pas les sacrifices de la Santería, pas plus que je n’approuve les combats de chiens. (A ce propos, en 1983, je représentais l’ASPCA à New York lorsqu’elle a été poursuivie en justice par un groupe local de Santéros. Je crois bien que c’était la première affaire Santería jamais jugée aux Etats-Unis. L’ASPSA a gagné le procès et j’ai défendu avec succès cette décision avant la Cour Suprême de New York, Division Appellate.)

Mais pour les gens qui ne sont pas vegans et qui s’opposent aux sacrifices de la Santería ou aux combats de chiens, ma question est : « Pour quelle raison ? » Michael Vick a pris du plaisir à s’asseoir autour d’une fosse dans son arrière-cour pour regarder des chiens se battre ; les non-vegans, eux, prennent plaisir à s’asseoir autour de leur barbecue pour y rôtir la chair d’animaux torturés tout autant que les chiens de Vick. Les non-vegans d’Euless, Texas, consomment des produits provenant d’êtres sentients élevés et massacrés dans des conditions de torture, et on les autorise même à tuer leurs propres poulets, dindes et autres pintades domestiques.

Par conséquent, en quoi les actes des Santéros diffèrent-ils des actes des autres non-vegans d’Euless, Texas, ou de n’importe où ailleurs ?

La réponse, bien sûr, est : en rien.

En effet, la meilleure justification que les non-vegans possèdent pour infliger souffrance et mort à 53 milliards d’animaux chaque année pour la nourriture (ce chiffre n’incluant pas les poissons) est qu’ils ont bon goût. Nous n’avons pas besoin de manger les animaux pour avoir une santé optimale, et l’agriculture basée sur l’exploitation animale représente un désastre environnemental. Les Santéros croient, pour des raisons spirituelles, en la nécessité du sacrifice d’animaux. En fait, ils ont une meilleure raison pour exploiter les animaux que la plupart des non-vegans.

Une fois encore, merci de bien comprendre ma pensée. Je ne suis pas en train de dire que les sacrifices d’animaux sont moralement justifiables ou excusables ; je dis simplement que la justification avancée par les Santéros est, à première vue, plus forte que celle des non-vegans lorsqu’on leur demande de légitimer leur consommation de produits d’origine animale.

Ainsi, pour ceux d’entre vous qui ne sont pas vegans mais qui sont contrariés par l’affaire Merced v. Kasson, demandez-vous pourquoi vous êtes contrariés. Demandez-vous la raison pour laquelle vous estimez que votre conduite est plus défendable que celle des Santéros.

Et si vous êtes vegan et que vos amis ou votre famille vous disent que bien qu’ils ne soient pas vegans, ils sont d’accord avec vous pour condamner les sacrifices de la Santería ou les combats de chiens, utilisez cette opportunité pour avoir une discussion sincère avec eux sur les raisons pour lesquelles ils considèrent ces pratiques comme terribles, et quelles différences ils établissent entre leur propre comportement et celui des Santéros.

La réalité est que la plupart des gens – ou tout au moins beaucoup de gens – se soucient de la souffrance et de la mort des animaux. Ils pensent sincèrement que les combats de chiens et les sacrifices de la Santería sont quelque chose de mal. C’est précisément la raison pour laquelle ils réagissent de la manière dont ils le font en ce qui concerne ces pratiques. Et c’est aussi précisément la raison pour laquelle je crois que si nous nous lançons dans une éducation végane créative et non-violente, nous pouvons amener beaucoup de gens à voir la confusion qui préside à leur propre raisonnement quant à l’éthique animale, et à évoluer en direction du véganisme.

Gary L. Francione
© 2009 Gary L. Francione