Les défenseurs des animaux sont terriblement enthousiastes à l’égard d’une décision rendue récemment par la Cour suprême du New Jersey. Selon un communiqué de presse diffusé par la Humane Society of the United States et par Farm Sanctuary, deux des requérants dans l’affaire :
La Cour suprême du New Jersey a aujourd’hui assené un coup dur à la réglementation du Département de l’agriculture du New Jersey qui prévoit l’exemption de toutes les pratiques de l’industrie qu’elle considère comme humaines en ordonnant à l’agence mandatée par l’État de réviser les standards de traitement des animaux de ferme.
Dans cette affaire monumentale, la cour a jugé que les pratiques d’élevage industriel ne peuvent être considérées comme humaines simplement parce qu’elles sont largement appliquées, ce qui établit un précédent pour les futures poursuites judiciaires et mettra fin aux abus flagrants dont sont coupables les fermes d’élevage intensif à travers les États-Unis. La cour rejette également la pratique de la coupe de la queue des bestiaux ainsi que la mutilation sans anesthésie autorisée par la NJDA.
« Il s’agit d’une victoire majeure pour les animaux de ferme du New Jersey et cela pavera la voie à l’amélioration de la protection accordée aux animaux de ferme de la nation entière, déclare Gene Baur, président et co-fondateur de Farm Santuary. Établir un précédent légal dans un vote unanime, qui clarifie que les pratiques employées ne peuvent pas être considérées comme humaines simplement parce qu’elles sont courantes, permettra que l’on profite de ce momentum pour défier l’actuel statu quo dans le domaine de l’élevage industriel. »
Après avoir écarté l’englobante exemption de l’agence s’appliquant à toutes « les pratiques routinières d’élevage », la cour a poursuivi en affirmant que la coupe de la queue ne peut pas être considérée comme humaine et que la manière dont sont menées les mutilations sans anesthésie, incluant la castration, le débecquage et la coupe des orteils ne peut être considérée comme humaine à moins que des exigences spécifiques visant à prévenir la douleur et la souffrance soient respectées. La cour a clairement affirmé que la décision de permettre ces pratiques du moment qu’elles sont appliquées par une « personne compétente » et d’une manière qui « minimise la douleur », ne peut être « acceptable ».
« Cette décision protègera des milliers d’animaux du New Jersey et remet en question, par ailleurs, certains des pires abus commis par les fermes industriels à travers le pays », affirme Jonathan Lovvorn, vice-président du département du litige concernant la protection des animaux pour la Humane Society of the United States. « Tous les animaux méritent d’être traités humainement, incluant les animaux élevés pour l’alimentation. »
Malheureusement, cet enthousiasme n’a pas lieu d’être. La lecture du communiqué officiel offre une vue d’ensemble très différente.
La HSUS, Farm Sanctuary, et les autres requérants ont présenté plusieurs arguments.
Premièrement, les requérants ont affirmé que les règlements adoptés par le Département de l’agriculture du New Jersey devaient être invalidés entièrement parce qu’ils ne respectaient pas le sens des critères de traitement « humain » des animaux de ferme énoncés par la loi du New Jersey en vertu de laquelle les règlements ont été adoptés et parce que ces règlements ne respectaient pas le sens du mot « humain » que l’agence elle-même lui donne.
La Cour suprême du New Jersey a rejeté cet argument et a refusé d’invalider les règlements dans leur entièreté.
Deuxièmement, les requérants ont critiqué l’inclusion dans les règlements du langage exonératoire qui considère comme « humain » les « pratiques d’élevage routinières ».
La cour s’est dite d’accord sur ce point, mais ce qu’elle a retenu est très limité. La cour a décidé que les règlements définissent les « pratiques d’élevage routinières » en partie par « les techniques communément enseignées dans les écoles vétérinaires, dans les « land grant colleges » et par les personnes responsables de vulgariser les pratiques agricoles et visant le bénéfice des animaux, celui de l’industrie du bétail, le bénéfice des employés qui travaillent avec les animaux ainsi que la santé public. » Mais l’agence n’a offert aucune preuve démontrant qu’elle a effectivement pris en compte ce que ces institutions enseignent, ni qu’elle s’est préoccupée du fait que les techniques enseignées reposent le moindrement sur des préoccupations liées au bien-être animal.
La cour a clairement exprimé à quel point l’agence avait peu à faire pour éviter le problème :
À titre d’exemple, le Département aurait pu réviser les programmes et inspecter les facultés d’un certain nombre de « land grant colleges », d’universités et d’écoles vétérinaires en vue d’identifier les endroits où les préoccupations entourant le bien-être animal ont amené le personnel à enseigner les pratiques qui rencontrent leur définition de ce qui est « humain ». Si elle l’avait fait et si elle avait utilisé ces institutions comme modèles pour ses inspections ultérieures, il n’y aurait eu aucun problème à régler. En effet, si le département avait procédé à cette révision à la Rutgers School of Environmental and Biological Sciences, précédemment connue sous le nom de Cook College et, peut-être, à l’école vétérinaires de New York ou de la Pennsylvanie, et s’était inspiré des pratiques qui y sont enseignées, nous n’aurions probablement eu aucune raison d’intervenir. À la place, le département a accepté, sans analyse, les pratiques enseignées dans toutes les écoles vétérinaires, dans les « land grant college » et par les agents de vulgarisation agricole, non seulement dans cet état, mais dans le reste du pays et, potentiellement, partout où il s’en trouve autour du globe. Bien qu’il soit possible que certaines de ces institutions enseignent ou requièrent des pratiques qui sont beaucoup plus humaines que celles qu’exige notre agence, rien dans le dossier suggère qu’elles rencontreront tous les standards émis par notre législateur.
Voilà qui signifie que la cour a clairement établi que, si l’agence fait respecter ces exigences minimales, la déférence normalement accordée par les cours aux agences administratives protègera, dans les faits, les décisions de ces agences contre les révisions judiciaires.
Troisièmement, les requérants ont contesté certaines pratiques particulières permises par les règlements. La cour a jugé qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que la décision de l’agence de considérer la coupe de la queue du bétail comme une pratique n’étant pas inhumaine, malgré le fait que l’Association américaine de médecine vétérinaire de même que l’Association canadienne de médecine vétérinaire – et l’Association américaine des professionnels bovins, que la court a qualifié de « groupe responsable des échanges commerciaux dans l’industrie » – étaient tous critiques face à cette pratique. Mais la cour a affirmé clairement que, si l’agence pouvait justifier sa décision d’autoriser la coupe de la queue en fournissant la preuve que cette pratique procure des bénéfices et peut être appliquée d’une manière « humaine » (un standard exigeant bien peu), alors les choses auraient été différentes.
Les requérants ont également critiqué la décision de l’agence de permettre la castration des porcs, chevaux et vaux, le débecquage des poulets et dindes, ainsi que la coupe des orteils des dindes. Les requérants prétendaient que ces procédures n’étaient nécessaires que parce que les animaux étaient élevés dans des conditions intensives et, de plus, que ces procédures étaient menées sans anesthésie.
La cour a refusé d’examiner les conditions de confinement et a affirmé ce qui suit :
Bien qu’il y ait d’autres techniques de gestion qui pourraient permettre d’obtenir les résultats désirés sans que ces méthodes particulières ne soient employées, il y a suffisamment d’éléments de preuve crédibles dans le dossier pour justifier les conclusions de l’agence à l’effet que ces techniques peuvent être appliquées humainement et devraient être permises.
Le seul problème identifié par la cour était que l’agence avait exigé que ces procédures soient « menées dans de bonnes conditions sanitaires par un individu compétent et d’une manière qui vise à minimiser la douleur ». La cour a jugé que ce règlement était trop vague et que l’agence devait spécifier d’une quelconque manière le type de « compétence » qu’un individu devait avoir; ce qui est entendu par « de bonnes conditions sanitaires » et comment ces procédures devaient être appliquées afin de « minimiser la douleur ». La cour a indiqué que l’agence pouvait décider que les bénéfices de ces procédures étaient plus grands que toute douleur infligée aux animaux, ou qu’une procédure devait être faite à un âge particulier ou avec un instrument particulier. Tout ce qui est requis est que l’agence adopte des standards, peu importe lesquels.
Les requérants ont critiqué les enclos de gestation pour les porcs et les enclos pour les veaux. La cour a rejeté cette critique et a soutenu la décision de l’agence d’admettre ces formes de confinement.
Finalement, la cour a clairement établi qu’elle ne bannissait aucune pratique :
Précisons que, si nous avons conclu que les exonérations incluses dans les notions de « pratiques courantes d’élevage » et couvertes par les expressions « l’individu compétent et de manière à minimiser la douleur » ne peuvent être maintenues telles qu’elles sont écrites, aucune de ces expressions n’affectent l’interdiction de quelque pratique particulière que ce soit.
Ainsi, bien que les fermiers ne peuvent plus s’appuyer sur les exonérations, incluses dans les règlements, qui les protégeaient effectivement des poursuites pour violation de la loi, ils peuvent continuer à agir comme avant et c’est aux autorités du New Jersey de décider de soumettre ces pratiques à l’examen des tribunaux parce qu’elles vont à l’encontre des lois anti-cruauté. Entre-temps, si le Département de l’agriculture du New Jersey se prend en main et met en pratique les exigences minimales de la court, il peut très bien réintroduire ce qui était couvert par les expressions exonérantes « pratiques d’élevage routinières » et « personne compétente de manière à minimiser la douleur », et les fermiers seront protégés contre toute poursuite légale.
En 1996, le législateur du New Jersey exigeait qu’il y ait des règlements assurant une traitement « humain » des animaux utilisés pour l’alimentation. La décision de la Cour suprême du New Jersey démontre à quel point peu de changements ont été apportés afin de satisfaire les exigences de 1996. En effet, la décision n’est rien de plus qu’une carte routière offerte par la cour au Département de l’agriculture pour aider ce dernier à rédiger des règlements qui assurent que les standards de 1996 aient aussi peu de signification que possible. L’impression que cette décision est « monumentale » ou qu’elle représente la mise en place de « précédents légaux qui permettront des poursuites futures visant à interdire les abus les plus flagrants commis dans les fermes industrielles à travers les États-Unis » est, de mon point de vue, plus charitablement interprétée comme une énorme hyperbole.
Gary L. Francione
© 2008 Gary L. Francione