L’éducation au véganisme rendue facile – Partie I

J’entends souvent dire qu’éduquer les gens, particulièrement les étrangers, à propos du véganisme est difficile.

Au contraire, nos interactions quotidiennes avec les gens nous offrent de nombreuses opportunités de discuter du véganisme. Cet essai portera sur quelques exemples de telles opportunités. J’offrirai d’autres exemples dans des essais à venir.

Au mois de janvier 2008, j’ai dû conduire Robert, un de nos chiens, chez un spécialiste à l’École vétérinaire de l’Université de Pennsylvannie. Il y avait une femme – que j’appellerai « Jane » pour les fins de cet essai, bien que ce ne soit pas son vrai nom – assise près de moi dans la salle d’attente. Jane accompagnait un greyhound. Et, comme cela arrive fréquemment lorsque deux êtres humains se trouvent dans un tel endroit avec leur compagnon nonhumain, nous nous sommes mis à discuter des problèmes de santé qui nous ont poussés à nous rendre à Penn. Et cela a amené Jane à me confier qu’elle avait adopté son chien grâce aux services d’une société de protection des animaux et que son compagnon avait été trouvé vivant sous une voiture abandonnée.

Après avoir discuté pendant une minute ou deux des horreurs entourant les courses de greyhound, j’ai dit à Jane que j’avais déjà enseigné, il y a de cela plusieurs années, à l’Université de Pensylvannie, et que Penn était réputée pour les horribles expériences, tests et procédures « éducationnelles » menées sur des chiens et sur d’autres nonhumains. Elle a dit qu’elle avait entendu parlé de l’expérimentation animale à Penn et j’ai alors mentionné que je trouvais étrange qu’une partie de la bâtisse soit destinée à la pratique de la médecine vétérinaire visant à aider les animaux qui sont aimés par des humains et que l’autre partie de cette même bâtisse soit réservée à la torture de nonhumains qui ne sont membres d’aucune famille humaine. Jane affirma qu’il est insensé que nous considérions certains chiens et chats comme des membres de la famille et que nous traitions d’autres chiens et chats comme des « outils de recherche ».

« C’est bien vrai » dis-je. « Mais de bien des façons, nous sommes exactement comme les vétérinaires de Penn. Nous traitons certains animaux comme les membres de la famille et nous en blessons d’autres ».

Elle avait l’air intrigué. « Que voulez-vous dire? Je ne ferais jamais de mal à un chien ou à un chat. » J’ai dirigé la conversation de manière à dépasser le cas des chiens et des chats pour parler des vaches, des porcs et des poulets, et du fait qu’ils ne sont pas différents des chiens et des chats. Il y a quelque chose de très étrange à propos du fait que nous percevions certains nonhumains comme des membres de la famille, comme des êtres que nous aimons et dont nous reconnaissons le statut de personnes, alors que, au même moment, nous enfonçons notre fourchette dans le corps d’autres animaux qui sont similaires – moralement ou empiriquement – à ces animaux que nous aimons.

Jane a gardé le silence pour un moment et me demanda ensuite « êtes-vous végétarien? »

J’ai répondu« Je suis végan ».

« Vous voulez dire que nous ne buvez pas de lait? » me demanda-t-elle.

« En effet. Je ne mange pas d’œufs ou quelque produit laitier que ce soit. »

« Je peux comprendre la décision de ne pas manger de viande. Mais qu’y a-t-il de mal à consommer des produits laitiers et des œufs? »

« Tout. Les animaux utilisés dans l’industrie laitière ou dans la production d’œufs sont maintenus en vie plus longtemps que les animaux élevés pour leur chair, ils sont traités plus brutalement et ils finissent dans les mêmes horribles abattoirs. »

Jane semblait perturbée.

« Mais n’est-ce pas difficile d’être végan? » m’a-t-elle demandé.

« Absolument pas » lui ai-je répliqué. « C’est incroyablement facile et c’est meilleur pour votre santé et pour la planète, en plus d’être la bonne manière d’agir si vous considérez les nonhumains comme des membres de la communauté morale. » J’ai passé quelques minutes à parler des effets bénéfiques de la diète végane et des désastres écologiques associés à l’élevage d’animaux.

Nous avons cessé de discuter pendant environ 30 secondes et Jane a alors demandé « pourriez-vous m’obtenir des informations portant sur la manière de devenir végan? »

« Bien sûr. Donnez-moi votre adresse électronique. » Et elle le fit.

Nous avons parlé pendant quelques minutes de plus à propos de la grande variété d’aliments végans disponibles, avant que Robert et moi-même fûmes appelés à voir le vétérinaire. Jane avait quitté lorsque nous sommes sortis. En après-midi, j’ai envoyé à Jane un certain nombre de textes à lire à propos du véganisme – à propos des raisons éthiques, des avantages pour la santé et des impacts écologiques, ainsi que des informations pratiques sur la nutrition et sur la façon de préparer rapidement et facilement certains mets végans. En soirée, j’ai obtenu une courte réponse « Merci. Je lirai tout cela avec intérêt ».

Il y a deux semaines, j’ai reçu un courriel de Jane – le premier depuis que je lui avais remis le matériel. Elle écrivait, notamment : « Je suis à peu près à 60% végane et je m’efforce d’atteindre 100%. Je me sens déjà mieux autant spirituellement que physiquement. J’utilise la nourriture pour chien que vous m’avez recommandée et ma chienne l’adore! Merci d’avoir pris le temps. »

Les cliniques et hôpitaux vétérinaires sont toujours de bons endroits pour provoquer des conversations à propos du véganisme. Les gens focalisent sur leur compagnon nonhumain et sont émotivement très ouverts à réfléchir de manière plus abstraite à propos des animaux nonhumains en général. Je ne peux me souvenir d’une seule fois où je serais allé dans une clinique vétérinaire (et ma compagne et moi avons eu jusqu’à sept chiens à la fois, nous avons donc eu de très nombreuses occasions de visiter le vétérinaire) sans entamer une conversation ayant mené au véganisme.

Une autre bonne place pour parler du véganisme est l’avion.

Lorsque vous demandez un repas spécial lors d’un vol, ces repas sont généralement servis les premiers. L’agent de bord vient vous voir pour vérifier si vous êtes bien la personne qui a commandé un « repas spécial ». Je réponds toujours « oui, j’ai commandé un repas végan sans aucun produit d’origine animale ». La plupart du temps, la personne assise près de moi ou les personnes situées de chaque côté de moi (si je suis assis au milieu) me demandent si je souffre d’allergies ou pourquoi j’ai fait une telle demande. Cela, bien sûr, ouvre la porte à une discussion portant sur les raisons pour lesquelles je suis végan. Entre le moment où je reçois mon repas et celui où les autres repas sont servis, environ 20% des gens à qui j’ai parlé demandent à l’agent de bord, lorsqu’il s’approche avec le charriot, s’il reste un repas végan. (En fait, je ne commence jamais à manger mon repas avant que le charriot se trouve aux alentours au cas où il n’y en aurait pas plus: il me fait alors plaisir d’offrir le mien à mon voisin, ce que j’ai fait plusieurs fois.)

Certaines des meilleures discussions que j’ai eues à propos du droit des animaux et du véganisme ont eu lieu dans les avions, particulièrement lors des vols transatlantiques. Lors de tels vols, nous sommes assis près d’autres personnes pendant à peu près 7 heures et les gens sont souvent très heureux de passer au moins une partie de ce temps à jaser avec la personnes assise près d’eux.

Une de mes histoires favorites s’est déroulée il y a plusieurs années. Je me rendais à Paris et j’étais assis à côté d’une femme qui avait un manteau de fourrure. Elle ne portait pas le manteau, mais l’avait placé sur son siège. Je lisais une copie de mon livre Introduction to Animal Rights, duquel, à l’époque, je pensais faire une deuxième édition et j’envisageais certains changements que je pourrais apporter. Comme le vol était retardé et que nous patientions à l’aéroport de Newark, nous avons échangé un peu à propos des conséquences que le retard aurait sur les vols partant de Paris. Voyant mon livre, elle m’a demandé « est-ce un bon livre? » J’ai souri et répondu que c’était un « excellent » livre! Elle m’a demandé si j’étais un de ces « défenseur des droits des animaux ». J’ai répondu que je l’étais et elle a utilisé les 30 minutes suivantes (pendant lesquelles nous étions toujours aux barrières d’embarquement) pour parler de ses 2 chiens et du fait qu’elle allait s’ennuyer d’eux pendant son voyage d’affaires en France, etc.

Et elle souleva alors la question de son manteau de fourrure. Elle m’a dit « mon manteau doit vous offenser. Je suis désolée. » Et elle commença à m’expliquer qu’il s’agissait d’un manteau fait à partir de la fourrure de renards « élevés sur un ranch » et que les animaux n’étaient pas capturés par des pièges. Je lui ai expliqué que les animaux élevés de cette façon sont torturés de manière aussi terrible que ceux qui sont piégés, mais j’ai souligné que je trouvais son manteau de fourrure – que les renards utilisés aient été élevés sur un ranch ou piégés – pas plus offensant qu’un manteau de cuir ou de laine. Elle a eu l’air abasourdi par ma remarque. « Vous ne portez pas de laine ou de cuir? » « Non » ai-je répondu, « Je suis végan. ».

J’ai alors passé les 15 minutes suivantes (toujours à la barrière) à expliquer ce qu’est le véganisme et à l’assurer que ce mode de vie permet une très grande variété de choix alimentaires, bons à la fois pour la santé et au goût, et qu’il s’agit du choix logique pour quiconque se soucie des animaux nonhumains. Je lui ai alors mentionné que les renards qui ont été tués pour faire son manteau n’étaient pas différents des chiens qu’elle avait peine à laisser seuls à New York pendant deux semaines. Nous avons alors discuté de notre « schizophrénie morale » qui affecte et infecte notre manière de réfléchir à nos rapports avec les nonhumains.

L’avion est finalement parti, la distribution des repas avait commencé, on m’apporta mon repas végétalien et ma voisine de siège a immédiatement demandé à l’agent de bord si un repas végan de plus était disponible. Il y avait bien un repas supplémentaire qui lui a été apporté. Nous avons passé les heures suivantes à parler du droit des animaux et du véganisme, et j’ai admis à mon interlocutrice que j’étais l’auteur du livre à propos duquel elle m’avait questionné.

À peu près deux mois après ce vol d’avion, j’ai reçu un courriel de cette personne. Elle avait donné son manteau de renards à un groupe de défense des animaux qui allait l’utiliser dans ses campagnes anti-fourrure et elle avait commandé Introduction to Animal Rights sur Amazon.com et l’avait lu. Elle s’efforçait de devenir végane en appliquant la technique que je lui avais suggérée consistant à préparer un repas végan par jour, puis 2, puis 3 et finalement à s’en tenir à des collations véganes. Deux ou trois autres mois se sont écoulés avant qu’elle m’écrive de nouveau pour m’annoncer qu’elle était maintenant complètement végane.

L’éducation au véganisme est un défi. Nous vivons dans une culture où tout le monde présume sans y réfléchir convenablement que consommer des produits animaux est « normal » ou « naturel ». L’éducation au véganisme est un travail à plein temps; cela signifie souvent travailler avec une personne à la fois et y investir beaucoup de temps.

Mais la vie quotidienne nous offre plusieurs types d’opportunités pour éduquer les autres et celles qui sont les plus efficaces sont les échanges calmes et amicaux entre deux êtres humains qui réfléchissent.

Et chaque personne qui devient végane représente une contribution vitale à la révolution pacifique qui permettra éventuellement de remplacer le paradigme des animaux comme propriétés à celui des animaux comme personnes.

Gary L. Francione
© 2008 Gary L. Francione