Le 8 janvier 2008, la Commission européenne rejetait la demande visant à faire repousser la mise en vigueur de sa directive imposant un « embargo » sur la production d’œufs en batterie, qui doit entrer en vigueur en 2012 (après avoir été annoncée pour la première fois en 1999). Selon la directive, les producteurs auront le choix d’adopter des méthodes de production « sans cage » ou d’utiliser des cages « enrichies » dans lesquelles les oiseaux sont moins serrés et qui contiennent un nid, une litière, une perche et un appareil pour aiguiser les griffes.
Et les welfaristes sont, vous l’avez deviné, aussi excités que possible, bien que certains d’entre eux aient eu la lucidité d’exprimer un brin de scepticisme.
The Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals est un organisme welfariste. En fait, la RSPCA parraine l’étiquette Freedom Food, un artifice qui confond les consommateurs en leur faisant croire qu’ils achètent de la viande et d’autres produits provenant d’animaux « heureux ». Bien que la RSPCA se réjouisse de la décision de la Commission de ne pas reporter l’embargo, elle fait tout de même remarquer que :
La RSPCA considère l’adoption de cages « enrichies » comme une amélioration par rapport aux cages conventionnelles d’élevage en batterie, mais croit toutefois que même ces cages ne répondent pas de manière satisfaisante à certains des besoins les plus fondamentaux des animaux. Cela inclut le manque d’espace pour étendre les ailes convenablement ou d’endroits permettant de prendre des bains de poussière, ce qui entraine frustration et détresse chez les oiseaux.
La RSPCA favorise les systèmes « sans cage » qui, bien sûr, ne peuvent être qualifiés d’« humains » sans que la signification de ce mot ne soit grossièrement déformée. L’information à propos de ces systèmes offerte par Peaceful Prairie Sanctuary, incluant le saisissant vidéo portant sur la production d’œufs de poules « en liberté », devrait convaincre tout le monde de refuser de faire la promotion de ces formes alternatives de torture. Mais pas même la RSPCA approuve les cages « enrichies » pour lesquelles peuvent opter les producteurs, en toute conformité avec l’« embargo » de l’Union européenne.
Dans un communiqué de presse, un autre organisme welfariste anglais, le Compassion in World Farming, applaudit l’« embargo » de l’UE qu’il juge être un « immense succès ». Mais la CIWF avait préalablement publié un épais document dans lequel il condamnait le système des cages « enrichies », permis par la directive européenne. Or, aucune mention des cages « enrichies » n’a été incluse dans le communiqué de presse où la CIWF louange l’« embargo ».
Et les œufs produits selon les méthodes conventionnelles d’élevage en batterie à l’extérieur de la communauté européenne continueront à être importés par l’Europe, de toute façon.
Que disent les welfaristes américains à propos de cet « embargo »?
Bien que l’organisme People for the Ethical Treatment of Animals (PETA) affirme avec raison que « la meilleure chose que vous puissiez faire est de devenir végétarien et de cesser de manger des œufs », il considère la décision de l’Union européenne comme une « victoire pour les poules » et affirme que « l’embargo de 2012 sur les cages en batterie représente une incroyable avancée pour les poules pondeuses ». PETA ne mentionne pas que l’« embargo » n’interdit pas les cages en batterie « enrichies », qui sont pourtant condamnées même par les groupes welfaristes conservateurs.
Mais rappelons que, dans le numéro d’hiver 2007 de son magasine Animal Times, PETA affirmait que sa « stratégie corporative » est d’aider les animaux et donnait l’exemple de Safeway, une chaine de supermarchés, qui « a accepté de négocier avec leurs fournisseurs de poulets que ceux-ci utilisent le système de mise à mort par contrôle atmosphérique (« controlled-atmosphere killing » (CAK)) – qui « endort » les poulets et les dindes rapidement et sans douleur ». (p.3)
Et la Humane Society of the United States (HSUS), qui fait de l’apologie des réformes welfaristes insignifiantes une forme d’art, avait ceci à dire :
La Humane Society International applaudit la décision prise aujourd’hui par la Commission européenne d’interdire les cages en batterie comme prévu. Ce geste très significatif pour le bien-être des animaux démontre au lobby de l’agriculture intensive que l’opinion publique compte.
La Commission européenne a rejeté la demande, présentée par les lobbyistes de l’industrie, visant à ce que soit repoussée la mise en vigueur de l’embargo et a plutôt répondu aux voeux des citoyens de l’Union européenne. Certains états membres de l’UE et représentants des producteurs d’œufs se sont battus pour que l’embargo soit reporté. Adoptée en 1999, la directive de l’Union européenne portant sur les poules pondeuses et interdisant l’utilisation de cages en batterie conventionnelles prendra effet le 1er janvier 2012.
« L’emprisonnement des poules pondeuses dans des cages en batterie fait partie des pratiques les plus cruelles et inhumaines dans le monde de l’agriculture intensive. Il est touchant de voir la Commission européenne rejeter la demande de report de l’embargo de 2012. Félicitations aux citoyens européens et aux groupes de défense des animaux qui ont appuyé l’embargo de 2012 », disait Wayne Pacelle, président et directeur général de la Humane Society of the United States.
Même si la HSUS reconnait que les cages « enrichies » pourront continuer à être utilisées, elle déclare étrangement que la directive « représente une importante avancée vers l’abolition totale des cages pour poules pondeuses ».
L’« embargo » est une pastiche. De tels règlements ne font rien d’autre que de rendre le public plus confortable par rapport à l’exploitation des nonhumains. Il s’agit d’une autre tentative visant à faire en sorte que le public croit que les règlements welfaristes permettent d’obtenir des améliorations significatives au niveau du traitement des animaux exploités pour l’alimentation.
Et cette triste blague n’est pas seulement faite au détriment des animaux; mais aussi à celui des consommateurs de produits animaux. La Commission européenne cite des études qui indiquent que l’augmentation des frais que devront assumer les producteurs utilisant des cages « enrichies » sera de moins de 1 (euro) sous. Et les producteurs pourront obtenir plus que ce qu’ils auront investi en chargeant plus cher pour des œufs qui seront vendus à titre de produits « respectant le bien-être des animaux ». La Commission a recommandé la mise sur pied d’une campagne visant à encourager les consommateurs à acheter ces œufs « heureux ». Les consommateurs finiront par débourser un peu plus d’argent pour obtenir des produits provenant toujours d’animaux torturés.
Les défenseurs des animaux ont commencé cette campagne dans les années ’90 et ont obtenu de l’UE qu’elle émette une directive en 1999. L’« embargo » n’entrera pas en vigueur avant 2012 et permettra alors aux producteurs d’utiliser un système que même les groupes welfaristes conservateurs d’Europe dénoncent. Et les systèmes « sans cage » ou par « enclos » sont horribles, eux aussi. L’« embargo » peut être évité entièrement par l’importation d’œufs de pays situés à l’extérieur de l’UE, qui les produisent selon les méthodes d’élevage en batterie conventionnelles. Finalement, même si l’UE a rejeté la demande visant à repousser l’entrée en vigueur de l’« embargo », il reste à voir si les puissants états de l’UE, comme la France, l’Espagne et la Pologne continueront à s’opposer à l’interdiction, ce qui exigerait que les welfaristes continuent à dépenser du temps, de l’argent et d’autres ressources dans ces insignifiantes campagnes.
Si qui que ce soit pense que cette campagne constitue une bonne utilisation des ressources du mouvement, alors je suis en désaccord. Il me semble clair que le temps, l’argent et le travail aurait été mieux investi dans une campagne claire et sans équivoque en faveur du véganisme, plutôt que dans une campagne amenant le public à penser que les œufs de poules « bien traitées » existent davantage que les licornes.
Gary L. Francione
© 2008 Gary L. Francione