« Ceux qui ne peuvent se souvenir du passé sont condamnés à le répéter. »

Ces mots, écrits par le philosophe George Santayana, semblent résonner d’une manière particulièrement pertinente ces jours-ci, alors que, devant nos yeux, le monde s’effondre sous la violence.

Mais Santayana avait aussi quelque chose d’important à dire au mouvement de défense des animaux.

La plupart des grosses organisations néo-welfaristes, autant aux États-Unis qu’en Grande-Bretagne, prétendent endosesr le véganisme, mais refusent d’en faire le principe de base du mouvement parce qu’elles craignent que le véganisme paraisse trop « radical » pour le grand public. Alors, ces organisations font la promotion de la viande « heureuse » et des produits d’origine animale portant le sceau Certified Humane Raised and Handled ou affichant l’étiquette Freedom Food ou ayant été produits dans le respect des Farm Animal Compassionate Standards de Whole Foods, se trouvant maintenant des deux côtés de l’Atlantic. Et Peter Singer nous rappelle qu’être un végan rigoureux est « fanatique » et que nous sommes, en fait, obligés de ne pas être végans lorsque cela risque de choquer les autres.

Ceux d’entre nous qui maintenons que le véganisme devrait être le fondement moral clair et sans équivoque du mouvement se font fermement rétorquer par les néo-welfaristes que la société n’est pas prête à entendre le message végan. Selon eux, nous devrions donc, plutôt, focaliser sur les oeufs de « poules en liberté » et sur la viande provenant d’animaux « humainement » élevés.

Et comment est-ce que le message de Santayana s’applique dans un tel contexte?

En 1944, Donald Watson fondait The Vegan Society au Royaume-Uni. Il inventait le mot « vegan » pour décrire quelqu’un qui ne consomme aucun produit animal. Dans le tout premier numéro de « The Vegan News » − il y a de cela 63 ans − Watson écrivait :

Une critique courante est que le temps n’est pas encore mûr pour notre réforme. Est-ce que le temps pourra un jour être mûr pour quelque réforme que ce soit sans avoir été mûri par la détermination humaine?

Watson rappelait que les opposants à l’esclavage n’avaient pas attendu que le temps soit « mûr » et que les partisants de l’eau potable et des mesures sanitaires avaient rencontré une vive opposition et n’avaient pas pu attendre l’arrivé de l’« impossible moment » où le temps aurait été « mûr ».

Watson continuait :

Il est évidemment dangereux d’abandonner la réalisation de nos idéaux à la postérité, car la postérité pourrait ne pas partager nos idéaux. L’évolution peut être régressive autant qu’elle peut être progressive; en fait, il semble qu’il y ait toujours une importante force d’attraction dans la mauvaise direction à moins que les critères existants soient protégés et que les nouvelles aspirations soient honorées.

Le problème rencontré par ceux qui se préoccupent de l’exploitation des animaux nonhumains est que les grandes organisations néo-welfaristes qui dominent la scène ne conçoivent pas le véganisme comme une nouvelle aspiration à honorer, mais comme une position « fanatique » devant être marginalisée au profit de la position en faveur du maintien de la consommation de produits animaux − obtenus de manière supposément « humaine ». En faisant la promotion de la viande « heureuse » et d’autres produits d’origine animale, les néo-welfaristes ne font que renforcer le paradigme selon lequelle la consommation d’animaux est moralement acceptable si nous sommes « gentils » avec nos victimes. Cette approche ne peut nous faire progresser vers le véganisme; elle ne peut que faire du véganisme une position qui paraisse « radicale » ou « fanatique ».

Comme Watson le remarquait, « l’évolution peut être régressive autant qu’elle peut être progressive ». Nous ne pouvons attendre l’arrivée de l’« impossible moment » où le temps sera « mûr ». Nous devons faire en sorte que ce moment arrive par notre propre détermination. Cette détermination, exprimée par notre véganisme rigoureux et par notre dévotion envers une éducation au véganisme qui soit claire, sans équivoque et sans violence − ainsi que par notre rejet des campagnes welfaristes contre-productives − est le fondement du mouvement abolitionniste.

Gary L. Francione
© 2007 Gary L. Francione