Quelques questions des Vegan Freaks

Je considère le Forum Vegan Freak comme un des endroits les plus intelligents et vivants que l’on peut trouver sur le web, où l’on discute des questions liées au véganisme. Un des participants y a rapporté quatre questions qui lui avaient été posées par quelqu’un qui défendait l’utilisation des animaux, et d’autres participants ont affirmé s’être fait poser le même genre de questions. Ces questions sont typiques et j’aimerais vous offrir quelques courtes réponses qui, je l’espère, vous seront utiles dans votre activisme.

1. Les dindes n’ont pas les capacités cognitives nécessaires pour avoir des intérêts autres que celui de se reproduire et de répondre à leurs besoins de survie les plus élémentaires, n’est-ce pas?

Un des principes fondamentaux de la position visant à défendre le bien-être animal est que les nonhumains nous ressemblent dans le sens qu’ils peuvent souffrir comme nous et, donc, que nous avons donc une sorte d’obligation morale et légale vague (et insignifiante) nous obligeant à les traiter « humainement ». Mais parce que, au-delà de cette commune sensibilité, les animaux ne sont pas comme nous et n’ont pas un esprit comme le nôtre, ils demeurent « inférieurs » et nous pouvons donc les utiliser comme nous le voulons.

Nous ne savons pas ce qui se passe dans la tête des autres humains, nonobstant ce qui se passe dans celle des nonhumains. Je parie que les dindes ont de très nombreux intérêts et qu’elles sont des créatures très complexes au plan cognitif. Elles ne partagent sans doute pas beaucoup d’intérêts avec les humains, mais les dindes ont probablement des intérêts que les humains n’ont pas.

Pour les fins de l’argument, faisons comme si les intérêts des dindes étaient aussi limités que ce que la question suggère. Qu’est-ce que cette supposition nous apprend à propos du fait qu’il est, ou non, moralement acceptable de tuer des dindes et de les manger, ou encore de les exploiter d’une autre manière?

La réponse : rien.

En quoi est-ce que le fait que les dindes aient des intérêts limités, ou des intérêts qui diffèrent des nôtres, est-il logiquement pertinent à l’égard de la question de savoir s’il est moralement acceptable de les manger?

La réponse : cela n’est pas pertinent.

Et cela vaut évidemment pour les êtres humains. Il y a des humains qui ont des intérêts très limités, ou qui ont des intérêts qui ne sont pas similaires à ceux des adultes « normaux ». Est-ce que ces différences sont pertinentes?

Peut-être le sont-elles pour certaines fins. Supposons qu’un humain en particulier est mentalement déficient et ne pense qu’à « se reproduire et à répondre à ses besoins les plus élémentaires ». Sans doute est-ce que nous lui refuserions un poste en enseignement ou la dernière place disponible à l’école de médecine. Mais serait-il acceptable de forcer un tel être humain à donner ses organes ou de le soumettre, sans son consentement, à des expériences biomédicales.

Bien sûr que non.

De telles caractéristiques peuvent être pertinentes pour certaines fins, mais elles ne changent rien au fait qu’il soit moralement acceptable ou non de traiter un être comme une ressource, une propriété ou exclusivement comme un moyen, pour d’autres, d’obtenir leurs propres fins.

2. Qu’arrivera-t-il aux vaches, porcs, poulets, etc. si nous cessons de les élever pour les manger? Souhaitons-nous leur extinction?

Si nous prenions les intérêts des animaux au sérieux, nous cesserions de donner naissance à des nonhumains domestiqués.

Et il ne s’agit pas de viser leur « extinction ».

Il n’y a rien de « naturel » dans la domestication de nonhumains, que nous avons créés via la reproduction sélective et le confinement. Nous n’avons pas besoin de perpétuer ces nonhumains pour des objectifs de diversité biologique. Dans la mesure où les nonhumains domestiques ont des cousins vivant dans la nature, nous devrions certainement commencer par protéger ces nonhumains, d’abord pour leur propre bien et, de manière secondaire, pour des fins de diversité biologique. Mais la protection que nous accordons présentement aux nonhumains domestiques existants n’est aucunement nécessaire à la diversité biologique.

J’ai abordé cette question plus en détails dans un essai-blog affiché au mois de janvier dernier.

3. Les lions tuent les gazelles. En quoi est-ce différent de ce que nous faisons aux animaux de la ferme?

Ni les lions, ni aucun autre nonhumain n’instrumentalise d’autres animaux et les élève comme nous le faisons. Il n’y a simplement aucune comparaison possible entre ce que les lions font aux gazelles et ce que nous faisons aux animaux domestiques, même dans les conditions d’élevage les plus « humaines ». Mais ce que cette question soulève en fait est pourquoi est-ce que nous devrions nous retenir de poser des gestes violents à l’endroit des nonhumains si eux-mêmes agissent de manière violente les uns envers les autres.

Je ne sais pas si le lion prend la décision morale de tuer la gazelle. Je ne sais pas si le lion peut choisir de ne pas tuer de gazelle ou d’autres animaux afin de survivre. Ce que je sais, c’est que je peux prendre des décisions morales et que je n’ai pas besoin de manger de la chair animale ou d’autres produits d’origine animale pour survivre.

Alors la question est comment est-ce que je peux justifier mon choix d’imposer de la douleur, de la souffrance et la mort à des êtres sensibles alors qu’il ne m’est absolument pas nécessaire de le faire? Si je prends au sérieux le principe moral largement accepté selon lequel il est mal de poser ces gestes sans avoir de très bonnes raisons, alors la réponse est que je ne peux pas justifier ma consommation de viande, de produits laitiers ou d’œufs.

J’aborde une question similaire dans un essai-blog affiché plus tôt ce mois-ci (voir question 5).

4. Si une vache devient angoissée à l’abattoir, c’est simplement parce qu’elle craint des prédateurs, et non pas parce qu’elle ne veut pas mourir.

Premièrement, je ne suis pas certain de comprendre la question, puisque ce sont bien des prédateurs qui tueront la vache! Je pense que ce que la question vise est de déterminer s’il est moralement acceptable de tuer et de manger des animaux parce qu’ils ne pensent pas à la mort de la même façon que nous pensons à la mort. C’est-à-dire que lorsque nous réfléchissons à notre mort, nous pensons, d’une manière autobiographique, à la fin d’une série d’événements que nous conceptualisons comme notre « vie ».

Quiconque ayant déjà visité un abattoir sait que les nonhumains y sont terrifiés. Ont-ils des pensées biographiques à propos de leur vie, ou ont-ils des pensées telles que : « c’est vraiment dommage que je meure avant mon temps »? Probablement pas. Mais qu’est-ce que cela change?

Qu’est-ce que cela nous apprend à propos de la question de savoir s’il est acceptable de tuer et de manger ces animaux?

La réponse est, bien sûr, que cela ne nous apprend rien.

Encore une fois, pensez à comment nous envisagerions la situation s’il s’agissait d’humains à la place des nonhumains. Imaginez que nous soyons dans une situation où nous avons l’intention d’abattre un humain déficient mentalement qui n’a pas le sens de soi qu’ont les humains « normaux ». Cette personne pourrait bien ne pas penser à sa propre vie dans le sens autobiographique qui caractérise la manière selon laquelle la plupart d’entre nous pensons à notre vie. Mais il ne ferait aucun doute qu’elle aurait tout de même intérêt à ne pas être abattue; elle préférerait, voudrait ou désirerait vivre. Qui dit qu’elle a besoin de penser à sa propre vie d’une manière particulière afin que son intérêt à exister soit considéré comme moralement significatif?

La réponse est, bien sûr : ceux d’entre nous qui veulent manger des animaux et qui se démènent pour trouver n’importe quelle excuse pour tenter de justifier cette conduite que nous ne trouverions jamais appropriée si elle devait concerner des êtres humains.

Les vaches, porcs, poulets, etc. qui sont abattus sont tous des êtres sensibles. Parce qu’ils sont sensibles, ils sont des êtres ayant intérêt à continuer à vivre. Ils ne sont pas indifférents par rapport à leur propre vie. Ils sont conscients d’eux-mêmes; lorsqu’ils perçoivent un autre animal courir ou grimper dans un arbre, ils savant bien que ce n’est pas eux-mêmes qui courent ou qui grimpent. Lorsqu’ils font l’expérience de la douleur ou de la souffrance, ils sont nécessairement conscients que ces expériences leur arrivent à eux et non pas à d’autres animaux. L’idée selon laquelle ils devraient pouvoir réfléchir à leur propre vie de la manière selon laquelle la plupart d’entre nous pensons à notre vie, pour que leur intérêt à vivre compte au plan moral, nous en apprend beaucoup sur l’arrogance humaine, mais ne nous apprend rien à propos du fait que les nonhumains attribuent de la valeur à leur propre vie.

Il y a une tendance déconcertante, même chez les « gens qui disent se soucier des animaux », à accepter qu’il est mal de causer de la souffrance à un animal mais qu’il n’est pas mal de tuer des animaux, tant et aussi longtemps que nous le faisons « humainement ».

Cette idée − selon laquelle utiliser et tuer des animaux ne sont pas des actes, en soi, immoraux − est proposée par le soi-disant « père » du mouvement en faveur des droits des animaux, Peter Singer. Et il n’est aucunement possible de défendre cette position d’une manière intellectuellement acceptable. J’aborde ce sujet dans mon essai-blog intitulé Le luxe de la mort.

Les podcasts seront bientôt affichés.

Gary L. Francione
© 2007 Gary L. Francione