Une appellation trompeuse

Une controverse a éclaté en Bretagne à l’égard des étiquettes « Freedom Food » de la RSPCA. Selon la RSPCA :

Freedom Food est ce que les fermes de la RSPCA offrent comme assurance et système d’étiquetage des aliments afin d’augmenter les standards de bien-être des 900 millions d’animaux de la ferme élevés pour l’alimentation chaque année au Royaume-Uni. Si vous vous préoccupez de l’origine de votre nourriture et du bien-être des animaux qui la produisent, alors s’il vous plait, cherchez le logo Freedom Food sur les œufs, la viande, le poulet, le poisson et les produits laitiers.

La réalité est que l’étiquette Freedom Food est une arnaque.

Des articles récemment publiés sur les chaînes de la BBC, de Channel 4, et de ITV, ont démontré, à partir d’une enquête ayant porté sur le Hillside Animal Sanctuary de Norwich (UK), que les animaux élevés sur les fermes Freedom Food vivent dans des conditions aussi désolantes et horribles que les animaux des fermes conventionnelles. Les principales différences sont que les aliments sur lesquels se retrouve le logo Freedom Food coûtent plus cher et que les consommateurs se sentent mieux à l’égard de l’exploitation des animaux. Prenez connaissance de ces reportages ainsi que du documentaire sur Hillside, « Canards au désespoir (Ducks in Despair) ». L’histoire est choquante.

Mais cela ne devrait pas nous surprendre.

Le scandale de la Freedom Food est un exemple classique de l’échec du mouvement en faveur du bien-être animal. Les lois ou règlements concernant le bien-être animal ne procurent aucune protection significative aux animaux. De plus, ils permettent au public de se sentir plus confortable face à l’exploitation des animaux et facilitent ainsi le maintien de l’exploitation.

Et si une telle chose peut se passer en Bretagne – un pays qui a peut-être la plus importante tradition de bien-être animal au monde et où, selon certains, les standards de bien-être animal sont plus hauts que partout ailleurs –, imaginez quel échec lamentable un tel système d’étiquetage serait aux États-Unis.

Nous le saurons bien assez tôt.

La Humane Society of the United States et d’autres groupes de bien-être animal se sont associés au Humane Farm Animal Care pour produire les étiquettes « Certifié humainement élevés et manipulés » (« Certified Humane Raised and Handled »).

Selon le site web du Humane Farm Animal Care:

Les étiquettes Certified Humane Raised & Handled font partie d’un programme d’étiquetage et de certification destiné au consommateur. Lorsque vous voyez une étiquette Certified Humane Raised & Handled, cela signifie que les œufs, la viande ou les produits du poulet ont été produits en ayant le bien-être des animaux de la ferme en tête. Les produits alimentaires sur lesquels sont apposées ces étiquettes sont certifiés provenir d’industries qui rencontrent des objectifs et standards précis à l’égard du traitement des animaux de la ferme.

Pourquoi les producteurs se soumettent-ils aux exigences permettant d’afficher Certified Humane Raised and Handled?

L’étiquette Certified Humane Raised and Handled crée une situation où plusieurs ont à gagner: les distributeurs, les restaurateurs, les producteurs et les consommateurs. Le gain pour les fermiers est qu’ils peuvent offrir des produits qui se distinguent, augmenter leur marge de profit et – en optant pour des pratiques plus durables – augmenter leurs profits à venir.

Pourquoi est-ce que les détaillants se soumettent aux conditions associées à l’étiquette Certified Humane Raised and Handled?

Les aliments naturels et organiques représentent les catégories d’aliments d’épicerie dont la croissance est la plus rapide ces dernières années. Dorénavant, les épiciers, détaillants, restaurants, opérateurs de services alimentaires et producteurs peuvent bénéficier d’opportunités de ventes et de profits grâce à l’étiquette Certified Humane Raised & Handled.

Et si l’étiquette Certified Humane Raised ne suffit pas, nous pouvons anticiper avec hâte l’étiquette « Animal Compassionate » que Whole Foods Market prépare. Et comme nous le savons, le projet Whole Foods Animal Compassionate est appuyé par Peter Singer, PETA, Farm Sanctuary, HSUS, Vegan Outreach, et de nombreux autres groupes welfaristes.

Ce n’est qu’une question de temps avant que le public américain reconnaisse ce que le public britannique est en train de réaliser: que ces étiquettes « éthiques » sont totalement insensées. Elles permettent aux humains de se sentir mieux; elles ne font rien pour les animaux. En plus du fait que ces programmes ne présentent aucun contenu substantiel, il est impossible de les contrôler et de les faire respecter.

En fait, le mouvement en faveur du bien-être animal focalise sur le traitement des animaux. Par conséquent, il cherche à règlementer l’exploitation animale de manière à la rendre plus « humaine ». Le mouvement pour les droits des animaux, tels qu’envisagé par les tenants de l’approche abolitionniste, focalise sur l’utilisation des animaux et cherche à abolir l’exploitation animale.

Il ne s’agit pas de positions complémentaires; elles sont contradictoires. En faisant la promotion du traitement « humain » des animaux, nous n’obtenons pas de support en faveur de l’abolition. Au contraire, nous renforçons l’idée selon laquelle il n’y a rien de mal en soi à utiliser des animaux, tant que nous agissons « humainement ». Cette importance donnée au traitement plutôt qu’à l’utilisation explique pourquoi les Welfaristes poursuivent des mesures qui, selon eux, réduiront la souffrance et rendront l’exploitation « bienveillante » et plus « douce ».

Mais parce que les animaux sont des propriétés et n’ont qu’une valeur extrinsèque ou conditionnelle, le niveau de bien-être qu’on leur procure est limité. Parmi les intérêts des animaux, seuls ceux qu’il est nécessaire de protéger pour que leur exploitation soit raisonnablement efficace le sont. Cela signifie qu’on ne nous demande de protéger les intérêts des animaux que dans la mesure où il est économiquement avantageux de le faire. Toute protection supplémentaire est limitée par ce que les gens sont prêts à acheter. Et le sens commun nous dit que, si les gens pensent si peu à la valeur de la vie des animaux, s’ils sont prêts à les tuer et à les manger en dépit du fait qu’ils n’ont pas besoin de le faire pour rester en santé et sans autre justification morale, alors peu importe qu’ils soient traités « humainement » ou non, la plupart d’entre ces gens ne seront pas d’accord pour payer beaucoup plus cher pour assurer une meilleure protection aux animaux qu’ils consomment.

Même si les consommateurs étaient prêts à payer plus cher pour augmenter le bien-être des animaux, leur statut de marchandises continuerait à encourager les producteurs à faire exactement ce qu’ils ont fait dans le cas de la RSPCA – c’est-à-dire empocher les profits et ignorer les standards. De toute façon, qui peut le savoir? Il n’y a pas suffisamment de gens pour contrôler l’application de ces programmes.

La principale campagne en faveur du bien-être animal qui est menée au États-Unis cherche à faire abolir les cages en batterie afin de les remplacer par des cages plus grandes appelées « granges sans cage ». Et l’organisation qui est à la tête de cette campagne est la HSUS. Mais la HSUS reconnaît que les alternatives « sans cage » ne coûteront rien de plus que les cages plus larges dont l’industrie des œufs fait la promotion. Voyez ce qu’affirme la HSUS :

Le coût de production « sans cage » n’est pas exagérément élevé et, en fait, n’est pas tellement plus élevé que le coût du programme de certification des United Egg Producers On s’attend à ce que la conversion au système de grange augmente les coûts de production de 12 cents par douzaine d’œufs. (Les œufs de poules élevées « en liberté » sont vendus beaucoup plus cher que cela lorsqu’ils sont commercialisés comme produits d’un type particulier). À l’inverse, il a été évalué qu’une augmentation relativement faible de la grandeur des cages, tel que le prévoit le programme des United Egg Producers, augmenterait les coûts de production de 6 cents par douzaine, ce qui est bien pour cette catégorie de produits.

Considérant la part du prix des œufs allouée au marketing et la souplesse des bas prix associés à la consommation d’œufs, les producteurs « sans cage » peuvent profiter de plus grands revenus qui compensent amplement l’augmentation de leurs coûts de production. Les consommateurs, quant à eux, augmentent leurs dépenses mensuelles moyennes per capita pour les œufs de 4 à 24 cents… Il n’est pas tellement surprenant que la production d’œufs de poules « sans cage » ou « en liberté » représente le segment de l’industrie qui croît le plus rapidement et s’avère le plus profitable.

Voilà tout ce en quoi consiste le bien-être animal. Plus de profits pour les producteurs, une conscience apaisée pour les consommateurs, des levées de fonds pour les organisations en faveur du bien-être animal et le maintien de l’exploitation et de la torture des animaux. Il s’agit là, comme le dit le Humane Farm Animal Care, d’une « situation trois fois gagnante ». Les producteurs gagnent, les organisations animales gagnent et les consommateurs gagnent. Seuls les animaux perdent.

Si vous prenez les animaux au sérieux, alors le véganisme est la seule solution. Quoique ce soit d’autre n’est qu’une forme d’exploitation animale.

Gary L. Francione
© 2007 Gary L. Francione