Le spécisme est moralement condamnable parce que, comme le racisme, le sexisme et l’homophobie, il exclut des êtres sensibles de la communauté morale sur la base de caractéristiques non pertinentes. La race, le sexe, l’orientation sexuelle et l’espèce sont toutes des caractéristiques sans rapport avec la capacité de subir un dommage.
Mais le rejet du spécisme pour cette raison implique le rejet de la discrimination basée sur la race, le sexe ou l’orientation sexuelle. Il est inacceptable de perpétuer la chosification et la soumission d’un groupe à un autre. La chosification implique de traiter l’autre − qu’il soit une femme, une personne de couleur, un gai ou une lesbienne, ou un nonhumain − comme un objet, comme quelque chose plutôt que comme quelqu’un.
Pendant plusieurs années, People for the Ethical Treatment of Animals a mené des campagnes de promotion sexistes. Cela a commencé avec sa campagne « J’aimerais mieux me promener nu plutôt que de porter de la fourrure » au début des années 1990 et a « progressé » via une série de promotions de plus en plus faciles et puériles, pour culminer par sa plus récente campagne PETA’s State of the Union Undress, qui atteint un niveau de bassesse inégalé, même par PETA lui-même.
Et voilà qui veut dire beaucoup pour une organisation qui a tout fait pour réduire la sérieuse question de l’exploitation animale à des blagues vulgaires.
On est maintenant allé jusqu’à étaler dans ses moindres détails la nudité de femmes photographiées « pour les animaux ». Vous devez cliquer pour indiquer que vous avez plus de 18 ans. Et après avoir regardé une femme se dévêtir complètement en vous racontant tout ce qu’il faut savoir sur la campagne welfariste de PETA, campagne destinée à vous inciter à consommer avec « compassion », vous êtes confrontés à plusieurs minutes de photos sanglantes de nonhumains exploités dans différents contextes. Le vidéo-clip se termine par une citation de Dr. Martin Luther King à propos de la justice.
Ce récent vidéo-clip, même s’il va plus loin que tous les efforts précédents de PETA, est problématique pour les même raisons qui font en sorte que toutes les campagnes sexistes et misogynes de PETA sont problématiques.
Premièrement, ces campagnes chosifient un groupe traditionnellement opprimé (les femmes) sous prétexte de servir la cause d’un autre groupe opprimé (les nonhumains). Mais qu’y a-t-il de logique à nous dire que nous devrions traiter un groupe de manière instrumentale afin d’aider un autre groupe? Cela est totalement insensé. En effet, en encourageant le public à considérer les femmes comme des objets, PETA s’assure simplement que les gens continueront de considérer les nonhumains comme des objets. Tant et aussi longtemps que nous continuerons à traiter les femmes comme de la viande, nous continuerons à traiter les nonhumains comme de la viande.
Il est impératif que nous nous opposions au traitement instrumental de tous les groupes. Sous-évaluer et chosifier un groupe pour le soi-disant bénéfice d’un autre est immoral et voué à l’échec.
Deuxièmement, en associant des images sexuelles à des images de violence envers les nonhumains, ces campagnes tentent d’érotiser l’exploitation animale. Nous vivons dans une culture où la violence, et particulièrement la violence envers les femmes, est érotisée de différentes façons. Perpétuer cela, et l’étendre à l’exploitation des nonhumains, est profondément troublant.
Troisièmement, ces campagnes ont tout à voir avec la promotion de PETA et rien à voir avec l’exploitation des animaux nonhumains. PETA a commencé ses campagnes anti-fourrure basée sur la nudité au début des années 1990. L’industrie de la fourrure est plus forte que jamais. Il y a eu une augmentation drastique dans la dernière décennie du nombre de boutiques proposant de la fourrure et du nombre de designers utilisant de la fourrure, ainsi qu’une baisse significative de la moyenne d’âge des acheteurs. Un sondage Gallup de 2004 rapportait que « 63% des répondants considéraient qu’acheter ou porter des vêtements faits à partir de fourrure animale était « moralement acceptable » ». Même si des conséquences favorables aux nonhumains ne justifieraient pas le recours au sexisme, le fait est que le sexisme n’a entraîné aucun résultat favorable aux nonhumains.
Quatrièmement, ces campagnes ne font rien pour encourager les discussions sérieuses à propos de l’exploitation des nonhumains, incluant l’importance du véganisme, les problèmes liés au mouvement welfarist, le statut de propriété des nonhumains, la pensée spéciste, etc. Au contraire, elles incitent toute personne réfléchie qui n’est pas déjà convaincue à se détourner du « mouvement » parce qu’il est stupide, offensant et juvénile. Il n’est pas surprenant que des personnes politiquement progressistes évitent le « mouvement ».
Le fait que PETA considère qu’il est approprié de terminer l’enregistrement vidéo d’un striptease par une citation de Martin Luther King à propos des injustices est une indication supplémentaire nous permettant de conclure que PETA est prêt à banaliser n’importe quoi et n’importe qui dans le cadre de ses efforts acharnés pour se promouvoir lui-même. PETA devrait peut-être se souvenir que Dr. King a fait avancé de manière significative la cause de la justice en se servant de l’intelligence, de la ténacité, de la dignité et du courage, sans jamais se dévêtir pour gagner des droits civils ou utiliser les moyens sensationnalistes et vulgaires qui sont devenus la marque de commerce de PETA.
Je critique le sexisme de PETA depuis le tout début de ses campagnes au début des années 1990. Et chaque fois que j’ai soulevé cette question devant différents PETAphiles, incluant Ingrid Newkirk, je me suis fait dire qu’il n’y avait rien de mal dans ces campagnes puisque les femmes impliquées participaient volontairement et qu’il s’agissait plutôt d’une expression du féminisme que de se dévêtir « pour les animaux ». Cela est aussi ridicule que de dire que les acteurs afro-américains qui perpétuaient les stéréotypes racistes dans certaines comédies des années 1920 et 1930 faisaient avancer la cause de l’égalité raciale. Le fait que cette exploitation soit « approuvée par les victimes » ne signifie pas qu’il ne s’agit pas d’exploitation. Cela signifie seulement que le sexisme est si intégré dans notre société que plusieurs femmes ne le remarquent plus. Cela ne devrait pas nous surprendre.
Ceux qui, parmi vous, considèrent PETA comme « radical » ont besoin de revoir leur compréhension du terme. Être « radical » implique aller à la racine ou à la source. Une solution radicale en est une qui s’attaque à la racine d’un problème et propose un changement fondamental. Les campagnes de PETA ne peuvent être distinguées des approches welfaristes traditionnelles. Le fait que PETA fasse également la promotion du sexisme et cherche à offenser le plus de gens possible afin d’obtenir l’attention des médias ne le rend pas « radical ». PETA n’agit pas pour changer le paradigme actuel de la hiérarchie spéciste et de l’oppression – il renforce ce paradigme.
PETA était peut-être, à ses débuts, une organisation valable, mais il est devenu un objectif en lui-même et les nonhumains exploités sont maintenant relégués au rand d’outils servant à une série sans fin d’autopromotion ayant fait de PETA une organisation valant plusieurs millions de dollars mais ayant cessé de prétendre sérieusement être abolitionniste. PETA gêne plus qu’il n’aide la cause des droits des animaux. Si vous appuyez PETA, vous devriez bien réfléchir avant de continuer à lui offrir votre soutien.
Mais alors, si le fait que PETA ait offert un prix à la conceptrice d’abattoirs « visionnaire » et exploiteuse d’animaux Temple Grandin, ou que sa position à propos des droits des animaux signifie qu’il faille tuer les animaux, ne vous a pas convaincus que Newkirk et ses amis sont allés tellement loin qu’ils ont complètement changé de direction, alors peut-être que le striptease complet d’une femme louant les vertus du welfarisme, juxtaposé à des scènes d’exploitation animale et se terminant avec les propos Dr. Martin Luther King ne vous dérangera pas non plus.
Gary L. Francione
© 2007 Gary L. Francione